Moi, client asystolé
jean-fabien75
On est tous client de quelque chose à un moment ou à un autre, qu'on le veuille ou non. C'est ainsi.
Qu'on aille chez son médecin, qu'on prenne l'avion, qu'on veuille acheter une cuisine ou qu'on poireaute à la sécu, on est tous confronté à cette relation un peu particulière avec autrui que l'on appelle la relation client-fournisseur.
Et le moins que l'on puisse dire est que les fortunes sont diverses.
Hier, chez mon médecin justement, je croise un panneau qui explique comment faire 30 minutes de sport par jour avec des astuces du genre « cumulez 10 minutes de repassage et 20 minutes pour promener votre chien ».
Mouais. Au-delà du fait qu'il ne m'était jamais apparu que les activités ménagères puissent être aussi dépensières d'énergie, vous connaissez des gens qui laissent leur chien chier dans le salon ? J'imagine que quand on a un chien, ben on le promène… ce qui nous met au top question espérance de vie (ou alors l'astuce nécessite-t-elle l'achat d'un clébard ?).
Pas convaincu, je suggère donc à mon praticien qu'il suffit d'aller chercher son paquet de clopes à un tabac un peu plus loin pour faire 15 minutes de marche aller et le même tarif retour. Ben, ça l'a pas fait rire. Du tout.
Lui non plus ne m'a pas fait rire après quand, pour un banal certificat médical, il m'a imposé un électrocardiogramme (une vengeance sans aucun doute due à ma tentative d'humour ratée) et s'est extasié de longues minutes sur mon « point J ». « Incroyable (…) jamais vu ça (…) je peux faire une photocopie pour mes élèves ? » furent ses quelques paroles.
Je me sentais important – j'avais presque l'impression d'être une sorte de Rocco du myocarde à qui une infirmière demandait une photo (« j'en ai jamais vu des comme ça ! ») – jusqu'à ce que je lui demande ce qu'était « un point J ». Il n'en avait aucune idée en fait. Il ne savait pas ce que c'était exactement mais il n'en avait jamais vu et donc *patatras* il me refuse le sésame et m'envoie chez un cardiologue, non sans continuer à s'extasier sur l'extraordinaire courbe de mon cœur.
Moi je dis, quand on sait pas, on ferme sa gueule.
Cela m'a rappelé ce retour récent en avion où le pilote nous a expliqué avant le décollage qu'une pompe hydraulique essentielle au décollage ne voulait pas démarrer (tout va bien), il avait l'air bien embêté – genre « merde je vais être en retard à l'apéro à Buenos Aires ». Cependant, quand cinq minutes après (top chrono), un mécanicien (« apparemment le meilleur du monde » nous dit le pilote vaguement ironique) a miraculeusement relancé la pompe, une angoisse commence à nous étreindre (« euh, vous êtes sûr que le bout de scotch va tenir ? »).
Qu'est-ce qu'on a en à foutre de tous les trucs qui dysfonctionnent, je vous le demande. Moi quand je monte dans un avion, c'est comme pour mon cœur, j'ai juste envie d'entendre que le truc fonctionne et youpi. Si on se scratche en plein vol, je préfère que ce soit en rigolant devant un film qu'en se disant « je le savais, je le savais », tout mouillé des litres de sueur qu'on a perdus depuis le décollage. Aucun besoin de nourrir mon angoisse qui n'a pas vraiment faim en temps normal.
Dans le genre user experience un poil désastreuse, il m'a traversé l'esprit l'autre jour (et un peu le portefeuille, j'avoue) de changer de cuisine. Ou plutôt d'en mettre une chez moi, parce que là c'est plutôt le style étudiant avec les casseroles qui s'empilent sous la poussière.
Je me dis donc bêtement « je vais aller chez Ikea » (étudiant fauché, sors définitivement de ce corps). Je me dis aussi (encore plus bêtement) « et après j'irai voir chez Alinea », car soyons clairs j'aime souffrir. J'aime me confronter à tous ces jeunes couples qui suivent religieusement la ligne tracée par terre et qui vous oblige à repartir avec des milliards de trucs dont vous n'aviez même pas idée avant que ça pourrait vous être utile (en gros, j'ai acheté des bougies parfumées).
Le verdict est sans appel :
+ chez Ikea, les vendeurs sont souriants et clairement « formatés » (discours hyper calibré et positive attitude en toute circonstance)
- chez Alinea, la seule vendeuse croisée avait plutôt l'air d'avoir envie de rentrer chez elle (« fuck, qu'est-ce qu'il me veut celui-là, vous pouvez pas aller chez Ikea comme tout le monde ? »).
+ chez Ikea, ils proposent un super outil pour paramétrer et visualiser votre future cuisine dans l'espace (bon évidemment, faut avoir envie d'aller cuisiner dans l'espace)
- chez Alinea aussi, à part que leur outil ne fonctionne pas sous Mac (bravo les gars, bien joué)
+ chez Ikea, quand t'arrives à la caisse, tu en as 15 d'ouvertes, tu peux aller aux caisses automatique, etc.
- chez Alinea, tu fais la queue comme un blaireau derrière 10 autres blaireaux parce qu'il y a une seule caisse d'ouverte pour TOUT le magasin.
Heureusement, chez Alinea, ils proposent une réduction de -15% jusqu'au 18 octobre si t'as moins de 25 ans.
J'suis juste à la bourre de 15 ans.
Je crois que je vais aller regarder mon électrocardiogramme pour rigoler, ça me remontera le moral.
Client, c'est pas une vie.