MJ
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M.J
J’aimerais, te revoir à mon retour.
Etre palpitante et excitée comme quand j’avais cinq ans à l’idée de venir te voir.
Descendre la pente, qui mène au village.
Dans ce si petit village en forme de cuvette.
Si minuscule, un bijou de tendresse.
Plein de « viens dîner ce soir il reste des pâtes de ce midi ! »
Tel un nid, un écrin de jolies verdures, de souvenirs chauds comme des caresses sur ma peau, et que j’ai tant besoin quand rien ne va.
Je veux te revoir à mon retour.
Et sache que je serais exigeante avec toi, mais pardonne-moi !
Je veux tout cet amour que tu me donnes à chaque fois, je le veux en entier !
Et que surtout tu n’oublies rien, je veux profiter de la moindre seconde avec toi !
Te scruter, te dévisager telle une toile sur laquelle je devrais faire un rapport détaillé.
Quelle ride n’aies-je pas vue ? Tes yeux, si bleus, si doux, je ne les ais pas vus depuis si longtemps.
J’exigerais de toi un café, très fort, seule toi sais le faire si bien, sur le poêle, avec un peu de chicorée.
Je veux sentir cette délicieuse odeur dans la cuisine, lorsque je foulerai le parquet grinçant.
Je viendrai en hiver, juste pour ressentir cette chaleur piquante, presque étouffante de ce sublime poêle, auréolé de souvenirs.
Je veux grimper quatre à quatre les escaliers, tu m’auras vue et avant même d’arriver, tu auras ouvert la porte avec ton immense sourire, et là les bras ouverts, tu crieras mon prénom en riant !!!
Je me jetterai dans tes bras en t’embrassant et là, après avoir fermé, tu me diras encore que çà fait bien trop longtemps que l’on ne s’est vues !
Nous ferons ensemble le corridor, jusqu’à la cuisine.
Ton petit chien sera comme fou a japper et sautillé dans tous les sens.
Bien sûr je ferais mon petit tour d’inspection, voir si rien n’a changé depuis mon départ.
Si tu n’as pas un nouveau bidule à me montrer, si tu es seule ou si je dois saluer d’autres personnes.
Je m’attarderais sur ton fauteuil, as-tu changé ton plaid, es-tu bien installée pour ton film du soir ? Ou tes émissions de midi ?
Es-ce que toutes les photos sont là, oui comme toujours, tout est à sa place.
Tes tapisseries au mur, le poêle en faïence, le canapé recouvert, et tes somptueux rideaux rouges qui ont tant marqués mon enfance ! Ah ce velours !
Ensuite, tu me proposeras ton café, j’en boirais sans compter, et je te laisserai me servir gentiment, obéissante.
Je veux que tout soit exactement comme d’habitude.
Rire, parler, sourire ensemble.
Je veux que tu me proposes du gâteau et qu’au lieu de me servir une tranche, tu me ramènes le cake en entier, que tu le poses devant moi et que tu coupes déjà plusieurs tranches, l’air de rien !
Je rétorquerai qu’un seul morceau me suffira largement, mais finalement j’en mangerai plusieurs. Un ou deux pour moi et les autres pour ton plaisir !
Il faudra que tu me parles, que tu me racontes plein de choses.
Je veux tout savoir, des broutilles, des commérages, ce que tu veux, je veux entendre ta voix et te regarder parler.
Je veux te voir me faire ton petit spectacle … !
Fais moi rire aussi, tu sais comme j’adore ça et je suis un très bon public, entre deux bouchées, j’ai envie de cette sensation d’étouffement de rire !
Me comprends-tu ?
Je veux que tu disputes un peu ton mini chien aussi, tu le fais toujours, cela non plus, ne doit pas changer.
J’ai envie qu’on parle beauté et que tu me dises à quel point cette crème est formidable !
Tu me feras essayer, j’acquiescerai en me tartinant moi aussi le visage de cette volupté rose pâle.
Je veux te revoir à mon retour.
Je sais je suis très loin de toi désormais, douze mille kilomètres, on peux dire l’autre bout de la terre, en quelque sorte !
Peux-tu seulement l’imaginer !
Je veux enfin, que tu me reposes plusieurs fois les mêmes questions, sans te souvenir de mes réponses.
Dans ton regard bleu, je verrai toute cette sincérité, et inlassablement et patiemment je te répondrai les mêmes choses à quelques mots près.
Je veux encore que tu me confondes avec une autres de tes petites-filles, c’est très drôle, et tu finis toujours par me retrouver dans ce dédale de prénoms !
Je veux qu’encore tu ne te souviennes plus de l’endroit où j’habite.
C’est de ma faute aussi, je bouge trop !
Redemande-moi encore où j’habite.
Je te raconterai alors cette île du bout du monde.
Je te raconterai la chaleur, l’humidité, les gens, mon travail, mes nouveaux amis.
Les fruits tropicaux, l’Océan, plus beau que toutes les plus belles cartes postales.
Et tu me poseras plein de questions, je te connais.
Pour finir, tu seras nostalgique et tu me demanderas pourquoi je suis partie si loin.
Embarrassée, je te répondrai par un sourire.
Je sais que je te reverrai à mon retour.
Mais ce ne sera plus au même endroit.
Tu es partie sans prévenir, sans un mot, a pas de velours.
Tu nous as laissé.
Un Mercredi 2 Juin. La Sainte Blandine.
Je t’en veux un peu, c’est vrai ma petite Mamie.
Tu ne m’as pas attendue pour partir…
Les fleurs, la maison, le café, le poêle n’auront plus le même visage, ni la même odeur sans toi.
Je sais que je te parlerai, mais cette fois tu ne me répondras plus, ni par un sourire, ni par une question, rien, le silence aura fait sa place dans la maison, et ta belle exubérance, envolée dans un souffle.
Mais ne t’inquiètes pas, je connais ta grande curiosité, je te raconterai tout c’est promis !
Sans rien oublier.