Nuit blanche
luxaeterna
Matéo
Je viens de me lever. Ça ne fait qu'un jour qu'on est là, et j'en ai déjà marre ! D'un côté cette gamine qui refuse de m'adresser la parole, de l'autre cette pauvre hystérique qui encore hier fouillait de fond en comble la maison à la recherche de ses lunettes alors qu'en fait elles étaient sur sa tête ! Non mais sérieusement, on se croirait dans un asile ici ! Enfin bon, en tout cas je mérite bien le verre de jus d'orange que je suis en train de me servir ! Ayant l'habitude que Julie vienne voler ma bouteille de jus, je suis surpris de ne pas sentir ses mains glacées qui correspondent parfaitement à sa personnalité s'agripper aux miennes. Alors je lève la tête, et là je vois les deux tarées. Elles regardent la vitre d'un air béat. Pff, ces deux folles arrivent même à être captivées par la buée sur les fenêtres ou quoi ? Youpi ! Bon allez, j'en ai assez vu pour aujourd'hui, j'avale mon jus d'orange à grandes gorgées et remonte dans ma chambre, bien content à l'idée de pouvoir retrouver ma chère musique hard rock.
La mère
Je n'arrive pas à détacher mes yeux de ces traces de pas qui seules contrastent avec ce sol blanc tellement homogène que ça en fait presque peur. Julie est montée dans sa chambre, disant qu'elle avait des trucs à faire. Mais je pense plutôt qu'elle est allée se mettre les idées au clair. Et moi, je reste là devant cette fichue fenêtre, sans un geste, sans un bruit. Avec mon air béat, je me demande bien à quoi je dois ressembler. Je ne dois pas avoir plus d'allure que la vielle chaussette trouée gisant sur le fil d'étalage de linge dehors. J'avais dit à Matéo de la jeter, mais par réflexe, je l'ai tout de même étendue avec les autres chaussettes. Elle a dû tomber avec le vent qui a soufflé fort cette nuit. Peut-être qu'il s'est engouffré de plus belle dans les trous ... Bien vite, mon regard revint sur ces traces de pas.
Julie
Je suis dans ma chambre, mais mon esprit est ailleurs. Mes yeux se dirigent vers la fenêtre. D'ici aussi on peut voir les traces de pas ... J'ai l'impression que de longues heures ont défilé sur le cadran de ma montre depuis le petit-déjeuner. Pourtant, les flocons recouvrant les feuilles des arbustes du jardin sont toujours présents. C'est peut-être cela qui me fait perdre la notion du temps : cette étendue blanche sans fin. Mon âme s'égare. Que signifient ces traces ? Elles vont dans les deux sens, quelqu'un a donc tenté d'entrer mais voyant que la maison était close, il est reparti … J'analyse le troublant indice avec plus de précision. Les traces sont imposantes. Pas de doutes, c'est bel et bien un homme qui est venu cette nuit.