MOONY

Michel Bioteau

Quelque part dans une forêt Canadienne John pense à ses enfants.. Il avait juste précisé en partant qu'il avait besoin de vacances. Bobby lui avait dit OK p'pa ! Comme si il ne le croyait pas et que c'était une chose entendue que les adultes avaient toujours besoin de vacance. La femme de John l'avait sondé avec inquiétude, ferait, ferait pas ?, elle l'avait regardé mettre ses affaires dans sa valise en fumant une cigarette. Sans même lui dire un mot, lui demander où il comptait se rendre elle l'accompagna jusqu'à la porte de l'ascenseur. Tu me tiens au courant avait-elle finit par lâcher, comme un aveu de faiblesse, comme si elle se maudissait déjà de lui montrer un peu d'intérêt. John ne répondit pas tout ce qu'il souhaitait c' était prendre un avion pour partir le plus loin possible de sa vieille vie et tant pis si l'on disait de lui qu'il était un être fuyant ses responsabilités. La belle famille ne manquerait pas de lui casser du sucre sur le dos. Il se retourna une dernière fois sur l'immeuble dans lequel il venait de gaspiller 20 ans de sa vie. A cinquante ans, lorsqu'on est encore en bonne santé il est encore temps de prendre un nouveau départ. Follement il avait projetée se rendre dans cette petite ville de la province de l'Alberta au Canada, il avait correspondu pendant ses années de déprime avec une vieille descendante d'indien Cheroky répondant au joli surnom de Moony. A l'époque le désert avait pris du terrain entre John et sa femme, le sable avait recouvert une bonne partie de leur amour et il s'était échappé provisoirement dans une échange épistolaire avec Moony. Ils parlaient d'un tas d'évènements qui secouaient la planète de chaque côté de l'Atlantique, John envoyait des recettes de cuisine avec des coupures de journaux relatant les nouvelles du vieux continent. Moony faisait de même. Dans son petit chalet à l'écart de la ville, elle n'avait ni internet ni télévision. Choix de vie lui avait-elle précisé. John savait qu'elle fumait un peu de temps en temps et cela le gênait, mais personne n est parfait se disait-il.

Dans le Boing qui l'expédiait loin des siens il se posait des tas de questions saugrenues. Accepterait elle qu'il s'imisse dans sa vie alors qu'ils ne correspondaient plus depuis plusieurs mois. Feraient ils l'amour ? Lui ferait-elle à manger ? Devrait il chasser pour payer son solde à une vie commune qu'il n'envisageait pas pour autant comme forcément merveilleuse. D'autres soucis apparaitraient sans aucun doute, vivre avec une femme que l'on ne connait que par lettres est une aventure risquée. La nostalgie l'envahit un instant, ce n'était pas la peur de l'inconnu qui le tenaillait mais plutôt la crainte que sa famille ne le regrette pas. Il avait toujours été patient avec son fils, attentionné envers sa femme, on ne pouvait pas lui reprocher une quelconque négligence mais il avait finit par se lasser de ses bons sentiments et avait décidé de finir sa vie sans eux.

IL commanda un taxi à l'aéroport et tendis l'adresse de Moony au chauffeur. Il fallait rouler une vingtaine de kilomètres à travers une forêt de pins enneigés. La route en très bon état et les suspensions confortables de la voiture le rassura. Voyons, je ne suis pas au bout du bout du monde, içi ce n'est pas un Finistère. John regardait la magnificence de la nature, certain arbres semblaient touchés le ciel gris plombé, dans sa tête ils chantait des airs de Bruce Sprinsgteen.

Le taxi stoppa devant un petit chalet bien entretenu. C'est là que ma vie commence avait il dit au chauffeur avant de descendre. Vous êtes sur que je ne dois pas attendre un peu ? Il n'y a pas grand monde dans le coin, si vous trouvez porte close vous serez bien dans l'embarras. John ne s'était pas posé la question, il n'avait pas prévenu Moony, comptant lui faire la surprise .Elle ne serait pas prise au dépourvu malgré tout car dans quelques unes de ses lettres il expliqua à quel point il espérait la rencontrer un jour. Elle ne répondit jamais à sa demande.

Lorsque la porte du chalet s'ouvre John découvre pour la première fois celle qui ne lui a jamais envoyé de photo. Qui êtes vous demande t-elle. John se présente. Elle réfléchit. Je suis désolée je ne connais pas de John vous devez faire erreur, je ne comprends pas, et cette valise que vous trainez ...l'hôtel est loin d'içi, il faut marcher une bonne heure si vous êtes à pieds.

Je suis John, voyons ! Le Français avec qui vous avez correspondu...

John ! Bien-sur où avais je la tête ! John le Français. Je me méfie des hommes savez vous plusieurs d'entres eux lorsqu'ils ont un peu bu viennent jusqu'à ma modeste demeure pour s'épancher, mais je vais vous expliquer tout ça. Je suis tellement contente de te voire enfin en chair et en os. John dit-elle sur un ton songeur.

Nous entrons, elle me sert un verre de Whisky, la cheminée crépite, sa sent la fumée . Bonheur !

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