Overdose Moderne

Guillaume Vincent Simon

OVERDOSE MODERNE

Vous êtes les merdes de ce monde.

 

 

 

Le rayon blanc te caresse le visage, il te dessine, horrible envie que de gluer sur tes genoux, je me sens libre en te voyant, une fée lasérifiée, délicatement plotée par le voyeurisme de la fumée ambiante. Tu es une princesse, du noir, une princesse dont les seins moulés rebondissent lentement sur les baffles ambigus de la house. Tu es magnifique quand tu es droguée, mirifique, quand tu es comme ça, où tu ne te contrôles plus, ou tes mains sont miennes,  tes jambes sont des tiges de verre prêtes à briser, tu es une tentatrice en liberté, une libératrice de ce monde merdique, un faire valoir pour le pouvoir oublier, te baiser est un passeport pour retrouver l’innocence.

Tu es belle, on devrait t’empailler, et t’exposer.

Tu baves quand tu bois, tu ne te maîtrises plus, impératrice du glock de la nuit, ton cul est un appel à la sagesse.

Tout le monde est aux toilettes, tout le monde se défonce, tout le monde veut partir, une nuit dans un monde meilleur, tout le monde veut rire tout le monde veut boire, tout le monde te veut.

Je vois tes cuisses blanches, je vois tes cuisses bandantes, j’entrevois ta boîte à joujou, cet endroit est devenu oppressant, je me sens mal depuis que je parle, je ne sais plus vraiment ce que je veux faire de ma carcasse, je n’ai plus de rêve, je n’ai plus d’idée, je n’ai qu’une queue, devenue mon cerveau.

Dans la pénombre de l’endroit, je peux oublier que je suis plus beau que tout le monde, dans la pénombre, je ne suis plus riche, ici tout le monde est égal, je n’ai plus d’obsession sinon de devenir fou. 

Je suis défoncé, j’ai mes yeux qui ne suivent plus que les lasers qui déferlent dans cette foutue boîte. Tout le monde pue, tout le monde meurt lentement, les plaisirs artificiels qui sont nôtres, sont devenus nos pires ennemis, on peut tout acheter, tout avoir, on a tout ce que l’on veut, tout ce que les hommes ont crée sert à oublier que nous sommes une race ratée, dépressive, et suicidaire.

J’ai gerbé ma vie dans un bénitier, Dieu prend le malheur des hommes. 

 

Aujourd’hui il a plu, ce soir il n’y a pas de parapluie, que des gens à poil qui baisent entre eux. Notre monde est devenu une partouze géante. Notre religion est la pornographie, notre raison de vivre enculer les gens. 

Nous sommes dans une impasse sombre et puante, nous sommes contre un mur plein de pisse. 

Nous avons tous oublier que ce mur ne tombera pas, mais que un à un chacun de nous va s’y écraser irrémédiablement.

J’ouvre les yeux uniquement pour voir ce que j’achète, je ne veux plus regarder tous ces gens dans la rue qui crèvent de faim parce qu’on leur a pris leur tune. On ne naît pas homme, on naît ordure, et on devient homme. 

Moi j’ai raté cette étape.

Les scrupules que les hommes ont ne sont dus qu’à la peur que l’on a dans notre ventre, et qui se transforme en compassion, le monde des riches ne culpabilise pas, mais il a peur des pauvres.

Le monde est devenu une partie de catch, où les plus forts aiment à écraser ceux qui n’ont aucune force. 

Nous aimons la cruauté, surtout quand elle s’abat sur nos semblables. 

Chaque nuit, les gens comme moi cherchent à croire qu’ils sont gentils, et que la réalité est restée dehors. Mais, même en nous l’odeur de la putréfaction de notre monde est encore présente.

 

Ce monde est une arme de destruction massive, une bombe à retardement. C’est de la soude…

 

AUTOLYSE EN DIALYSE   

 

Je l’aime, elle est à la fois une fiction, une réalité, c’est un saint auquel se vouer, c’est un but dans une vie.

Elle guide nos vies de débiles décérébrés. 

On se lève le matin, avec les vestiges de la veille, on se voit dans une glace tamisée, on marche dans son magnifique appartement, on déjeune, on mange, mais on n’a pas faim, on vomit tout de suite, on en a plein le ventre… 

Le monde est à satiété, il est au point ou le bien le rebute, l’abondance est une drogue bien plus nocive que celle que les autorités ont prohibée, elle nous mène dans un monde de luxe et de facilité, dans un système ou la morale est une carte de crédit dorée, je ne m’identifie aux autres que par les vêtements que je porte, la couleur de ma voiture est le reflet de ma personnalité, le temps ne rythme plus la vie mais la mode.

Le monde s’est pourri pour oublier à quel point nous sommes bêtes et inutiles.

La réalité est maquillée avec les couleurs de l’oubli, du vert olive lancé par Dior en 2005, et du mauve lilas lancé par MAC l’hiver dernier ; les couleurs d’un monde qui manient les hommes, qui le composent avec des désirs préfabriqués et des envies distribuées sous vide…

L’aveuglement de chacun est dû à la peur de demain. La libido de chacun est due à la volonté d’oublier que tous nos contacts sont stérilisés avant même d’être consommés.  

J’aime voir les enfants mendier dans la rue au mois de décembre, car cela confirme que le monde est foutu.

Même avec l’eugénisme que tous les riches souhaitent, le monde ne pourra plus se relever. 

Il grelotte béatement ; il tousse du sang, comme les tuberculeux.

Cette pandémie est à son comble. Les survivants sont déjà contaminés, et ne vont tarder à succomber à cette horrible douleur. 

J’ai les yeux plein d’images de notre monde, de son agonie, de la nullité et de son terme, comme ces femmes nues dans la rue en plein hiver, ces enfants faméliques, qui n’ont comme moyen de survie que les queues qu’ils sont obligés de se prendre.

Etre du bon coté des choses c’est aussi être les premiers à se faire massacrer quand tout partira …

Je me gave de la facilité ambiante d’avoir et de n’être que par ce que l’on a… 

Jeune fille à la mode, belle, pleine d’avenir, elle a des rêves plein la tête, un jour elle aussi trouvera un mari, aura des beaux enfants qui vivront comme des princes, qui n’auront comme unique ambition que de bien gérer la fortune de la famille, un jour elle aussi sera heureuse, et pourra marcher dans la rue sans que les gens normaux ne la regardent.

