Nuit en ville
Joelle Eymery
Les nuits sont fragiles ...
graciles,
Comme de pures et diaphanes dentelles,
Accrochées en rubans,
bleues comme le ciel,
Dans les campagnes vertes ou les collines,
Au bord des océans et aux plages câlines ;
Mais ici c'est métal et soufre, on est en ville.
On est au nid des choses les plus viles ;
Les mains virtuelles se nouent, conjurant le désespoir
Et l'on boit en pleurant aux calices des liqueurs noires ;
Les nuits sont fragiles
Les larmes perlent aux cils ...
Comme les assiettes en porcelaine
S'ébrèchent après des agapes vaines.
L'on oublie, au manteau sombre de la nuit,
La lumière de l'aube qui pourtant a lui …
Les démons entament leur incroyable ronde
Et les visages se perdent et se confondent.
Les nuits sont fragiles
Les étoiles ne sont pas en ville ...
Il y des sauvages, dehors, sous les réverbères,
Dont on entend le souffle qui s'accélère ;
De ceux qui n'ont plus rien à perdre, aux abois,
Et qui vomissent la haine de leur monde à part soi .
Je n'ai pu dormir, dans cette trouble atmosphère,
Il n'y avait point d'amour aux portes cochères …
Les nuits sont fragiles …
J'ai connu des îles,
Où le bruit familier du clapotis de l'eau
Emmenait au sommeil en allegretto,
Où les yeux s'égaraient aux branches des palmiers,
Où l'amour était là, sans jamais se renier.
Les astres faisaient la sarabande
Avant Noël ... à nous les guirlandes !
C'est, perdue dans la ville, que m'est venu le souvenir.
Et tirant les lourds rideaux, enfin, j'ai pu m'endormir.
Les nuits sont fragiles …
(Joëlle Eymery - 2015 - )
C'est très joli, très musical, sensible, si bien que ça noie le moche. Un beau texte fort et un peu pudique aussi.
· Il y a environ 9 ans ·yoko