O
My Martin
Peu après le coup d'État du 18 brumaire an VIII (samedi 9 novembre 1799)
exécuté par le général Bonaparte (30 ans), avec l'aide décisive de son frère Lucien (24 ans)
La fin du Directoire et de la Révolution française
Dictature personnelle de Bonaparte, début du Consulat
Issus des Lumières, les milieux scientifiques vivent encore dans le climat de la Révolution
Les humains sont tous issus de la même espèce. Promis à l'éducation, la progression, la régénération
Désordre intérieur, marasme économique
De nombreux Français attendent d'un homme providentiel, qu'il remette de l'ordre
Napoléon Bonaparte va restaurer de manière stricte, les rangs entre les personnes
Rétablir l'étiquette
20 mai 1802. Dans les colonies françaises, rétablir l'esclavage (aboli le 4 février 1794)
***
1797, fin mars. Tarn
Lacaune, 68 km au sud-est d'Albi
Les bois
Pour la première fois, l'enfant est aperçu
Il vit dans une hutte de branchages
Il se nourrit de glands. Il est âgé d'une dizaine d'années
Il est capturé
Il s'échappe
Il court vite
---
Quinze mois plus tard
Des chasseurs le pistent, le débusquent
Ils le confient à une femme de Lacaune
Il s'enfuit
En haillons, il mendie
Il gratte le sol pour déterrer des navets, des pommes de terre
---
Six mois
Hiver glacial
---
1800, janvier. A 31 km au nord, dans le département voisin
Aveyron. À 9 km, au sud-ouest de Millau. Saint-Sernin-sur-Rance
Un teinturier, nommé Vidal. Le garçon est blotti au coin du feu
Le teinturier prévient les autorités
Le commissaire du gouvernement, Jacques Constant-Saint-Estève (43 ans) 1757-1833, intervient
---
Aveyron. Saint-Affrique. À 32 km au nord-est de Saint-Sernin-sur-Rance
Le garçon est envoyé à l'hospice civil, où l'on accueille les orphelins
On l'appelle Saint-Sernin
Il mord, cherche à se débarrasser de ses vêtements, court à quatre pattes
*
Aveyron. Rodez. 78 km au nord-ouest de Saint-Affrique
Professeur d'histoire naturelle, l'abbé Pierre Joseph Bonnaterre (48 ans) 1752-1804 recueille "Joseph"
An VIII (1800). « Notice historique sur le sauvage de l'Aveyron, et sur quelques autres individus qu'on a trouvés dans les forêts, à différentes époques »
Vingt-six cicatrices, tant sur le corps, que sur la tête
« [...] Tout son corps est couvert de cicatrices, dont la plupart paraissent avoir été produites par des brûlures [...]
Lorsqu'il lève la tête, on aperçoit à l'extrémité supérieure et sur le milieu de la glotte, une suture transversale qui semble être la cicatrice d'une plaie faite avec un instrument tranchant [...] »
Ses nombreuses cicatrices atypiques ne relèvent pas de la vie en forêt, mais de maltraitances graves. Une tentative d'homicide (longue cicatrice linéaire, en regard du larynx)
Sa désocialisation apparaît mineure. Il vient se chauffer près du feu, dans les maisons. Il accepte de manger des aliments cuits, de dormir dans un lit
Le garçon ne parle pas. Il murmure, gronde
Les yeux fixes, il balance son corps
Enfant martyr ? Trouble du spectre de l'autisme (TSA) ?
*
Lucien Bonaparte, ministre de l'Intérieur. Il réclame l'enfant, si l'on n'a pas l'espoir de retrouver ses parents
Il écrit au commissaire du gouvernement de l'Aveyron. « Citoyen, j'apprends qu'il a été trouvé dans votre département, un jeune homme qui ne sait que pousser des cris confus et ne parle aucune langue, je vous prie de me l'adresser sans délai ».