Anorexique à 18 ans, retrouvée morte, violée et mutilée un soir d’été, telle est la jolie chanson de la vie en société.

L’argent est mieux que le sexe, car il ne fait pas mourir, l’argent est mieux que la cocaïne, car il ne rend pas social, l’argent est mieux que Dieu, car on peut le jeter par la fenêtre.

Le monde est devenu une pièce de théâtre où les acteurs sont ceux qui ont du fric, et où les spectateurs sont ceux qui n’en ont pas.

Comme derrière ces supermarchés, où les crève-la-faim vont récupérer les produits avariés que les riches ont laissé, c’est comme si faire les poubelles était pour eux, le dernier truc à la mode.

Je ne sais pas s’il vaut mieux naître riche ou pauvre, se savoir malheureux et dépressif car on n’a plus que ça à penser, ou se savoir malheureux parce que tout le monde vous a oublié.

De notre fenêtre, nous voyons au pied de nos immeubles surveillés la vie se dérouler, nous voyons ce qu’est la réalité, mais nous ne la regardons que de haut, comme tout le reste d’ailleurs, tout est finalement allé si vite.

Il aurait fallu enfermer les riches avec les riches dans une ville, et les pauvres et les usines dans une autre.

Finalement, ce sont les gens comme moi qui sont responsables de tout ce qui arrive, de tous ces désastres,  

Il faut donc vivre, vivre et mourir, d’apoplexie ou, d’overdose, nous sommes nés dans l’abondance, nous mourrons d’abondance, je veux mourir sur une table du carré VIP, tremblant comme une merde d’une overdose d’ecstasy,  je veux gerber jusqu’à ma bile sur la gueule d’un clodo les 9 Dom Pérignon que j’ai bu, je veux mourir dans ma Bentley en percutant un foyer de SDF,  je veux que ma mort desserve ma cause,  je veux que ma mort déclenche une guerre civile, qui une fois terminée conduira chaque homme sur un pied d’égalité. Je veux voir un riche diabétique manquer, comme les marginaux héroïnomanes, de son insuline et se comporter comme quelqu’un à qui on met volontairement sa vie en sursis, le voir être obligé de lécher les pieds du monde pour qu’on pense à lui, je veux voir les riches sans argent, à qui on afflige le supplice de mendier pour avoir de quoi manger, je veux voir les pauvres leur redonner leur tuberculose, je veux les voir dans un état de septicémie, blanc comme un cadavre, à qui pour les soulager, on tirerait bien une balle dans leur bide, les laissant agoniser comme des merdes sur les trottoirs d’une ville malfamée.

J’oubli chaque nuit à quel point je suis pourri et sans pitié, à quel point je méprise ce que j’aime, je regarde les autres comme moi, qui n’ont comme moi que leur argent pour les rendre heureux, qui savent que demain tout sera peut être fini, que peut-être leurs pères et leurs mères se sont faits égorger dans leur salon, alors, comme moi, ils boivent, ils oublient. Je haie, les gens qui comme moi n’ont plus aucun avenir, tout est de toute façon fini, nous sommes des fins de race…

J’aimerais parfois voir cet endroit brûler les portes fermées, où ceux qui tiennent à la vie hurleraient et pleureraient en voyant la personne devant eux défigurée par les flammes alcoolisées qui déferleraient sur son corps à moitié nu et où ceux qui s’en foutent finir leur verre avant de mourir dans d’atroces souffrances ; ou alors vivre un attentat sordide dans une boîte bondée, où les jambes voleraient, et les têtes sans corps joncheraient les canapés où les gens terrifiés seraient prisonniers des décombres du toit effondré, et où les pervers en profiteraient pour baiser une dernière fois.

Je voudrais voir ce monde crever brutalement, je voudrais voir les gens comme moi condamner à errer sans but dans une rue où la boutique Chanel côtoierait des monticules de corps à moitié décomposés.

 

RIRE JAUNE, ENVIE NOIRE.  

 

Il fait gris, il neige, ça couvre les merdes qui marchent dehors…

Les gens au dehors courent vers un but qu’ils ne connaissent même pas, ils n’ont rien en tête si ce n’est que de ce voiler la face avec ces rêves si candides. Il est maintenant temps de rouvrir les yeux et que chacun de nous accepte les choses comme elles sont réellement.

La peur me noue le ventre comme la corde autour du cou d’un pendu, j’ai les yeux plein de brouillard, un écran terne sur le film du monde d’aujourd’hui, je ne veux rien voir de plus, si ce n’est que les projets que j’ai pour demain ne sont qu’un reflet puérile, ses envies que j’ai pour on ne sait trop quand, la seule réalité que j’ai doit à peu près se résumer à ce que je ne souhaite pas voir, à ces choses qui dépassent mon entendement.

Notre monde génère la haine et la violence, il entraîne la désolation et le désespoir. Il n’y a que trop peu de choses en lesquelles je crois, je n‘ai plus assez de rêves pour continuer à vivre normalement.

Le pire des massacres que l’homme devrait s’affliger ne suffirait même pas à le rendre moins prolifique, il faudrait régler le problème dès sa source, dès la naissance, je voudrai voir que je ne suis plus le seul à douter de notre espèce bâtarde, et plus l’unique à vouloir la contrainte à la plus détestable des misères.  

Parfois je ris, je me sens libre ; je suis au soleil, sur une chaise longue, avec comme seul souci de ne pas savoir où me conduit l’ennui, je ferme les yeux sur ce monde de privilèges et de castes, sur ce monde où les gens comme nous cohabitent avec le pire de l’espèce humaine.

