Ne te retourne pas
sylvenn
Ne te retourne pas. Derrière toi, il n'y a rien de bon. Rien qui ne puisse apaiser tes mots. Je sais très bien la ruines, les décombres et les rêves brisés qui se tapissent dans l'ombre, juste derrière toi. Il y a cette vie irradiant de célébrité que tu n'as jamais eue. Ce monde que tu n'as su changer d'aucune manière, alors-même que lui t'a malaxé, broyé et piétiné jusqu'à ce que tu te décides à durcir. Et parce qu'aujourd'hui tu ne plies plus, là n'est pas le moment de rompre. Derrière toi il y a cette retentissante carrière, cette fantastique réussite que tu n'as jamais provoquée. Tu n'es devenu ni le riche, ni le respectable, ni même le responsable. Pourtant tu es devenu riche par ton parcours. Tu es devenu respectable par ton courage. Et le fracas perpétuel des vagues de la vie a rendu tes épaules assez solides pour supporter le poids du monde, là où d'autres ne portent que le poids de la culpabilité et de cette porte routinière qu'elles n'ont pas su défoncer.
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Derrière toi, il y a des épaules contre lesquelles se blottit une femme radieuse et amoureuse, des épaules qui portent au-dessus de la foule un enfant émerveillé par l'existence. Mais les tiennes… les tiennes, elles portent le monde. Elles portent la vie. La liberté. L'espoir. Tu n'es pas de ceux qui ont engendré la vie par peur, pour faire parler le vide et taire la solitude. Non. Tu as transpercé les barreaux de la peur. Tu as plongé la tête la première dans le vide. Tu as tendu la main à la solitude pour la faire indépendance.
Derrière toi, il y a tout ce que tu as pu vivre et dont tu as souffert. Tout ce que tu as perdu au moment précis où tu as cru le posséder. Tous ces rêves trop haut perchés que d'autres t'ont enfoncé dans le crâne à force de belles paroles et de laides croyances. Ces rêves qui ne sont pas les tiens et dont tu as pourtant rêvé un jour.
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Partout derrière toi, dans ton dos, il y a ces silhouettes inconnues qui chuchotent en te fixant. Elles veulent te voir douter. Elles veulent te voir vaciller, et tomber dans cet Enfer où elles errent depuis l'éternité. Pour oublier leur condition de damnées, elles se rassemblent et médisent, ricanent, vomissent leur faiblesse par la haine.
Parmi eux, il y a tes proches. Ils sont les seuls à hurler, mais que tu le veuilles ou non ils sont derrière toi, eux aussi. Coincés en Enfer. Peut-être un jour s'en échapperont-ils eux aussi ? De toute façon, tu ne peux rien y changer.
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Enfin à quelques mètres seulement derrière toi, il y a cette fille lumineuse aux yeux pétillants de vitalité. Parmi tous, elle est la seule à rester murée dans un silence de plomb. A vrai dire elle ne te voit même pas, et pourtant de tous ces démons elle est la seule qui parvienne à insuffler un murmure de doute dans ton cœur.
Te voilà ici, paralysé dans ton dilemme intérieur. Tu vois dans son silence l'amour, la plénitude, l'existence qui te semble si inaccessible par toi-même. Mais rappelle-toi : tu as déjà rencontré cette Muse. Vous vous êtes déjà aimés. Oui, tu as déjà existé dans ses yeux qui aujourd'hui t'ignorent. Et oui, elle t'a rendu heureux comme jamais tu ne l'avais été auparavant.
Alors crois-tu que ce soit elle, la clé à ton propre trésor ?
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Avant de décider, avant que tu ne te retournes, regarde rien qu'une fois devant toi. Là-bas, à l'horizon, il y a l'inconnu. Comme je sais qu'il ne t'effraie plus, il sera bientôt derrière toi à son tour. Continue d'avancer jusqu'à ce qu'épuisé par ce voyage sans fin, tes sens te rendent sourd aux hurlements et au silence. Jusqu'à ce qu'ils te rendent aveugle à ce mirage qui se cache derrière toi. Jusqu'à ce que tu ne t'arrêtes enfin. Là, tu comprendras qu'il n'y avait nulle part où aller, ni devant ni derrière. Il aura pourtant fallu que tu avances et te retournes à t'en briser les vertèbres pour comprendre un jour que la réponse a toujours été en toi.