Ombre Blanche

My Martin

Hélianthe 

Seconde Guerre mondiale. "La Poche de Royan", occupée par les Allemands 

Pour Charles de Gaulle, reprendre Royan est un enjeu majeur. Point de passage obligé pour rejoindre le port de Bordeaux, libéré le 28 août 1944 et désormais utilisable. Besoin d'une victoire française 

Le 10 décembre 1944, un bombardement aérien massif est décidé. Par les Anglais ou les Américains 

Jeudi 4 janvier 1945 et mardi 17 avril 1945. Opération mal préparée. Les Anglais n'ont pas de bonnes cartes topographiques, tous les civils n'ont pas été évacués de Royan 
 

3 heures 48, les pilotes anglais entrent sur zone. 217 avions Lancaster lâchent 1 576 tonnes de bombes 
 

5 heures 30, seconde vague. 15 minutes de bombardements intenses 
 

Les Américains lâchent des bombes d'un type nouveau -essence gélifiée, le napalm. Inventé en 1942, utilisée dans les bombes incendiaires. Il brûle à une température précise et adhère aux objets et aux personnes. 1,5 million de litres sur Royan 

Échec militaire. La ville est détruite 

Libérée le mercredi 18 avril 1945 
 

Le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU) accorde une certaine liberté aux architectes en chef chargés de rebâtir la ville. Au même titre que d'autres cités détruites de la seconde Guerre mondiale - Le Havre, Dunkerque   Royan permet une recherche en urbanisme à partir de 1945 
 

Le projet de ville est confié à Claude Ferret   1907-1993, urbaniste et architecte en chef 

Directeur de l'école d'architecture de Bordeaux, Claude Ferret s'entoure de plusieurs de ses élèves 

Pierre Marmouget    1923-Nice, années 2000 

Yves Salier   1918-2013 

Adrien Courtois   1921-1980 ... 
 

Claude Ferret est assisté par le Parisien Louis Simon 1901-1965 et André Morisseau  Pons, Charente-Maritime, 1907-1993 
 

Les travaux sont financés par les dommages de guerre, montants distribués par l'État, évalués selon les pertes matérielles. Royan doit être reconstruit à moindre coût 
 

Claude Ferret repense la ville. Les constructions sont aérées, de larges rues répondent à l'utilisation croissante de l'automobile. Le projet est adapté à la topographie du lieu. Deux axes principaux 

La courbe de la plage (le Front de Mer) 

Le vallon naturel de l'ancienne rivière Font de Cherves (le boulevard Aristide Briand) 
 

Dans un premier temps, Claude Ferret propose de rebâtir Royan suivant une architecture néo-classique héritée des années 1930 Art Déco, avec des éléments "saintongeais". Les premiers projets suivent le style d'avant-guerre -le boulevard Aristide Briand et le Front de Mer     
 

Numéros 13 et 14. Septembre 1947. Numéro spécial de la revue "Brésil. L'Architecture d'Aujourd'hui". Alexandre Persitz   1910-1975. Claude Ferret et son équipe découvrent l'architecture brésilienne contemporaine 

La station balnéaire de Pampulha, cité-jardin, lac artificiel. Projet urbain à Belo Horizonte, Minas Gerais. Début des années 1940, Oscar Niemeyer, architecte et designer brésilien 1907-2012   et artistes novateurs 

Changement de la mentalité du modernisme, naissance du style brésilien 
 

Yacht Club. 1942 

Église Saint-François-d'Assise. 1943 

Casa do Baile -Maison de la Danse. 1943 
 

Les projets royannais sont influencés par cette version tropicale de l'architecture 

Claude Ferret, Louis Simon, Pierre Marmouget, imaginent des constructions qui s'inscrivent dans le Mouvement moderne 

La forme, plutôt que l'ornementation. Plan libre, toit terrasse, pilotis, larges ouvertures 

Fantaisie brésilienne -formes courbes, jeux d'ombre et de lumière, couleurs primaires 
 


 

Royan 

Années 1950. Volumes et luminosité à la pointe du confort 
 

Années 1980. Architecture malmenée 

1985. Destruction du portique du Front de Mer et du Casino Municipal de Claude Ferret 
 

Années 1990. La municipalité prend conscience de l'intérêt de l'architecture de la Reconstruction 
 

Années 2000. Architecture reconnue, à adapter aux normes actuelles d'isolation thermique et phonique 
 


 

Le boulevard Aristide Briand, "avant le souffle brésilien" 
 