Je ne rêve pas à un monde meilleur, non, mais à un monde où il faudrait avoir  la décence de cacher ce qui n’est pas beau à voir, pour que nous puissions mieux nous épanouir sans que notre joie et notre plénitude ne soient gâchées par ces gens sales et hideux, il faut cacher ce qui ne nous convient pas. L’argent est plus fédérateur que les idéaux ou que les religions, il est un culte sans fin au Dieu du Bonheur achetable, ce n’est plus une prière qui fait de vous un pieu, mais un samedi après midi passé à acheter des choses inutiles, qui pourtant vous rendent plus heureux que de savoir que vos enfants réussissent dans ce monde merdique. Il faut savoir ne pas être futile dans la vie, ne pas acheter du Rose parme qui est passé de mode, mais plus opter pour un bleu canard, qui semble être la grande tendance pour cet hiver, ou ne pas prendre la sellerie cuire Bentley rouge, car elle est plus difficile à accorder à votre garde robe. La vie est un choix perpétuel, chacun de ces choix doit être pris avec pondération et réflexion, il faut savoir résister à ses pulsions les plus vils. 

J’aime à me savoir en sécurité dans ce système précaire, où l’immuable est aussi flou que l’est pour les pauvres l’abus, cette sensation si froide que l’on appelle plénitude est une denrée tellement rare, que seuls les gens heureux peuvent espérer la palper.

L’abondance est ma maîtresse, le luxe mon idole, je leur voue une adoration tellement profonde, que mes idées se perdent dans les couloirs voluptueux de l’esprit mercantile, mon espoir est d’atteindre la perfection ultime en me fondant irrémédiablement dans le corps de l’homoluxus.

Le règne du feu fut remplacé par celui de l’esprit, il est détrôné par celui du Dieu Paraître.

Finalement le monde est si logique, que même en ne s’y intéressant pas, on arrive à comprendre ses trames, ses rouages, et sa finalité, celle de se détruire consciemment, devant l’impuissance angoissante de ceux qui n’ont pas assez de choses pour pouvoir arriver à un tel dépit de la vie. 

L’ascétisme auquel je n’aspirais jamais est pourtant la voie unique vers un bonheur simple, que je ne saurai même pas définir, et qui pourtant me taraude horriblement. Je ne sais pas ce que je souhaite, je ne sais pas comment l’obtenir. Je suis né dans un univers à satiété, qui n’avait comme ambition que de rester tel qu’il était, sans rien changer.

 

 

Et le fossé s’est creusé, il s’est rempli de pus, gangrené par la jalousie, les pauvres, petit à petit dégoûtés de nos excès, la guerre a commencé.

 

LUXE  CEREMONIAL POUR MARIAGE FATAL   

 

J’aime surtout le caviar quand je l’écrase dans la chatte d’une pute rencontrée dans un coin de rue sordide – la putain rêve que je lui lèche son minou mais je n’aime plus le caviar quand il a un goût de pauvreté - elle se met à chialer comme une merdeuse parce que je l’ai frappé – elle a peur de moi je suis bourré – je la fais taire, elle m’énerve, je la frappe avec mon genoux, elle hurle, elle saigne, je dois l’achever. Je prends et lui écrase sa sale gueule contre le lavabo de sa salle de bain miteuse pleine de cafard et de moisissures, elle est née dans la merde et la crasse, sa vie de chienne se termine parmi les cafards et l’urine. J’ai envie de me défouler sur son corps en plastique – heureusement j’ai un couteau sur moi – au revoir ma chérie.

Je suis violent quand je suis heureux, et certainement très gentil quand je suis triste, la pitié semble s’abattre sur moi comme la foudre sur un séquoia centenaire, j’ai dans ma tête des images qui s’écrasent sur ma rétine comme des vagues contre un rocher. Mes yeux restent ouverts toute la nuit, je regarde au loin les voitures passer sur l’autoroute, comme entourées par une nuée magnifique de pollution magique.

Je ne crois en l’amour que parce que je le hais, et si je le haie c’est que je le considère, il est une sorte de défouloir pour ceux, comme moi qui ne se sont jamais défoulés. 

La misère nous offre un terrain de chasse fabuleux – j’ai l’honneur de vous dire que je contribue à la haine que nous inspirons – un jour tout va exploser, et nous serons les premiers à être éventrés. Nous sommes un ramassis de honte et de haine, un ensemble harmonieux de fric et d’arrogance.

Nous sommes le reflet d’une société qui tousse comme un tuberculeux, ses glaires sont rouges  et gluantes. Les yeux rivés sur l’écran de son téléphone en attendant irrémédiablement qu’il sonne. Plus personne n’a d’amis. Le luxe dans lequel tout le monde semble se réfugier pue autant que des corps humains en putréfaction.

Le pire est quand même de savoir que le monde touche à sa fin, et de continuer à faire des enfants, alors que le monde qu’on leur laissera ne semble être plus qu’un terrain vague sur lequel pendant des siècles des hommes comme moi vinrent jeter toutes leurs ordures. 

Le pire est quand même de savoir que chaque fois que les riches comme moi rigolent ou se sentent seulement heureux, c’est qu’ils sont défoncés ou qu’ils sont bourrés. Il n’y plus de morale, ni même de respect entre les hommes. Chacun pour soi au milieu d’un grand terrain de jeu. L’herbe est jaune. L’eau est rouge. Le ciel est noir. La pluie brûle. La honte me fait bander. La souffrance me fait jouir. 

Les cris et les pleurs de cette femme dont l’enfant vient de se faire violemment écraser, les yeux pleins de désespoir de cet homme seul qui est obliger de faire la manche comme un minable à 90 ans. 

La triste réalité cachée et dénaturée par nous. Nous les puissants. Le monde de nos ancêtres fait de mille et une belles idées, ce monde si beau qu’il en est devenu irréalisable en presque 200 ans. C’est sans compter l’incommensurable petitesse de l’homme. 

J’aime Vuitton autant que ma mère a dû m’aimer. Finalement je porte mon amour sur ce qui est à ma portée et sur ce qui ne demande pas beaucoup d’entretien. 

Mon monde dégouline de suffisance, et de puanteur. Les phares de ma Mercedes classe S qui s’arrogent de la plus belle beauté déferlent dans l’immensité vide des rues de ma cité. Mes yeux sont des rubis viciés depuis ma naissance par les trop nombreux privilèges de ma caste. Mon estomac est un réceptacle vide qui ne tolère plus aucune nourriture. Sauf celle de la destruction. 

Tout le monde comme moi passe son temps à vomir sa haine sur ce que ce monde à fait de meilleur, les inégalités sociales, principal sujet de nos moqueries nous alimentent malsainement, nous passons notre temps à claquer la chose dans laquelle nous croyons le moins. L’argent. 

