Ouvrez la cage
Boris Krywicki
Quoi de plus opportun qu'une cinéaste qui revient après huit ans d'absence pour traiter de notre liberté avec poésie ? Pascale Ferran choisit un milieu transitoire, un intermédiaire insignifiant entre les fameux points A et B, pour y poser sa caméra. Un hôtel Hilton qui jouxte l'aéroport de Roissy. Le personnel ne sait jamais en quelle langue il faut s'y exprimer. Les clients, majoritairement gérants de business, n'y voient qu'un bivouac de passage. Une bicoque de fortune où ils ne se délestent pas de grand-chose. En tout cas, pas d'assez pour apaiser Gary Newman (Josh Charles), venu assister à une réunion de travail, qu'une crise d'angoisse étreint en pleine nuit.
On épie, tranquillement, comment les relations humaines subsistent malgré la petitesse de leur ampleur. Une cigarette offerte par le réceptionniste Roschdy Zem, et ça va mieux. Le lieu sans âme devient alors celui d'une introspection radicale. Et si cet entre-deux devenait un point de non-retour ? Pour Gary, le no man's land passe d'anxiogène à salvateur. Et nous, on regarde, sagement, comment une décision subreptice peut se narrer avec l'irruption d'une voix-off de conte.
De toute façon, après cinq minutes de film, on était déjà sous le charme, engloutis par le torrent de portraits que Ferran venait de nous faire remonter. Munis de pagaies translucides, voguant d'un flux de pensées à l'autre au creux d'un premier havre désincarné servant d'espace d'introduction : celui des transports en commun.
Tous ces gens en transit, dont saisir la volatilité constitue l'évident projet de l'œuvre, croisent tout autant d'automates à leur service dont leurs regards annexent l'humanité. Les femmes d'ouvrages de l'hôtel n'interagissent pas avec ces hommes d'affaires, d'enfer. Le spectateur, lui a la chance d'accorder de l'importance à l'une d'elle, Audrey (la toujours juste Anaïs Demoustier). Son labeur épuisant faisait office de job d'appoint, la voilà à plein-temps. Elle met la « fac » entre parenthèses sans pouvoir l'annoncer à ses parents. « C'est bien ce boulot, t'améliores ton anglais en discutant avec les clients », positive son père, ignare de l'indifférence qu'elle subit.
On la ressent, entre autres puissants affects, à travers de généreux raccords regards, d'habiles rotations de caméra. Elle s'arrête, respire le temps de la pause-clope d'Audrey. Avant d'explorer le beau qui jalonne les gratte-ciels glacials le temps d'une escapade magique. Car il n'y a pas de vocable alternatif disponibles pour la décrire. À l'aune de la légèreté, Ferran ferre-là un filon remarquable.
Dès que son filmage naturaliste fuite du balourd, Bird People s'égare pour mieux représenter son thème, d'une main basique et jouissive, jamais lourde. L'on peut envisager de rendre compte de social bancal, d'atermoiements en landes frigides, sans omettre de réchauffer l'atmosphère, d'un fervent battement d'ailes.