Oberkampf Voltaire

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L’onzième arrondissement se situe entre la République, la Nation, la Bastille et Père Lachaise. Et ce mélange de révolutions monumentales et de réalités lourdement banales qu’elles deviennent, ce mélange est traversé par le boulevard Voltaire, en largeur, et par la rue Oberkampf, en longueur. Voltaire commence par des restaurants et finit par des banques, en passant par des boutiques de vêtements dégriffés, venues de l’étranger. Oberkampf commence par un cirque, près de ce qui fut le boulevard des crimes, et finit par la restauration rapide américaine. Voltaire fut philosophe, Oberkampf, venu de l’étranger, fut producteur de vêtements dégriffés pour Napoléon.

Lorsque leurs voies se croisent… rien ne se passe.

Néanmoins : en faisant très attention, on peut entendre murmurer le canal Saint-Martin, qui se cache sous les boulevards Richard Lenoir et Jules Ferry. Une file d’attente arrive jusqu’à la rue Oberkampf, car les gens ont envie d’écouter les musiciens ou le politicien qui se produiront sur la scène de la fameuse discothèque colorée, juste à côté. Une veille dame rentre du marché, les sacs bien remplis. Dans l’autre direction, deux personnes rentrent de leur balade au Marais en se disputant froidement. Leur chien écoute. Plus loin, devant la boutique des motards, les Communards avait érigé une barricade.

Un groupe de jeunes s’est trompé : les bars se trouvent à l’autre bout de la rue Oberkampf. Une famille passe, qui n’habite plus ici; car ailleurs, il y avait une chambre de plus et une atmosphère plus distinguée. Mais leurs visages ne font pas mine de regretter le changement. Les amis touristes visitent le quartier et adorent l’architecture. Pourtant, sur les balcons du boulevard, au sixième, ce ne sont pas que les fortunés qui bronzent, mais aussi les draps d’un couple de retraités. Et même en bas, sur le trottoir Oberkampf Voltaire, le soleil frappe jusqu’au soir, là où il n’y a aucun vis-à-vis.

Nous, les philosophes français et les commerçants allemands, les consommateurs de vêtements dégriffés, les clowns, les serveurs et les banquiers, nous nous demandons : Qu’y a-t-il donc dans le vide de ce croisement ? Rien, trois fois rien ! Rien, mais c’est un profond et agréable vide de croisement.

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