Or, brillant platine. Diamant, reflets fabuleux cristallins et plein d’innocente beauté. Champagne, bulles salvatrices et purificatrices. Cocaïne, blancheur vierge, espoirs vains. Amour, inutilité sociale, repère falsifié. 

La vie se résume en une répétition maladroite de moments inutiles, de plaisirs privatifs. Le monde baise, s’encule permanemment. Comme un rêve commun, nous nous retrouvons tous pour oublier la fausse chance que nous avons tous eus. Il avait 3 mois pour son premier Dior, il aura 18 ans pour sa dernière ligne. Elle avait 2 mois pour son premier Burberry, elle aura 21 ans pour sa dernière pipe. Un cabriolet Maserati au fond d’une falaise près de Nice, ils sont morts heureux, mais cons, intoxiqués par ce monde où les excès appartiennent aux privilégiés, ils n’ont servi à rien, si ce n’est à faire du mal à leurs proches, ironie du sort la seule chose reconnaissable parmi cet amas de tôle haut de gamme fut le monogramme maculé de la valise d’Andréa, qui lui avait pulvérisé la tête lors du choc au fond du gouffre heureux. 

Ils n’ont servi à rien. Ils sont désormais oubliés de tous, sauf des vendeurs pitoyables qui avaient pour eux des aspirations très commerciales. Un merci à Jean Baptiste Rautureau, Céline, Burberry, Dior, Cardin … d’avoir rendu leur vie si heureuse. 

Heureusement la veuve fut également de la partie.    

L’espoir est une chose rare, comment voulez-vous espérer quoi que ce soit quand vous êtes persuadés d’avoir déjà tous vécu ? 

L’or de la robinetterie de l’Hyatt reflète l’amère joie dans laquelle ma soirée m’a plongé. Toujours la même chose, les gens sont de pire en pire, les proies faciles d’un monde anthropophage, les ouailles ridicules et crédules d’un système suicidaire.

La musique lèche la vie, comme elle lèchera ma bite. Les baffles inaudibles de cette musique agressive remplissent le vide avec la sueur et les autres secrétions de mes amis, de l’ecsta dans le champagne, et les mouettes tombent pitoyablement au fond de ma coupe salie par mes doigts gras, le sang sur ma chemise blanche me rend aussi indifférent que de voir mon ami se faire défoncer dans le coin du carré VIP, la nuit est un terrain fabuleux pour oublier ce à quoi l’on tient. Comme d’habitude je ne vois que ce je daigne voir. La misère et la saleté des autres est une attraction de plus parmi la pathétique espèce de l’homme. 

Le luxe est une drogue bien pire que toutes les autres, plus vicieuse, plus malveillante, elle vous ronge très vite, mais vous ne vous en rendez compte que très lentement. Cristal’ et la coke, c’est ainsi que je conjugue la nuit, comme tous mes amis. 

Nous sommes tous déjà morts, je crois. Nous sommes morts dès notre première ligne. Et nous le savons tous plus ou moins, le plus grand fléau de la jeunesse dorée n’est pas la drogue, ou le vice antichrétien, mais le désespoir, la perte de la réalité. Comme une bombe à Gstaad, l’ennemi est parmi nous. 

 

Enjoy the day after. 

 

 

Demain tout ira mieux, la chance du choix de la vie apparaîtra, la joie aux lèvres encore paralysées par la coke de la veille se verra comme le sourire sur une bouche pleine de Bottox. Le ciel au loin sera jaune, comme le jour où l’humanité mourra, le ciel sera jaune, et mes yeux seront bleus encore, bleus de connerie et de béatitude, d’inutilité et de mépris. 

Plus rien ne ressemblera à hier, tout est pour demain, tout n’est qu’au début. Débile enfant méprisant. Il ne savait pas que c’est en lui que résidait encore hier toute la haine que son monde avait pour lui, pauvre con de riche, il ne savait pas que seuls les gens comme lui pouvaient provoquer de telles sensations, comme le dégoût ou la nausée. 

Mais pour lui, rien n’en est, puisqu’il semble être heureux, le monde est scindé en deux parties depuis qu’on ne sait pas trop qui ne l’a créé. Il a la beauté du lendemain où les vestiges de la veille côtoie la beauté juvénile d’un corps qui n’a pas vingt ans. Toujours aimé demain pour mieux haïr le jour qui passe, toujours maîtriser la route qui mène à la putain de mort puisque rien ne nous dit riche dans notre mort. Je veux que ma mort soit aussi théâtrale qu’a été ma vie, une mascarade éhontée qui n’avait comme but que de faire vomir ceux qui faisaient partie des « cons de garde », ces pauvres que je me suis efforcé de fréquenter pour mieux comprendre pourquoi je suis si chanceux. On m’a toujours dit qu’un JNRM (jeune nanti riche et méprisé) devait avoir son ami pauvre, son bouc-émissaire attitré, afin de faire revivre le mythe dont rêve chaque privilégié, la gratuité du sévice. 

Je bois trop quand je sors, c’est sans doute pour oublier que dans ce monde si minable je n’ai pas de semblable, en buvant, je me rabaisse, je fais taire la terrible dichotomie que j’ai et que j’entretiens avec les autres de mes congénères. 

Je prends trop de drogue, mais c’est pour oublier que je bois, et pour me prouver que je ne peux pas m’en passer. 

Je suis devenu tellement addict à ce que je suis, à ce que je prends, à ce que j’achète, que je me suis il y a longtemps perdu dans le noman’s land de la bourgeoisie en fin de race. Mes parents ont sué pour que je ne devienne pas marginal aux yeux de ma famille, je l’ai payé, et je le paie encore en l’étant aux yeux de cette foutue société. Il y a peu de chose à faire, attendre que la misère règne, et qu’un soir où mes amis et moi seront ivres et défoncés, on vienne nous chercher pour nous pendre en place publique, place Vendôme, entre le Ritz et Boucheron, et même si on est riche et beau, quand on est pendu, on chie dans son pantalon Galliono. 

