MY DEAR HOME 111

Jacques Penna

Des relations tendues entre un mère et son fils

My dear Home 111

 

Ma mère et ma sœur étaient rentrés d'Amérique du Nord, rassasiées de kilomètres (plutôt de miles). En effet, pour elles, des vacances réussies se comptaient en distance parcourue. Ma sœur, tel un zombi, se mettait derrière le volant et pressait sur l'accélérateur. Elle ne s'arrêtait que lorsque le compteur kilométrique pleurait misère.

 

-Golden Gate ! Cinq minutes d'arrêt… Photo de Liliane devant le pont, photo de ma mère devant le pont (au cas où nous ne les croirions pas)… Mars, et ça repart.

-Monument Valley…. Idem

-Devil's tower… Semblable

-Mount Rushmore… Kif-Kif-Bourricot 

Et ainsi de suite….

 

Cette année, elles avaient fait 3200 miles, un record. Pour une fois, ma mère ne s'était pas escagassé un genou en tombant sur un chemin pierreux comme l'année dernière. Nos deux commères m'avaient confié mon père en consigne avant de prendre le chemin de l'Allemagne, un pays comme disait ma mère si propre, si net. Pensez-vous, il n'y a ni papiers gras sur le sol, ni arabes dans les rues. Pour ma mère, ces conditions étaient sinéquanones.

-Mais il y a des turcs, lui avais-je dis, provocateur.

-Oh… On ne les voit pas ! Avait répondu la mégère en distillant son racisme primaire à l'intérieur de ses bajoues. Du fiel elle en avait profusion et ne manquait jamais une occasion d'en cracher par si, par là.

 

A Berchtesgaden, elles s'étaient rendues au "KEHLSTEINHAUS" ou "Nid d'Aigle". L'ancien domaine d'Adolph Hitler (à ne pas confondre avec le BERGHOF qui avait été totalement détruit)  était devenu un restaurant de montagne et ma mère avait entendu parler des délicieux schnitzels et des savoureux Strudels qu'ils servaient là-haut. Situé à 1800 mètres d'altitude, il fallait prendre un car pour y arriver. A la descente du car, il restait encore une cinquantaine de mètres de pente à franchir.

 

L'eau à la bouche, ma mère s'était précipitée à l'assaut de la pente. Il n'y avait rien de mieux que la perspective d'un bon repas pour donner des ailes à ma mère. A mi-chemin, elle avait dérapé et fait un vol plané en règle. Sans la présence d'esprit de ma sœur qui l'avait rattrapé au vol, elle serait retourné d'un trait à la case départ, sans collecté 200 francs, comme au Monopoly.

 

Et s'est une jambe dans le plâtre qu'elle était rentrée à Paris. Les vacances, il n'y a rien que ça…

 

Ma mère nous avait invités le dimanche suivant. Elle m'avait convaincu de venir lorsqu'elle avait annoncé qu'elle ferait « Les escalopes Hongroises », une recette qu'elle faisait à merveille.

 

Et c'est à la fin du repas qu'elle m'avait asséné le coup de grâce. Me prenant à part elle dit :

 

-Dis-donc, t'as vu ça ? Le prix des enterrements à plus que doublé en deux mois ! Heureusement que ton père est mort en juillet.

 

J'en eu le souffle coupé, je voulais lui rétorquer de cinglantes répliques mais aucun mot n'arrivait à sortir de ma gorge. Mes cordes vocales avaient dues s'emberlificoter et se nouer de telle manière qu'il m'était alors impossible de parler.

 

Signaler ce texte