nature morte au matelas

va_comme_je_te_pousse

Le réveil vient de striduler son abominable stridulation. Un jour nouveau se lève que l'on sait promis à l'abattoir. Il est obligatoire de se tirer du lit, de se préparer et de quitter son appartement pour aller dans un endroit où l'on ne veut pas aller, faire quelque chose que l'on ne veut pas faire. C'est un jour mort-né ; pourquoi se lève-t-il ? Pourquoi l'imiter ? On pressent au travers des rideaux les premiers rayons du soleil, la douceur de l'air. À quoi rime de s'en priver ? Pour un peu, on jouerait au malade ― on préviendrait qu'on va très mal, qu'on est à l'agonie, la dernière extrémité, puis on raccrocherait le combiné en ricanant, on ouvrirait la fenêtre, on humerait l'air frais du matin et on se recoucherait après avoir pris la peine de se préparer un café. Il y aurait bien sûr du bruit dans la rue, mais que serait-ce donc au regard de ce à quoi l'on aurait échappé ? Et que représenteraient le vrombissement de cette moto et les aboiements de ce chien fou mis en balance avec le hurlement du réveil ? Vraiment, la journée serait belle et douce. Le vent viendrait gentiment rafraîchir la chambre. On se rendormirait. Mais puisque le réveil insiste, autant battre des bras et s'envoler vers l'azur ― la fenêtre est déjà ouverte.
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