Nos biens seront nationalisés, nos voitures, nos bijoux, nos anciens vêtements seront donnés aux pauvres, et aux indigents, ils comprendront pourquoi le cuir d’un siège climatisé d’une Porsche est préférable à la toile hermétique d’une Polo quand on porte un ensemble en soie, ils exterminent une race, la nôtre, et vu que les pauvres ne sont pas non plus anthropologues, mais plus anthropophages, ils n’en ont même pas percé les mirifiques secrets. 

Le monde tourne, comme la porte du Crillon, le soleil se couche comme une Call-Girl rencontrée chez Costes, mais les riches restent et subsistent, comme le monogramme Vuitton depuis 1867.

Nous nous armerons, nous nous enfermerons dans nos châteaux de campagnes, ou alors nous partirons en Suisse, les pauvres maintenant nous menacent, et pour la première fois, depuis le balcon de nos prétentions, nous avons peur, plus que d’un krach boursier ou immobilier, le monde change, les haines s’accroissent, les antinomies qui tissent les paradigmes de la jalousie et des cohabitations impossibles entre gens si différents, ont à tout jamais fait changer les certitudes auxquelles tous étions habitués. Je ne crois plus en la bienveillance de l’homme, seulement en sa suffisance et en sa fabuleuse capacité à intriguer ceux qui l’ont toujours soutenu. Tout le monde sait que nous allons être exterminés, un à un, comme la fin d’un temps effectivement révolu. L’évolution du singe à l’Homme se terminera par sa régression à son stade initial. 

J’aime demain parce que l’on sera toujours privilégié. A force de défendre nos séculaires privilèges, nous alimentons la haine qui jaillira tôt ou tard des bouches puantes de crasse et d’ abjection.

 

L’eau trouble d’une piscine abandonnée :

 

L’eau est trouble et la propriété délabrée, la scène qui ici s’est déroulée est encore visible par les traces révulsantes de sang sur les baigneuses qui tracent délicatement la percée de l’allée principale du parc en jachère. 

Les volets n’ont toujours pas été fermés, l’intérieur de cette demeure a été saccagé presque méthodiquement pièce par pièce, les corps qui jonchent la terrasse principale témoignent de la violence et de la cruauté de l’attaque. La tête démembrée de son corps, la domestique fut décapité avec une hache, la scène était  horrible, ils avaient bloqué l’entrée des garages, nous étions piégés. Nous mangions entre riches, la guerre civile avait commencé 10 ans plus tôt, elle atteignait alors son paroxysme, l’anarchie avait remplacé la rassurante et bourgeoise démocratie, ils commençaient par arriver des pièces de réception où  ils avaient tout cassé, l’argent ne les intéressait plus, ils ne voulaient que notre mort, sous la délicate lumière des feux de Bengale, le massacre avait commencé, un à un nous étions exécutés, je me suis enfui avec un des invités pour nous cacher dans la folie située à un kilomètre plus au Nord dans le parc, nous en avons réchappé.  

 

 

Day-dream, je ne vois plus rien, dans mes yeux cogitent les millions d’images que ma vie de privilégié a provoqué. Rien ne peut survivre à la colère de la bassesse humaine, rien de plus horrible que de se retrouver au bord d’une falaise où le vent et la pluie se mêlent à la colère des pauvres qui veulent vous voir succomber dans un terrible trépas. 

J’ai peur. 

 

 

J’ai mes jambes qui sont ankylosées par l’angoisse, paralysées par la peur de la fin. Les excès conduisent tôt ou tard à une terrible Fin. Une Fin, qui signera pour les vilains le début de leur règne. Règne de la misère et de la bassesse sur l’élégance et le fric. 

L’argent est une valeur qui nous a perdu. Comme l’adoration des Saints perdit les premiers chrétiens de Rome. La triste réalité retire son voile. 

 

 

Je rouvre les yeux sur ma réalité. Au milieu de la folie. Nous sommes en sueur, des taches de sang jonchent nos vêtements en lin, nous avons le ventre noué, par la peur sans doute, mais surtout par le sentiment encore jamais ressenti, l’impuissance. Nous sommes pour la première fois les faibles, ceux que l’on chasse, ceux que l’on veut voir souffrir. La tension est palpable. Au loin les bruits terrifiants des cris presque animaliers, des hurlements bestiaux, des rires sordides. Nous savons qu’ils sont tous morts là bas. 

Saint Laurent ne peut rien pour nous. Pour une fois.  Nous allons rester là jusqu’à la nuit. 

 

 

Je suis à Paris, il fait beau, les riches sont heureux, nous sommes tous là, mes amis, entre semblables. Les pauvres sont enfin tombés face aux mains expertes de la garde St Germain. La vie a reprit son court. 

 

 

Enfin, nous pouvons sans avoir à avoir peur des pauvres boire notre champagne sur la terrasse du Ritz. Les traces de la guerre civile sont Effacées.  L’architecte Stark a été chargé de reconstruire l’ancien Est-parisien, brûlé en riposte de l’attaque contre la garde Versaillaise ; enfin l’air sent bon. 

Je regagne mon hôtel particulier rue du Faubourg St Honoré, nous sommes tous heureux, la démocratie est repartie sur les bases saines de la bourgeoisocratie. 

Les pauvres crèvent la faim  au centre de la France où les grands industriels ont redéveloppé l’industrie minière. 

La révolte n’est plus qu’un mauvais souvenir. 

 

 

Je me réveille en sueur, mon ami m’a abandonné, les gueux sont à proximité, leurs cris porcins s’entendent déjà. Il me faut fuir. Dans la forêt les pièges à bêtes sont nos pires ennemis, le mur d’enceinte de la propriété  n’est plus qu’à 3 kilomètres. La peur au ventre, quelques larmes coulent sur mes joues glacées, j’ai peur, je ne veux pas mourir tué par un pauvre, la misère est une épidémie, pas un fléau. 

 

 

 

 

Autopsie d’un bonheur furtif.  

 

Nous sommes tous drogués, par des substances que les dealers inventent pour nous chaque jour, pour satisfaire nos désirs  sans cesse plus toxicomanes. 

La vie se résume à une défonce permanente, qui n’a de cesse que la nuit où l’on tente souvent vainement de dormir. Le monde est délabré, mais personne ne veut le voire. Nos Lamborghini et nos Aston Martin ont bouffé les derniers litres de pétrole disponible. La course à l’or noir, vente au enchère chez Christie’s  du dernier barrique de pétrole, on n’y était tous. C’est un Français de Neuilly qui se l’est offert, il a été le dernier à pouvoir utiliser sa Enzo sur l’A6 pour aller à St Tropez. 