1945-1956. Architectes, Claude Ferret, Louis Simon, André Morisseau 

Première opération de reconstruction de Royan, axe majeur du plan d'urbanisme. Reconstruction inscrite dans le style d'avant-guerre 
 

Composition classique. Un rez-de-chaussée de commerces, deux étages d'habitation, dont un étage "noble" avec des balcons filants, un étage en attique et un toit de tuiles   
 

L'ensemble est rythmé par des porches en pierre de taille, décorés de bas-reliefs d'inspiration Art Déco, sur une thématique marine 
 


 

Le Marché central. La rencontre des architectes et des ingénieurs 
 

1946-1956. Monument Historique en 2002. Le Marché central est une halle de forme circulaire, couverte par une voûte autoportante. La calotte sphérique ondulée est constitué d'un voile mince -10 cm d'épaisseur. Les nervures de la voûte reposent sur le sol en 13 points. Forme de coquillage 
 

Les ingénieurs Bernard Laffaille   1900-1955  et René Sarger   1917-1988  ont apporté cette solution technique au dessin effectué par les architectes André Morisseau et Louis Simon. Innovation et prouesse technique 

Le Marché central occupe l'extrémité du boulevard Aristide Briand 
 

La forme du Marché a inspiré plusieurs constructions dans le monde 
 

Le restaurant Los Mantaniales, Xochimilco, Mexique. 1957 
 

Le Cirque d'État, à Bucarest, Roumanie. Bucarest Metropolitan Circus / Globus Circus (1960-1961) 
 

Abbey of Saint Louis and Saint Mary, Saint Louis, Missouri, Etats-Unis. 1962. Trois structures superposées, comparables au Marché de Royan 
 

Oceanogràfic València. Parc océanographique de Valence, Espagne. 2002 
 


 

Le Front de Mer. La façade de la ville balnéaire 
 

1950-1956. Architectes, Claude Ferret, Louis Simon, André Morisseau 
 

Situé face à l'estuaire de la Gironde, l'ensemble du Front de Mer est constitué de deux barres, qui suivent la forme arrondie de la Grande Conche 
 

L'arrière du bâtiment est rythmé par des cours en forme de U. Sur les façades, des claustras (parois ajourées) et des brise-soleils verticaux masquent les espaces de service. Les couleurs primaires -jaune, rouge, bleu  apportent une note de gaieté et de fantaisie 
 

Les bâtiments abritent des commerces et des appartements en simplex ou duplex 

Côté mer, des panneaux métalliques en aluminium rouge "corsaire". Les balcons filants accentuent l'aspect linéaire du Front de Mer 
 

Entre les deux ailes du bâtiment, le projet initial de Louis Simon comportait un portique monumental ; chacun avait "un balcon sur la mer" 

1985. Jamais vraiment accepté par les Royannais, le portique est détruit, ainsi que le Casino Municipal de Claude Ferret 
 


 

Le Casino Muncipal. Architecte Claude Ferret / le Casino Ferret 

Sur le terrain, entre les bâtiments du Front de Mer et la plage 
 

1950. Reconstruction de la ville. Bénéficiaire des dommages de guerre du Casino, Émile Couzinet    1896-1964  s'oppose aux projets présentés par les architectes. Tâtonnements, inhibitions des maîtres d'œuvre et d'ouvrage. Retard 
 

1952. Le Maire, Charles Regazzoni. « Le Casino est indispensable à la vie de la station... » 
 

1961. Face au port et à la plage, à l'emplacement de l'ancien square Botton, le nouveau Casino Municipal ouvre enfin ses portes 

Il est conçu par les architectes Claude Ferret, Pierre Marmouget et Adrien Courtois. Influence brésilienne 
 

Gilles Ragot, historien de l'art. « Il [Le casino] présente une rotonde centrale sur laquelle se greffent...la salle de théâtre et le cinéma, le petit théâtre, le baccara et le restaurant 

Réservée à l'administration et aux logements de fonction, une aile ceinture l'édifice 

Un escalier extérieur mène au toit terrasse, que prolonge une galerie couverte épousant la courbe du Front de Mer » 
 

Côté port vers la droite, l'aile qui prolonge le bâtiment, comprend un bowling et le bar restaurant "Le Grand Pavois" 

Façades vitrées, suppression des cloisonnements intérieurs. « Espace ouvert et démultiplié » 

Le décor fait appel à des éléments géométriques ajourés, des claustras de couleurs vives -bleu, jaune, rouge     

