Mon ami Charlie

Ludovic Metzker

Une lettre écrite après le Dimanche du rassemblement !

Mon ami Charlie,
En ce dimanche 11 janvier 2015, tu aurais sûrement été fier de voir comment le monde s'est rassemblé à travers plusieurs pays pour te rendre hommage. Tu aurais été ému de voir des drapeaux venant d'Afrique du Nord se coller à celui d'Israël et tu nous aurais sûrement dit qu'enfin, il aura fallu ta mort et celle de policiers, de juifs… d'innocentes personnes pour que le monde ouvre les yeux !
Vois-tu, mon ami, aujourd'hui, je regarde toutes les actions de ce dimanche et je me demande si réellement tout cela va changer ! Bien sûr, nous te mettons en avant, toi et les tiens, mais tu nous fais un peu de l'ombre face au réel danger : des juifs sont encore victimes de ces barbares alors que nous sommes dans un pays libre de droits et de pensées, mais je veux aussi parler de ces policiers qui font leur boulot et à qui nous avons donné des menottes et enlever les munitions pour les empêcher de nous défendre ! Que crois-tu ? Ce que nous appelons aujourd'hui des héros, il ne faut pas se voiler la face, ont été jugés et bafoués, car, sois disant, ils faisaient mal leur travail et en ce jour nous leur offrons des fleurs ? Bien sûr, il en va de notre devoir de défendre nos institutions, notre libre arbitre, mais aussi notre point de vue. Mais avant tout, tu ne penses pas que le problème se cache ailleurs ? En ce dimanche, les médias m'ont montré le bonheur, la joie, la fraternité tandis qu'ils n'ont pas été voir en dessous, dans les métros, dans les banlieues : des gens criant la haine de la France et scandant que le drapeau d'un groupuscule terroriste flottera un jour ou l'autre sur l'Élysée !

En ce dimanche, j'ai eu une pensée pour toutes ces personnes qui n'auront jamais la même puissance que toi, je parle de ces juifs en Israël qui ont aussi le droit de se défendre et de protéger les leurs sans cesse attaquer par des gens qui, je te le rappelle, n'en avait que faire de ce petit bout de terrain ridicule il y a de cela 100 ans. Je te parle aussi de nos frères musulmans qui ne veulent pas vivre avec cette menace et de ces catholiques et chrétiens qui eux aussi, aimeraient pouvoir vivre partout librement sans avoir une arme pointée sur la tempe ou un couteau sous la gorge. Je te parle aussi des 2000 Nigériens qui n'auront jamais la même médiatisation que toi ! Mon ami, j'aimerais que ta mort ne soit pas qu'un vulgaire leurre visant à nous attendrir par de jolis mots, de jolis dessins. J'aimerais que ta mort et ceux des tiens puissent enfin nous donner envie d'aller plus loin et de prendre ce ticket de grattage et de gratter, gratter, car l'horreur continue bel et bien à se cacher pour mieux nous attaquer et nous provoquer.
Je ne suis pas un célèbre auteur, je ne suis pas Charlie, je ne suis pas un Zola : je suis Français, juif aussi et j'ai la chance d'avoir des origines, de par mes parents et grands-parents, du Maroc, d'Israël, de Pologne et d'Allemagne ! Avant d'être croyant en quoi que ce soit, je suis un fervent admirateur de l'humain et un amoureux inconditionnel de notre chère et tendre liberté ! Je ne suis pas que TOI, je suis avant tout, NOUS ! Aujourd'hui, j'ai envie de crier au scandale ! Scandale d'avoir attendu ta mort, celles des policiers, celles des juifs dans un magasin casher et de toujours voir les mêmes causeurs de troubles ! Non, mon ami, je ne te parlerai jamais des musulmans qui, à mes yeux, ne sont pas à confondre avec un tas de guignols dégénérés se vantant les mérites d'un Dieu tout puissant ! Moi, je veux te parler de toutes ses personnes, de toutes ses victimes, celles dont les médias n'osent mettre en avant, car ils n'ont pas ton statut et ta médiatisation ! Toutes ses puissances qui nous gouvernent, toutes ses puissances qui ont financé de manière indirecte les balles qui vous ont tués, c'est eux que j'accuse ! C'est eux qui auraient mérité ces attaques, car ils sont à la fois NOS responsables et RESPONSABLES aux yeux du monde ! Eux qui mettent une religion en avant au profit d'une autre ! Ils nous doivent des comptes et je sais que toi aussi, de par tes dessins, tu te moquais d'eux ! Je suis outré de voir que ce sont toujours les mêmes qui détruisent des lieux de cultes, des monuments, qui nous imposent une façon de penser unique et une couleur bien sombre qui ne me sied guère ! Eux qui agressent et violent nos compatriotes et aujourd'hui, nous nous voilons de nouveau la face en nous disant qu'il faut comprendre ? Pourtant les fautifs sont toujours et encore les juifs ! Au nom de quoi ? Aujourd'hui, j'ai l'impression de voir une France qui se lève après plus de cinquante années de coma et que tous s'agitent face à une recrudescence de la violence en tentant de défendre des musulmans « pacifistes » ! Où étions vous en 1939 pour porter vos pancartes avec dessus une inscription comme « Je suis juif, je suis Français ! ». Où étiez-vous tous lorsque les trains menaient à une mort certaine des milliers et des milliers de gens ? C'est marrant, personne ne défendait avec autant de conviction mes grands-parents…

Vous, hommes politiques de tous bords, où êtes-vous lorsqu'en Afrique même des horreurs sont perpétrées encore et encore ? Où êtes-vous lorsqu'en Corée du Nord des gens n'ont même pas le droit de parler sous peine d'être exécuté ? J'ai parfois honte de voir que nous partageons une vision bien différente de la « liberté » lorsqu'en bas de chez moi, à l'instant même où je t'écris mes mots, un homme se permet de crier : « Vive Kouashi, j'emmerde l'armée française ! » À cet homme, j'aimerais pouvoir lui expliquer, tenter de comprendre ses raisons, mais je vais te dire une chose : je n'y arriverais pas ! Vois-tu, des individus tels que lui sont des milliers et engraine d'autres individus à penser comme lui et la dangerosité de la situation est présente depuis bien longtemps à travers nos prisons, des cités perdues dont le tout le monde en a strictement que faire, mais aussi dans des écoles situées dans des zones que vous avez osées qualifié de « Zone à risque » ! 
Nous vivons dans un monde régi par le pouvoir de l'argent et souillé par la loi du plus fort. Nous vivons dans un monde qui se permet de jeter un œil et un droit de regard sur la vie de tout un chacun en oubliant un élément sacré : nous sommes censés mourir de vieillesse ou d'une maladie… certainement pas d'une balle provenant d'un extrémiste. Arrêtons cette hypocrisie de bas étage et si vous n'êtes pas capable de faire votre travail, celui pour lequel nous, peuples du monde, nous vous avons placé, alors donnez-le à ceux qui ont cette volonté : celui de vouloir changer le monde ! Vous avez les moyens de faire les choses ? Faites-le et pas au nom d'un dieu, pas au nom d'une religion, mais au nom de tout ce que nous sommes : humain !

Signaler ce texte