Ouistreham

la-musique-de-l-ame

09/06/2018

Le vent fouettait les dunes et leur chevelure verte face au soleil couchant. Nous marchions le long des touffes hirsutes en suivant les sentiers de fortune, les pieds lourds de sable mais l'esprit léger. L'astre brûlait le ciel et les nuages de ses flammes ardentes. La demi-auréole caractéristique sous l'horizon grandissait à vue d'œil, augure d'une noyade imminente pour le Roi. Les cabanes enfilées les unes à côté des autres rapetissaient à mesure que nous nous éloignions de la promenade, cette bande de bitume immonde et interminable qui avait creusé son lit au travers de l'or jaune. Nous poursuivions notre ascension, comme attirés par ces géants de pierre agglomérés. Sur leur tête nous serions les maîtres du monde, héritant de leur majesté et regardant de haut les vagues s'écraser contre leurs pieds. Nous surplombions maintenant la plage avec la mer à perte de vue, ses balises flottantes et clignotantes, le Ferry toujours à quai bien moins impressionnant qu'à notre arrivée. Nous nous assîmes enfin, parvenus au sommet du mont gris. Les rafales avaient gagné en intensité et boxaient nos joues dans une fraîcheur intermittente mais revigorante. Sam installa sa guitare et joua les premières notes, brisant le son plus grave et chaotique des remous inlassablement aspirés puis recrachés par la marée. Une douce mélodie, mélancolique comme à notre habitude. Je laissai mes yeux se perdre au loin, souriant et bercé par l'instant. Après quelques secondes j'emboîtai les doigts de Sam, reprenant avec ma voix d'amateur des paroles connues : "Seul sur le sable, les yeux dans l'eau...", "Troubles images issues du temps, messages d'enfant..." ou bien écrites par mes soins. Il composait, j'écrivais, nous chantions, sans prétention. Le brouhaha des éléments étouffait nos élans mais qu'importe, nous fredonnions pour nous seuls, le ciel et la mer comme uniques spectateurs. Ce lieu était un havre de paix, parfois d'inspiration, une terre d'exaltation pour les deux amoureux de la musique et des mots que nous étions, perchés sur les rochers. Un duo jadis nommé Capot d'Astre qui maintenant s'en est allé, le souvenir de cette plage de Ouistreham éternellement gravé.

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