Nomade.
Marguerite De Branchus
Voyager, voyager, voyager. Comme si c'était le seul moyen de ressentir le sol vibré sous ses pieds, la seule façon de voir les poils s'hérissés sur sa peau. Sac sur le dos et l'œil rivé sur le nouveau monde qui s'offre à toi, le voyage te transforme en une bête affamée de découvertes, assoiffée de rencontres. Une fois que tu as goûté à la saveur de ce déracinement, on ne parle pas de la saveur du sable des plages du sud que tu as tant connu ni à la douceur des oreillers de ton dernier voyage organisé, non cette fois-ci on parle du voyage, celui avec un grand V qui se dresse fièrement avec ses deux ailes en avant parées au décollage. Celui où rien ne sert de courir car d'avance rien n'est joué. Une fois que tu as touché du bout des doigts à ce grand voyage où l'histoire te sera contée au fur et à mesure, il n'y pas plus rien à faire : tu es foutu. Repartir, ressentir, regoûter à ces saveurs.
Longtemps tu t'es demandé d'où te venait cette féroce envie de voyager. Tu n'avais même pas réussi à quitter le nid familial que tu en étais déjà intimement persuadé. Toi qui de nature aimes le côté rassurant que t'offre ton entourage, toi qui t'abandonnes facilement à la sécurité que te procure tes petites habitudes. Toi bien ancrée dans ce quotidien un peu moelleux mais tout confort, tu serais prêt à tout lâcher, à quitter petits et grands le cœur serré, à abandonner à n'importe quel instant tout ce que tu as tant aimé. Pour un inconnu : le monde. Mais quel est donc ce sentiment qui t'électrise à ce point ? Mais d'où vient cette force étrange qui te pousse discrètement dans le dos pour t'inciter à repartir ?
C'est comme une drogue. En voyage, c'est le shoot total. Extase exquise. De retour, tu es en plein spleen. Puis c'est en vol plané que tu reviens doucement à la réalité. Le temps qui passe, les effets secondaires trépassent puis c'est la chute libre. Et les souvenirs s'effacent, deviennent de plus en plus flous. Il faut se rendre a l'évidence : tu es en manque. Toxico que tu es. Quand tu pars à la découverte de nouvelles terres, tu dois sans cesse te surpasser, dominer tes craintes, surmonter tes limites et continuer d'avancer si tu veux terminer ce rêve éveillé. Tu es loin des tiens, tu ne connais rien ni personne. Tous les jours, tu te réveilles avec une boule de peur, comme si tu allais sauter les deux pieds dans le vide. Et étrangement, plus les jours passent, plus tu aimes ça : ce vide que t'offre chaque jour. Aucunes prises pour s'accrocher, aucun filet de sécurité, aucunes rampes pour se laisser guider vers la porte de sortie. Bizarrement, cette envie est si puissante qu'elle te pousse à te lever pour aller découvrir et vivre cette nouvelle journée. Le voyage te procure une force quasi surnaturelle.
Alors toi qui te demandes pourquoi tu aimes autant voyager, toi le drogué qui es prêt à replonger, saches aujourd'hui que ce que tu cherches s'appelle l'envie de liberté. L'envie d'être un nomade. Il y a le dépaysement, il y a les paysages, il y a les rencontres, il y a le goût de l'inconnu, mais il y a surtout le sentiment d'être libre.
Tout s'explique maintenant.
Devenir nomade une fois dans sa vie est un risque à prendre. Mais rien qu'une seule fois, cela vaut le coup d'essayer. En fait, ce qu'on aime tant, c'est s'affranchir de toutes obligations : plus de loyer, plus d'impôts, plus d'adresse, plus de famille à voir, plus d'amis à conquérir. Rien ni plus, ni moins. Aller au gré du vent ou plutôt au gré du panneau indiqué sur ce petit chemin qui semble mener au bout du monde indiqué sur la carte qui te sert de boussole jour après jour. Ne pas être chez soi et finalement être chez soi partout puisque chez soi c'est là où l'on a décidé de se trouver. Voila ce qu'on appele liberté. Drogue dure qui glisse langoureusement dans vos veines et qui finie par vous faire sournoisement tomber amoureux des voyages. Âmes sensibles, méfiez vous vous. Vous risqueriez d'y prendre goût…