MY DEAR HOME 112
Jacques Penna
Ma femme avait décidé de baptiser notre fils à l'église. Ouf, il allait être sauvé et obtiendrait ainsi une place de choix au Grand Stade du Paradis pour assister aux matchs de football opposant les anges et les démons.
Mon père et mon grand-père auraient fait la gueule, car toutes ces bondieuseries n'étaient pas leur tasse de thé, le premier étant agnostique et l'autre communiste. Mais, ils n'étaient plus de ce monde, donc, ils n'avaient plus droit à la parole.
Je l'avais prénommé William par respect pour Shakespeare et son œuvre. Le cureton de la paroisse, par anglophobie, se référa à Guillaume (William en français) de Volpiano (962-1031), ce religieux réformateur devenu moine bénédictin à Cluny qui avait au moins l'avantage d'être piémontais comme mon père et mon grand-père. Là où ils se trouvaient tous les deux, ça leur ferait passer la pilule.
Concernant la candidature de la future marraine, deux listes s'affrontaient pour le poste : celle de Liliane ma sœur et celle de Carole ma nièce. Ma femme avait été claire, elle voulait que la marraine dument élue au suffrage universel fasse cadeau d'un collier en or et d'une médaille gravée au nom de mon fils.
Comme elles avaient beaucoup dépensées durant leur voyage aux USA, ma mère et ma sœur firent une moue de déplaisir en apprenant la nouvelle. La semaine précédant la cérémonie, elles étaient venues déjeuner le dimanche. Et là, avait éclaté l'une des scènes clé du mélodrame à venir. Ma sœur avait confié à ma femme qu'elle n'avait plus les moyens d'offrir le bijou en question.
-Bon ! Dit Annie, et bien la marraine de William sera Carole !
Ma mère avait éclaté en sanglot et était allée se réfugier dans la voiture de ma sœur. Après moult tergiversations, cette dernière, à contre cœur, avait fini par accepter les conditions financières qui lui étaient imposées.
-Formidable ! Fit Annie : William aura ainsi deux marraines.
Liliane encaissa sans rien dire mais elle eut du mal à avaler la décision de sa belle-sœur. J'avoue que je jouissais du spectacle. « La peste soit de l'avarice et des avaricieux »
Le jour J. (comme Jésus), en l'église de Belleville, l'on porta William sur les fonts baptismaux. Je n'étais pas à la noce, car ce genre de bigoterie ma tapait sur les nerfs. Et de voir le cureton plonger le môme dans l'eau froide me fit frissonner, comme si c'était moi qui venait de subir cette immersion hydrique. Le radis-noir lui mit ensuite de l'huile sur le front.
-A quand le vinaigre ? Pensais-je… Manquerait plus qu'il lui mette du sel sur la queue pour l'empêcher de s'envoler.
FIN
Ceci est la fin du tome 2 de mes chroniques. Bientôt le tome 3 « ELKGROVE AVENUE – VENICE BEACH- Chroniques Californiennes des années 80