N’ajoutons pas un problème aux problèmes déjà existants

Jean Marc Kerviche

Décrépitude de la médecine en France.

 

            Ce Jeudi 27 octobre, je me présente à un RDV pour une échographie Doppler au service radiologique de Tenon.

            Cet examen était programmé depuis le 3 octobre après un passage à l'accueil de la médecine nucléaire, pour une scintigraphie, test d'effort prévu le 9 novembre. Oui, à ce qu'il parait, pour cet examen il leur faut les résultats avant le test d'effort et que dix jours sont nécessaires pour obtenir les résultats du Doppler avant de faire pratiquer cet examen. C'est en tous cas ce qu'ils m'ont dit au secrétariat de la médecine nucléaire.

            Je n'y comprends rien mais je m'exécute. Après tout pourquoi pas ! Et puis je ne vais pas chercher…

            Bref, j'arrive ce jeudi 27 à 10h au secrétariat de la radio, attends mon tour, et après 2 personnes, apprends qu'il me faut descendre au premier étage pour me rendre aux salles d'examen.

            Je m'exécute, et après un dédale de couloirs arrive dans une salle où de nombreuses personnes mêlées à quantité de malades sur brancards ou en chaise roulantes attendent déjà leur tour.

            Comme il n'y a personne à l'accueil, je m'assois dans la salle… mais au bout d'un moment je m'interroge : Suis-je au bon endroit ? Je commence à me demander si personne ne m'attend ailleurs, des fois que je n'attende pas au bon endroit. 

            J'ai déjà perdu du temps, une bonne dizaine de minutes pour être précis, au deuxième étage dans l'attente de mon tour, et puis une autre bonne dizaine de minutes ici, je sens que je vais être très en retard et qu'on risque de me le reprocher. J'avais rendez-vous à 10h10 et il est présentement plus de 10h30.

            J'avise un voisin, qui attend tout comme moi, qui me dit qu'il faut que je me présente à l'accueil. Je lui fais remarquer qu'il n'y a personne, mais dans le doute je me déplace quand même jusqu'au bureau de l'accueil, même s'il n'y a personne pour m'accueillir.

            Et mon attente commence. A un moment à force de regarder autour de moi, j'observe un écriteau placé devant le guichet qu'en cas d'absence on doit appeler un numéro de téléphone. Visiblement un numéro de l'hôpital. Le problème est qu'il n'y a pas de téléphone à disposition pour manifester sa présence. Par contre la personne de l'accueil, absente en dispose d'un placé sur son bureau.

            Je pénètre son antre et appelle le premier des numéros indiqués sur la pancarte. Et au moment où quelqu'un me répond, un agent hospitalier arrive et me demande ce que je fais en lieu et place de la personne de l'accueil.

            Je le lui explique et lui présente mon invitation pour l'examen. La personne de l'accueil arrive sur ces entrefaites, me dit de lui laisser la place, ce que je fais volontiers tout en continuant à m'entretenir avec l'agent hospitalier… dont je ne connais toujours pas le rôle. Il ne s'est pas présenté.

            Il examine ma convocation et m'annonce que les rendez-vous ont été annulés pour aujourd'hui. Et que si je n'ai pas été prévenu c'est qu'ils n'ont pas mon numéro de téléphone.

            Je m'en étonne. Ils leur auraient suffi de me le demander à l'inscription en même temps qu'ils enregistraient toutes mes coordonnées.

            Bref, je me rends compte qu'ils sont débordés au vu du nombre des patients qui attendent déjà, que prendre un nouveau rendez-vous, risque d'avoir les mêmes conséquences qu'aujourd'hui, même si je leur communique mon numéro de téléphone.

            Inutile donc que j'insiste. C'est comme ça. Les services sociaux, l'hôpital ne peuvent plus faire face aux besoins de la population. Les crédits alloués sont supprimés par souci d'économie. Il n'y a plus de médecins, plus de personnel médical. Tout part à vau-l'eau. Le ruissellement ne fonctionne plus. Les directeurs d'hôpitaux, jadis médecins ont été remplacés par des comptables. Il faut être avant tout rentable, c'est une leçon intégrée, et ce qui coûte le plus cher, eh bien, c'est le personnel. Dommage qu'on ne puisse pas le délocaliser !

            Bref, je dois me rendre au deuxième étage pour reprendre un autre rendez-vous… mais comme il faut 10 jours entre les deux examens, Doppler et scintigraphie, ça risque d'être problématique. Déjà que cet examen était programmé le 27 octobre parce que 10 jours ouvrables après se trouvait le 9 novembre, je risque de ne pas satisfaire à cette exigence.

            Et puis après tout que vont-ils m'apprendre à ce que je sais déjà. Que je suis porteur d'une insuffisance respiratoire, que mon cœur fatigue, que j'éprouve de temps à autre le besoin de me reposer… etc.

            On ne va tout de même pas rajouter un problème aux problèmes déjà existants de l'AP-HP. Même si je me traine un peu, et m'arrête tous les 100 mètres pour reprendre mon souffle, je suis encore vivant. Le test d'effort, je le pratique tous les jours. Je sais ce que c'est…

            Je décide de tout arrêter et me dirige à l'accueil des prises de rendez-vous pour tout annuler, si d'aventure, on m'avait reprogrammé un autre rendez-vous. Oui je suis habitué à suivre des règles de bienséance. Et cela fait, je me rends à l'autre bout de l'hôpital pour annuler le rendez-vous du test d'effort, vu qu'ils n'auront pas les résultats du Doppler en temps requis… fort heureusement vu la distance entre les deux services, il y a des bancs pour s'asseoir.

            Comme je dois ressortir par le boulevard, je repasse par l'accueil des radios pour leur déposer deux flyers en souvenir…. Et là, j'entends cette secrétaire me dire que les résultats du Doppler on en dispose à la minute.

            D'un côté on vous dit qu'il faut dix jours et de l'autre ils sont disponibles à la minute.

            Décidemment c'est le foutoir ! On vous raconte n'importe quoi. Comprenne qui pourra… moi je renonce. 

            Après avoir constaté qu'il y une attente phénoménale dans les services hospitaliers, des gens qui viennent de l'extérieur et des malades sur des chaises roulantes ou sur des brancards dans des tenues pour certains à la limite de la décence, je suis atterré.

            Je ne savais pas, moi qui suis habitué à être soigné à Gustave Roussy ou Marie-Lannelongue, qu'il existât une telle désorganisation.

            Enfin me dira-t-on, on n'est pas dans le 16ème, ni à Neuilly, des grabataires, des moins que rien, les moribonds du 20ème peuvent attendre, ils n'ont que ça à faire. Rien n'a changé dans le royaume de France, les notables, les aristos, les oligarques, les nantis ont les poches pleines, les petits, les humbles, les va-nu-pieds se débrouillent avec les miettes qu'on leur laisse.

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