Monoblogue (extrait)

Christine Depeige

J’ai vu des amoureux ; ils s’embrassaient dans un berlingot blanc stationné sur le boulevard. Puis, je les ai revus à la terrasse du café, ils s’embrassaient encore. Elle le dévorait des yeux, il la palpait de tous ses doigts. Ils souriaient. Riaient même. Il lui parlait avec un appétit de lion, elle l’écoutait avec des yeux de biche. Que pouvait-il lui dire ? Que se dit-on quand on est amoureux ? Plein de choses. Pas vraies, mais tellement agréables à entendre. Des mots doux, qui n’en a pas dits, qui n’en a pas écoutés ? Ils étaient heureux, et  ne voyaient rien d’autre que leur bonheur incarné par leur deux corps. C’était beau, presque un peu trop, ils transperçaient le quotidien de tous les autres clients, et je les lisais comme on dévore un best-seller. Leur beauté était entre eux, séparément, ni elle, ni lui, n’aurait dilaté mes pupilles. Or à cet instant, j’étais éblouie d’être encore éblouie par des amoureux, comme après un fond de l’œil et que tout devient électrique presque métallique. Eblouie à en cligner des yeux comme devant un mirage, comme devant un miracle.

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