L'édifice ne rencontre pas l'adhésion de tous les Royannais ; « Le Camembert » 
 

Années 1960-1980. Le Casino est le cœur de la vie culturelle et festive de Royan. 1965-1978. Festival d'Art Contemporain 
 

Années 1980. Problèmes de gestion. Manque d'entretien. Pas de machines à sous / bandits manchots 
 

1985. Fermeture définitive. Vente aux enchères du mobilier. Démolition (peu d'émotion dans la ville). Pour certains Royannais, une perte irréparable 
 

1989. Élections municipales, plusieurs projets s'affrontent 

Finalement, création d'un espace paysager, les Jardins de la Mer 
 

1996. Construction de la base nautique, siège de la Société des Régates 
 


 

Le Palais des Congrès. L'œuvre de Claude Ferret 

1954-1957. Architectes, Claude Ferret, Pierre Marmouget. Adrien Courtois, Jacques Bruneau (architecte bordelais) 
 

A l'emplacement de l'ancien casino de Foncillon, la municipalité de Royan souhaite recréer un lieu d'animation. Elle envisage la construction d'une salle des fêtes. Le projet évolue vers le premier Palais des Congrès conçu en France 
 

Le bâtiment est une innovation formelle. Panneaux de type Jean Prouvé, architecte et designer  1901-1984. Entre l'intérieur et l'extérieur, l'agencement des différents espaces, l'indépendance des circulations verticales, créent une promenade  

Face à l'estuaire de la Gironde, soumis aux intempéries, le Palais des Congrès souffre de problèmes structurels. Infiltrations par le toit-terrasse, ... 

Années 1970. Nombreuses modifications. Le projet initial de Claude Ferret est dénaturé 
 

Un programme de restauration est en cours. Redonner au bâtiment transparence et légèreté 
 


 

L'église Notre-Dame 

1954-1958. Monument Historique en 1988 
 

Abandon d'un projet d'inspiration brésilienne. Symbole de la renaissance de Royan 

Le maire de l'époque, Max Brusset, confie la construction de l'église à Guillaume Gillet  1912-1987. Premier Grand Prix de Rome (1946)     

Avec des dommages de guerre limités, construire l'église la plus haute, la plus vaste possible 

Ingénieurs Bernard Laffaille et René Sarger. Guillaume Gillet utilise les poteaux en "V Laffaille". Venus de l'architecture industrielle, béton brut de décoffrage 

Guillaume Gillet élève la nef à 30 mètres de hauteur (aucun pilier intérieur) et le clocher, à 56 mètres. La couverture est un mince voile de béton (8-10 cm d'épaisseur), en forme de selle de cheval -parabole hyperbolique 
 

Immense nef, sans piliers intérieurs, en douce mandorle 
 

Crédits insuffisants. Guillaume Gillet dessine le mobilier de l'église et les vitraux (maître-verrier, Henri-Martin Granel   1914-2008). L'église abrite le tombeau de l'architecte, son chef-d'œuvre 

L'orgue -1964) est classé en 2006 (Robert Boisseau, facteur d'orgue   1909-1980) 
 

Infiltration d'eau. Utilisation de sable de mer pour le béton. Les fers rouillent dans l'épaisseur, éclatement du béton 

Depuis 2013, programme de restauration en cours 
 


 

La Résidence des Congrès, Îlot 52 

Quartier de Foncillon, Avenue des Congrès, perpendiculaire au Palais des Congrès. 1959-1962. Monument Historique en 2011. Architecte, Louis Simon 
 

lmmeuble-pont. Un portique enjambe la route qui passe sous le bâtiment. La barre d'habitation est isolée de la rue par un soubassement. Larges pilotis 

La façade est dynamisée par de nombreuses ouvertures aux rythmes différents -loggias, fenêtres, balcons. L'architecture "en nid d'abeille" joue avec une alternance entre les pleins et les vides. Différences de hauteur, entre les appartements en simplex et duplex   
 

Nouvelles attentes des années 1950 en termes de confort, l'immeuble apporte de la lumière dans les logements 
 

Il rappelle les "unités d'habitation" de l'architecte Le Corbusier   1887-1965. Personnalité ambiguë / fascisme 

Principe moderne de bâtiments d'habitation. 1945-1952. « La Cité radieuse », Marseille. L'unité d'habitation est conçue sur le principe du Modulor, système de mesures lié à la morphologie humaine. Basé sur la suite de Fibonacci (suite d'entiers dans laquelle chaque terme est la somme des deux termes qui le précèdent), qui tend vers le nombre d'or 
 