Je suis heureux ; car je me fous de tout le monde ; monstre d’égoïsme moderne, soit, je suis alcoolique, ivre presque H24 mon foie disséqué devrait couvrir l’ensemble du XVIème. Le monde est de plus en plus emmerdant, car les pauvres sont en train de crever… on est en train de perdre nos repères… 

Mes lignes de coke, mes pipes dans le carré VIP n’ont plus le même goût qu’avant, car les pauvres ne sont plus là pour me regarder dépités le faire. J’ai perdu mes repères… il n’y a plus de mendiant devant mon immeuble… le monde est morne sans les pauvres. 

Le fric ne sert plus à rien si on ne le pique plus à des gens qui en ont besoin pour bouffer. 

Je pleure de la destruction que nous nous sommes infligé. Nos repères qui nous hissent en haut de nos certitude ne sont que chimères, et nos fantasmes les plus fous doivent se résumer à gagner encore plus d’argent. Nous débecterions la moindre bactérie si elle avait des yeux. Notre futilité a toujours été notre manière de fuir le monde que nous avions pourtant construit. 

La fumée de mes Davidoff emplit le Boudoir dans lequel j’attends ma maîtresse,

Les volutes fabuleux, or et diamant jonquille de mon Whisky,

Pour voir ce monde changer je n’aurai de cesse,

Que de croire innocemment que notre race est finie. 

 

 

 

Les bulles du champagne raisonnent encore dans l’hémicycle de mon cerveau. L’homme moderne, parjure ultime à la bâtardisation de l’humain,  oui , car bâtardise rime, du moins pour ce que je suis avec bêtise. 

Je ne suis même plus foutu de marcher droit et fièrement comme mes feus-parents me l’avaient pourtant toujours injecter. Injonction de bien-aise se termine toujours par injection en vue d’un malaise. Je rêve d’une putain d’overdose, je voulais quitter ce monde depuis que j’ai appris qu’il était stérile et que je serai obliger ma vie durant de payer le prix fort de la bêtise de mes aïeux. 

La réalité de ce monde qui meurt se résume en une simple phrase. Que ceux d’entre nous qui tiennent encore un tant soi peu à la vie, accepte de voir à quel point il ne sert plus à rien de servir la cause de l’homme. Le monde nous méprise, car nous méprisons tout ce qui n’est pas semblable à nos préceptes de vie très restrictif.  

 

Promenade du rêveur désabusé.

 

 

J’ai enfin réussi à sortir de la propriété, le ciel se lève, il doit être 7  heures, la guerre est vraiment déclarée, il faut à tout prix que je rejoigne Versailles. 

 

 

 

 

 

Et le Très-Haut détruisit le Monde

 

 

C’est très beau, de voir que je me suis vraiment amusé ce soir. Les putes en dehors de la boîte attendent patiemment que les bourgeois comme moi sortent ivres, nous les payons cher, c’est le métier de pauvres qui gagne le mieux aujourd’hui. Les bourgeoises n’ont plus le monopole de la pipe. Elles refusent de baiser d’ailleurs, il n’y a plus que les hommes pour avoir encore l’envie de baiser. Ca doit être ça la séculaire différence entre la sexualité masculine et féminine, l’une se résume à une pulsion, l’autre au respect de l’espèce humaine, et quand on n’en a plus aucun, et bien on ne baise plus. 

Je veux jouir dans une bouche chaude et duveteuse, comme, dans un rêve saugrenu, je veux transcender le plaisir ultime de la simple jouissance physique, je veux percer le secret de ce que peut être le plaisir de baiser, je ne l’ai jamais connu, car j’ai toujours été ivre. 

S’il a fait l’homme à son image, alors il est une vraie ordure. C’est pour ça que la mère de son gosse s’est faite inséminer. 

Sur le périphérique, il n’y a plus de voiture, sauf la mienne, et celles de mes amis, l’essence est devenue un produit de luxe, et il faut une autorisation pour circuler en voiture depuis 10 ans, car le nombre d’attentats à la voiture piégée avait considérablement augmenté, au moins 80 par jour à Paris. Le monde était en train de suffoquer, mais nous, nous continuions à vivre comme si rien n’était. 

La misère du monde nous avait toujours été égale, je ne vois pas pourquoi nous changerions d’avis. A près tout, c’est leur problème si leur vie était merdique, la notre est un florilège de plaisirs fabuleux. Oui, de nos jours le plaisir appartient aux riches. Tout appartient aux riches, et nous laissons aux pauvres les restes. 

 

 

 

J’ai regagné Versailles. La ville est saccagée, mon immeuble a été incendié, je n’ai plus rien, je comprends ce qu’est être démuni, je le suis, je ressens pour la première fois le sentiment de ne savoir ni où aller, ni quoi faire. La ville est déserte, je n’ose pas croire que tout le monde est mort. La carcasse de la Rolls-Royce en feu de mon voisin me laisse supposer qu’ils ont du fuir. 

Nous sommes leur gibier, et nous n’avons jamais appris comment se défendre. Les règles du jeu se sont brutalement inversée. Il est dramatique de constater que nous, qui nous croyions si fort hier encore allons devoir aujourd’hui nous battre de nouveau pour retrouver nos vies d’avant. J’avance avenue de Paris, vers le Château qui est intact, entouré d’une milice, La Versaillaise, la vie s’est retranchée dans ce bâtiment je crois. 

 

 

 

Et puis un jour je me suis rendu compte que ce que j’avais n’avait pas d’intérêt si je ne savais m’en défaire. Mes choses, mes choses, mes choses. Je n’y suis attaché que par dépit de réussire à aimer quelqu’un d’autre. 

Je me hais ce soir, je ne suis pas ivre. 

J’ai cette envie de hurler bestialement, du fond de mes viscères, ce que j’ai ressenti depuis que j’ai appris à comprendre le monde qui m’entoure. Je n’arrive pas à regretter quoi que ce soit, je n’ai toujours été que ce que l’on m’a appris d’être. Je prends douloureusement conscience aujourd’hui que ma vie n’a été qu’une suite futile et révulsante de moment que tout mon monde avait vécu. Presque simultanément. 