---
6 août 1800. Paris
Calèche, 660 km depuis Rodez. Dix-huit jours
Les savants parisiens, les aliénistes (psychiatrie naissante) s'emparent de lui pour en faire un sujet d'étude
Le garçon est calme. Il mange, s'habille seul
---
Le Dr Philippe Pinel (55 ans) 1745-1826 dirige les asiles d'aliénés de Paris. Il mène la consultation
29 novembre 1800. Lecture publique de son rapport. « Voyez-vous, je pense que ce Joseph est idiot, il n'est pas devenu idiot, il est idiot de naissance, et c'est sans doute pour cela qu'il a été abandonné par ses parents dans les bois. »
Il n'est susceptible d'aucune espèce de sociabilité et d'instruction. Il faut le conduire à l'asile et l'enfermer à jamais
---
Jean Marc Gaspard Itard 1774-1838 est un jeune étudiant en médecine (26 ans)
Spécialiste de la surdité et de l'éducation adaptée
Pendant cinq ans, il entreprend d'éduquer le jeune homme, qu'il appelle Victor
Il recrute une gouvernante, Mme Guérin
Certaines des méthodes du Dr Itard sont violentes
Victor entend mais ne parle pas ; il prononce le son "O", qu'il aime bien
Si on lui montre le dessin d'un objet, il n'associe par la représentation, à l'objet réel
---
Mme Guérin remarque que Victor aime la nature ; elle l'emmène se promener dans une forêt proche de l'observatoire de Meudon
Victor grimpe dans un arbre. Il ne veut pas descendre
Coup de vent. Le soleil, derrière un nuage
Victor rit aux éclats
---
L'état de Victor se dégrade. Il mange trop, grossit trop
1806. Dr Itard. « Ce jeune homme, pour être jugé sainement, ne doit être comparé qu'à lui-même. [...]
Mais si l'on se borne aux deux termes de comparaison qu'offrent l'état passé et l'état présent du jeune Victor, on est étonné de l'espace immense qui les sépare. »
***
1797. "Victor ou l'Enfant de la forêt". Roman à la mode, par François Guillaume Ducray-Duminil (1761-1819)
Les bases du roman-feuilleton
---
22 prairial an VI (10 juin 1798). « Victor ou l'Enfant de la forêt », drame en trois actes
Paris (10e). Théâtre de l'Ambigu-Comique, boulevard du Temple
René-Charles Guilbert de Pixerécourt 1773-1844. Dramaturge, directeur de théâtre, traducteur et bibliophile français
L'histoire un enfant de haute naissance, abandonné dans les bois
---
À Paris, court le bruit que le dauphin (dix ans. Le fils de Louis XVI) s'est enfui de sa prison du Temple (1792 - décès, 1795)
Il vit caché dans les bois. Bientôt, il reviendra sur le trône de France
---
28 mars 1800. À Paris, vaudeville
« Le Sauvage du département de l'Aveyron ou Il ne faut jurer de rien »
de Maurice, René de Chazet et Emmanuel Dupaty
Théâtre du Vaudeville, rue de Chartres-Saint-Honoré (1er)
Théâtre de la rue de Chartres (1er)
Un couplet plaît beaucoup
« Sans bien connaître tous ces droits,
Jamais on n'est vraiment libre,
Et notre ignorant dans les bois,
Ne savait pas qu'il était libre.
Or, comme il est bien arrêté,
Que tout homme doit être libre,
Exprès nous l'avons arrêté,
Pour l'informer qu'il était libre. »
***
Les années passent
Institution Nationale des sourds et muets de Paris (5e). 254 Rue Saint-Jacques
Quasi livré à lui-même, Victor est un jeune homme solitaire
Au début de juillet 1811, Madame Guérin s'installe avec Victor presque en face de l'institution des sourds et muets. Dans les bâtisses délabrées d'un couvent. 4, impasse des Feuillantines (5e)
1811-1828. Dix-sept années
Mme Guérin prend soin de Victor (veiller à son alimentation, lui faire suivre un régime) ; elle reçoit une pension annuelle
---
12 février 1828. Au début de l'hiver
Pneumonie. Victor (quarante ans, environ) meurt
Pas d'autopsie
Fosse commune