 

Maison de ville "Hélianthe" ("soleil", plante à fleurs jaunes) 

38, Boulevard de la Grandière. 1952-1956. Monument Historique en 2002. Architecte, Yves Salier, architecte bordelais. Élève et collaborateur de Claude Ferret. Imagination, créativité. Le Brésil, l'outre-mer   
 

Immeuble courbe, en bordure de rue -trois appartements et un cabinet dentaire. Raccorder les constructions du boulevard de la Grandière, au siège des Ponts et Chaussées. 1949-1952, également par Yves Salier 
 

Fins poteaux métalliques, rez-de-chaussée dans l'ombre. Premier étage en porte-à-faux. Le second étage en retrait libère une terrasse 

Les claustras, les retraits, jouent avec la lumière. Exposée aux rayons du soleil, la façade principale. Espaces intérieurs, ambiances variées 

Le long du bâtiment, deux coursives     
 


 

Villa "Ombre Blanche" 

70, Boulevard Frédéric Garnier. 1958-1959. Architecte, Claude Bonnefoy (né en 1919) 
 

La villa « Ombre Blanche » est Implantée sur une parcelle profonde située sur le boulevard Garnier. Accessible à l'arrière par l'avenue du Parc. Elle domine la Grande Conche 
 

Flanqué de deux bâtiments emblématiques de la Belle-Époque, son plan en forme de « U » inégal, s'ouvre sur le jardin 

Ouverte sur l'estuaire, la façade est composée d'un soubassement de grès rouge, rehaussé d'un volume symétrique, maintenu en porte-à-faux par de fins pilotis métalliques 

La taille des fenêtres est définie selon la hiérarchie des pièces. Jeu de polychromie 
 

Influence de l'architecture brésilienne des années 1940 -Oscar Niemeyer, Affonso Eduardo Reidy  1909-1964. Pilotis, enduits lisses et blancs, escalier hélicoïdal, façade biseautée, toit à double pente inversée   
 

Réalisation caractéristique du Mouvement moderne 
 

Le contraste marqué des volumes et des matériaux rappelle la villa « Savoye » (Poissy, Yvelines 1928-1931), de l'architecte Le Corbusier 

1927. Le Corbusier théorise les principes fondamentaux du Mouvement moderne. Ils découlent de l'emploi du béton armé. Pilotis, toit-jardin, plan libre, fenêtres en longueur, façade libre 
 


 

Villa "La Rafale", dite "Boomerang" 

Le Parc. 9, Allée Georges (à l'angle de l'Avenue de la Grande Plage). 1955-1959. Architecte, Pierre Marmouget 

Quartier du Parc. Allée Georges, à l'ombre des pins 
 

Dessinée selon le modèle du bungalow, la villa doit son surnom "Boomerang", à son plan et sa forme. Deux minces dalles minces de béton, pilotis, deux corps distincts 

Dans le premier bâtiment, ouvert sur le jardin, les pièces à vivre 

Dans le second, les chambres 
 

Les marches de l'entrée, sous une casquette de béton, mènent à une coursive de desserte 

Comme au Casino Municipal, une rambarde ajourée invite le visiteur à entrer, jusque dans le hall 

Une échelle permet de descendre directement du bâtiment, à la piscine 

A l'arrière, deux accès marquent trois lots dans l'architecture 
 

L'architecte Pierre Marmouget a introduit les références brésiliennes dans ses projets royannais. Le Casino Municipal, le Palais des Congrès, la Place du Docteur Gantier 
 


 

Villa "Gracieuse" 

1952-1960. Architectes Pierre Marmouget / Édouard Pinet 
 

Le Parc. A l'intersection des avenues Émile Zola et du Collège, la villa est édifiée sur une longue parcelle 

La façade unique en courbe articule les deux axes 

La maison, sur une mince dalle à peine surélevée 

Coursive en balcon. Une pergola protège le premier étage, du soleil 
 

Rez-de-chaussée. Deux rangs de pavés de verre. Les baies vitrées sont en retrait. La terrasse couverte souligne la forme arrondie de la villa 

À l'arrière, sous un voile de béton ajouré, un second volume. Claustras. Escalier aux fines serrureries 
 

Fantaisie de l'architecture des années 1950. Références nautiques. Jeux d'ombre et de lumière 
 
 

Signaler ce texte