Il est difficile de dire si c’est l’argent qui nous a dénaturés, ou si c’est ainsi que nous sommes nés. J’ai peine à croire que nous sommes si ratés, si inutiles. Et pourtant.  

La vie défile derrière les vitres blindées de ma voiture ; je pense à ce que je vois. Ce que nous avons toujours refusé de voir. Nous nous sommes enfermés à l’intérieur de nos illusions. Petit à petit gangrené par l’envie et le fantasme de la puissance, nous avons oublié le reste de la vie. Nous ne transmettrons plus rien à nous enfants, des restes avariés, des rêves qui servent à rien, si ce n’est à ce qu’une génération de plus se voile la face. Partons loin d’ici, je veux voir le soleil sans sentir la putréfaction des corps laissés à l’abandon sur les trottoirs de Paris. La vie se résume en une fuite en avant. 

Nous espérons tous la voir finir très vite, tous la voir se faner et se flétrir comme une rose arrachée. Mais nous savons que notre disparition se fera vite dans l’espace temps, mais très longuement dans les atroces souffrances qui nous attendent. La candeur me manque aujourd’hui. Je ne sais plus vraiment si dans ma bouche j’ai le goût du regret ou de la culpabilité. Je ne sais même pas ce que sont ces deux termes. 

Je rêve de voir les vitres blindées de ma Jaguar exploser par la pression que leur affligerait un vieux chêne dans lequel je me serais encastré. Je suis incapable de me suicider, pauvre merde, incapable de pouvoir quitter ma vie. Je dois tenir à elle, comme un contentement maigre de mes chétives pulsions de vie. 

Je rêverais de me faire assassiner un soir en sortant de l’opéra. Mais personne ne veut me tuer. Je vais devoir attendre ma mort, comme les pauvres attendent désespérément un travail. 

Chacun sa peine. La seule solution qui s’offre à nous, c’est de nous détruire en consumant nos vies, de consommer mes neurones tous les soirs. De baiser à n’en plus m’en souvenir. La mémoire est une torture quand on n’a ni souvenir heureux d’hier, ni projet pour demain. 

Je me résigne comme un condamné à mort à accepter la Fin qui s’offre à moi. 

 

 

 

 

J’ai pénétré dans la cour de Marbre, j’avance dans le parc désert, ils sont tous là, dans la Grotte de Thétis. Grelottants et pitoyables, l’ambiance est glaciale, les visages apeurés côtoient pour la première fois les plus grandes fortunes de la Vieille-France, ceux qui depuis un siècle, comme moi, pillent les pauvres, et font sévèrement s’effondrer la répartition des richesses. Les puissants ont peur. Peur de mourir, les rênes du pouvoir viennent de leur échapper, nous sommes démunis, symboliquement réfugiés dans ce que fut le temple de l’absolutisme, introuvable, au fond de ce trou baroque, recroquevillés les uns sur les autres, le cachemire comme seule couverture, nous attendons, terrifiés, de savoir quoi faire. La nuit tombe, sombre angoisse sur l’ignorance commune des destins de chacun. 

Tout le monde se réveille brutalement, un des gardes de la Versaillaise nous indique qu’un convoi de berlines noires nous attend à la sortie Sud du Parc, nous nous levons, encore épris de Morphée qui nous a permit un court instant d’oublier la réalité à laquelle nous sommes tous ici confrontés, et que tous ici nous avons provoqué d’une quelque manière. Le parc est encore baigné par le brouillard du mois de novembre, est d’une beauté somptueuse. 

Au bout de 10 minutes de marche, démunis comme des réfugiés que l’on aurait contraint à s’enfuir sans ne rien emporter, nous arrivâmes aux voitures noires, massives.

Les sourires débiles réapparaissent sur ces visages  affligés il y a encore une heure.

La chaleur agréable et rassurante des Mercedes noires me rend l’esprit. Le vrombissement  cossu du moteur me berce… c’est fini, je suis en sécurité. 

Le convoi se mit en marche, entouré d’une escorte Versaillaise, des gens nous protègent encore, ils ont encore du respect pour les terroristes que nous sommes. Nous quittons Versailles.

 

 

 

 

 

 

 

 

Au bord de la route, les arbres perdent leurs feuilles, ils sont chétifs, agressés incessamment par la pollution corrosive que notre monde taré provoque. Je n’ai pas de grande déclaration à faire à ceux qui me succèderont dans la tache très ardue qui est d’être riche aujourd’hui. 

Putain, merde, une seule bombe suffirait à tous nous tuer, et à faire en sorte que l’espèce humaine puisse repartir sur des bases plus saines, nous tuer. C’est tout ce qu’il faut faire. Nous sommes des bactéries qui desservent la cause de l’homme, s’il en est une. 

Les gens comme moi, ne savent pas ce que c’est de passer une vie à trimer, à en chier, sans jamais s’octroyer le moindre plaisir. Nous sortons, nous buvons à en mourir, nous nous défonçons permanemment. Nous refusons de voir ce qu’est devenu notre si beau monde, une merde ambulante qui n’a de cesse que de pervertir les gens qui y naissent. La thune est un danger, mais on se roule dedans, on la phagocyte, la fait notre,  et on la déverse comme une gerbe face aux yeux pantois de nos frères les pauvres. On se voile les yeux, encore et toujours, on avance quand même, ça fait un siècle que les gens vont et viennent, des siècles que les problèmes récessifs ne sont pas régler. Ouais, une bombe, ce serait la solution. Que tous les riches crèvent, que tous les pauvres viennent cracher dans le trou où l’on sera tous entassé. Le respect ne sert à rien, il n’est qu’une hypocrisie qui entraînera tôt ou tard l’envie et la jalousie. L’homme est un animal boiteux et foireux, une race bancale nécessitant de l’assistance tout au long de sa vie, j’en fais partie, de ces gens qui ont besoin qu’on leur foute leur caviar sur leur blini pour pouvoir le bouffer, sans l’apprécier, tellement on en a plein le bide. On est accros à tous ce que l’on crée. 

