Monaco City – 1 In Nomine Patri (extrait)

jartagnan

Le type est là, engoncé dans son manteau. Il me tend une enveloppe de papier kraft. « Coup de fil anonyme tard dans la soirée, rue déserte, grand manteau… Il se croit dans un film de gangster ? »

La pluie recommence à tomber. Nous nous abritons sous l’entrée publique de la Salle Omnisport, abandonnée depuis des lustres. Alors que je décachette l’enveloppe, je détaille du coin de l’œil mon visiteur, qui n’a toujours pas prononcé le moindre mot. Le col de sa veste est remonté bien haut, et il porte des lunettes de soleil. « Comment il fait pour marcher sans se prendre les murs ? ».

Impossible de le dévisager plus avant. « Pas grave, la liasse de billets qui se trouve dans l’enveloppe impose le silence ».

Au bas mot, il doit y avoir près de dix milles euros. Mais ce n’est pas tout. Dedans se trouve une dizaine de clichés en noir et blanc. Je lève la tête. Mon interlocuteur ne moufte pas. Il semble attendre que je compulse ses photos.

Ainsi soit-il…

« Oh funérailles ! »

 

Sur les premières images, on distingue clairement un corps étendu sur le sol. Je n’ai qu’à regarder par terre pour constater que les pavés sont les mêmes que sur les tirages.

Le corps est allongé sur le ventre. Il baigne dans quelque chose de liquide, qui semble un peu visqueux, que je qualifierai volontiers comme du sang. Beaucoup de sang…

Un mort sûrement.

Autre cliché. On comprend ce qui lui est arrivé en regardant l’arrière de sa tête. Sa nuque n’est plus qu’une sorte de hachis Parmentier, telle qu’on en trouve dans toutes les cantines des écoles de la Principauté.

Un mort donc.

Zoom sur la tête. Il y a des morceaux d’os et de cervelle éparpillés tout autour. C’est du bon travail, c’est moche, mais propre, la victime n’avait aucune chance. « Plus jamais je ne mangerai de hachis Parmentier… »

Les photos en noir et blanc donnent un aspect sordide et glauque à ce crime.

Plan large. C’était à deux mètres de là où je me trouve. De loin, le corps semble disloqué, comme figé par la douleur et la violence de l’impact. « Et l’enveloppe, je peux m’en servir de doggy bag ? »

Un mort donc.

Et pas n’importe qui ! Le dernier cliché de face ne laisse aucun doute là-dessus. Même si la balle, ressortie par l’œil droit, lui a déformé la moitié du visage.

« Le crime a été commis ici même, il y a trois jours... »

A tiens, le mystérieux indic se met à causer.

« Une balle, une seule, dans la nuque, à bout portant… Personne n’en a parlé, car personne n’a rien vu, rien entendu… Sauf sa femme, sûrement, qui était avec lui… Mais depuis, elle a disparu, tout comme le macchabé, enlevés tous les deux par les mêmes personnes qui ont pris ces photos. »

Curieuse façon de mettre fin à un couple.

 

Il se tait, me prend les clichés des mains. Pour les brûler, une par une… « Oh un briquet ! »

Il est très précautionneux… « S’il tient tant à ses secrets, c’est que ce n’est pas n’importe quel quidam. »

Machinalement, je sors mon paquet de clopes, et je me mets à jouer avec. Quand je gamberge, faut que je tripote. Là, je gamberge sec. « Et puis j’espère attirer l’attention

de son briquet … »

La pluie redouble d’intensité. 

 

Signaler ce texte