# Défi 8 : Effondrement de résolutions

Yeza Ahem

Quand la réalité nous ramène à nos vieux penchants... [texte issu des défis d'écriture lancés en ligne par Hélène Duffau : http://www.heleneduffau.fr/defi-decriture-8]

Pas une voiture, ni même un vélo à l'horizon depuis 1h30 que nous étions arrêtés là, stoppés par une panne d'essence alors que nous revenions d'un mini séjour de 3 jours et 2 nuits dans un centre spécialisé dans la "reconnexion du lien parental, en osmose avec Dame Nature, notre mère à tous".

Ces trois jours avaient été une bénédiction pour notre couple et notre relation avec nos deux chérubins, redevenus en moins de 90 minutes les ados qu'il n'avaient jamais cessé d'être.

Sitôt les premiers signes lancés par notre véhicule pour nous signaler son assèchement, les bienfaits des masques à l'argile blanche et des bains aux algues avaient semblé craqueler.

Dans l'enthousiasme de la paix familiale retrouvée, nous avions décidé, au travers d'un processus de consensus unanime, qu'il serait plus agréable de passer par la petite route forestière pour regagner l'autoroute et nos pénates habituels.

Seulement voilà... pris dans le tourbillon de la joie retrouvée, ni lui ni moi n'avions pris garde ou voyant qui s'était mis à clignoter de plus en plus ostensiblement... jusqu'aux hoquets du moteur... et son arrêt !

Pas âme qui vive aux alentours, et le cadet commençait à dire qu'il avait faim... Je réussis un temps à calmer son appétit en dénichant, sous nos quatre paires de lunettes de piscine, nos serviettes encore humides du dernier bain dans le jacuzzi, et le poster de peinture maori donné par Jeanne et Michel, nos voisins de bungalow aventuriers, une boîte de conserve d'ananas, de ceux découpés en petits dés et noyés dans un jus sucré. La boîte avait dû s'échapper d'un sac de courses et était restée là, attendant son heure...

Pendant que je m'occupais à chercher de la pitance pour nos moutards, lui, s'extasiait sur la beauté de la nature, tout en s'éloignant du sentier pour, disait-il, chercher du réseau. Car, bien sûr, impossible de capter la moindre barre dans ce trou paumé !

Quelques minutes plus tard, il revenait, dépité, et râlait à propos de la couverture de la région par son opérateur, qui osait se vanter de couvrir 98 % du territoire... "Mon cul !"

Son agacement avait redoublé quand il était arrivé dans une clairière servant de dépotoir sauvage, et où il avait dénombré pas moins de trois micro-ondes, une gazinière, un lave-linge et deux frigos !

Sentant ma tension monter, et mon envie de tous les abandonner là pour repartir à pied, à travers les arbres, et retourner à l'état de nature, je fouillais dans mon sac en quête de quelque chose... n'importe quoi... pour me distraire et me sortir de là.

Je tombais sur deux cartes postales. La première représentait un paysage de montagne... alpin à coup sûr, avec ses chalets fleuris en été. La seconde, elle, était extraite d'une série qui reprenait l'expo de Warhol, Campbell's Soup Cans. Une boîte de soupe à la tomate...

Merde ! Moi aussi, j'avais faim...


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