 

 

Nous voyons au loin s’éloigner les colonnes de fumée qui remontent vers les cieux, Versailles est en cendre, notre monde en Ruine. Les ronflements du V8 finissent par me détendre, nous allons quitter la France, et nous réfugier en Suisse, le temps que la révolte s’étouffe. Je n’ai plus rien, si ce n’est un compte à la Winterthur-Banque en Suisse. Les abords de Paris ne sont qu’un amoncellement de ruine. Rueil-Malmaison n’existe plus, entièrement incendié. 

 

 

Elégie à un monde mort, déjà à moitié pourri qui suinte et tousse comme un pestiféré, une merde sans but qui erre incessamment dans les rues sordides qu’il a fait élever. Les riches ont vraiment tout foutu en l’air, à commencer par leurs descendants, qui n’auront comme cadeau de bienvenu qu’un tas de fumier gelé, et comme eau de baptême que la pisse d’un tuberculeux en train de crever. 

Les feuilles des arbres tombent encore et toujours, les gens dans cette putain de boîte fument et consument leur vie qui à leurs yeux si candides ne vaut rien. L’avenir est lu dans la coupe de champagne que l’ont vient de finir, et parce que l’on aime vraiment la vie, et que l’on est curieux, on en reprend une. L’ivresse est la seule chose qui nous est permise. Le bonheur est trop difficile à avoir puis à garder. La vie est incompréhensible, on a, je pense tout gâché très vite. A moins que le monde eut été à la base vicié, qu’il ne puisse pas dès son achèvement fonctionner. Je ne sais même plus pourquoi je vis, j’ai l’impression de traîner ma carcasse des heures durant, sans but premier, sans envies, et sans futur. Les riches comme moi, n’ont comme leitmotiv que de rester aussi riche et aussi beau, sans que rien ne change. La juste répartition des richesses est pour nous synonyme d’inégalité, et nous ne souhaitons qu’une seule chose,  qu’il en soit ainsi, pour toujours. 

Dehors, des centaines de badauds désœuvrés reluquent  nos caisses qui représentent pour eux 10 ans de salaire, reluisantes. Ils ne se rendent pas compte que nous sommes tous ces enfants d’actionnaires qui avaient 40 ans avant poussés les plus grandes entreprises à leur verser leurs juteux dividendes, ceux qui les avaient définitivement rendu pauvres. Ils sont en train de regarder l’origine de leur misère, la mère-création de leur pauvreté si courante. Et tout est ainsi, ils ont beaucoup moins de haine pour ce que l’on a, car ils en rêvent. 

Nos vies sont tristes, et sans but, oui, même dégueuler sur les pauvres ne nous amuse plus. Le golf le dimanche ne veut plus rien dire sans qu’il ne faille se frayer un chemin dans la foule immonde des mendiants venu récupérer au moins 20 centimes pour pouvoir avoir l’impression d’avoir de l’argent. Maintenant les parkings sont vides, et ne sont remplis que de grosses cylindrées qui ne servent plus à rien, puisqu’il n’y a plus personne pour que l’on puisse frimer. Le fantasme séculaire de vivre entre nous s’est réalisé, ça n’a aucun intérêt. 

Et je pleure, jours et nuits, défoncé et bourré, je ne sais même pas pourquoi je pleure, mes amis sont heureux, eux. Nous sommes une génération détruite, rasée nette, qui ne sait pas quoi faire, et qui vacillant, comme nous le soir, imbibés de champagne et de vodka va se rétamer sur le trottoir et pisser le sang. 

Le piteux fréquente les beaux quartiers, il les embrasse et les fait vivre, quoi de plus normal que tous ici soyons atteint par ce mal de vivre si récurant ? 

J’en ai même perdu la voie. Et j’aimerai perdre la vue pour ne plus avoir à voir ce que nos les riches faisons comme merde sur notre monde. 

 

Je vois au loin l’aéroport du Bourget, transformé pour l’occasion en fort, les jets sont côte à côte, prêts à décoller pour survoler une fois de plus la misère que nous avons créée. Tout avait commençait par des petites échauffourées  dans la rue le soir, puis vint le temps des milices organisées qui partait à l’assaut des quartiers chics pour y insuffler leur haine. Le Boulevard des Belges à Lyon fut le premier à être incendié. La France s’embrasait, nous nous fuyions. 

Les pauvres sont plus nombreux, nous plus riches. Mais on avait perdu. Nous étions responsables de tous ce qui s’était passé. 

Les gueules sales et puantes, les gueux devenaient de plus en plus patibulaires. Inquiétant, en sortant de l’opéra nous étions confrontés à ce que seul les romans de Victor Hugo ou de Zola laissait imaginer. Une pauvreté médiévale, où démunis rime avec oublié et exclu. La pauvreté moderne, ce devait être celle-ci, une pauvreté ou les plus riches des pauvres avait la chance de manger une fois par semaine, et où le plus démuni des pauvres se faisait butter par ses congénères pour pouvoir le bouffer. Les grands vices catholiques et les tabous ancestraux ne sont fais que pour des gens qui n’ont presque plus que ça à penser, pas pour les gens qui se demande comment ils vont survivre demain.

Même les ruines de notre monde sentent la merde. 

Le moteur du jet me fait monter dans ma tête les images de ma vie passée. A priori nous allons tous aller sur un yacht géant au large de la bretagne. 

Les femmes faméliques assises entre les porches opulents de nos immeubles,  maigres et pâles, souvent enceinte, la misère est féconde. A la fin nous étions obligés de sortir accompagnés de garde du corps, pour ne pas nous faire agresser puis assassiner. Un autre des plus grands génocide allait commencer à ce moment là, celui des pauvres, puis celui des riches. 

 

Les ressentis les plus effrayants, faits de violence et de destruction se combinent un à un pour enfin expliquer pourquoi l’absurdité de notre monde en est arrivé à ce terme horrible et abjecte, j’ai envie de nous voire propulser contre la vitre d’un magasin, buttés comme des vraies merdes par un camion poubelle. Une bombe à l’opéra Bastille, lors de la première de Lakme – boom – une centaine de cancrelats en moins. 

 

 

 

L’air est jaune, la réalité fuit…

 

Au Bourget flotte une atmosphère stupide, une réalité falsifiée, comme trompée par l&rsq

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