2 - PADI, La Foi en Dieu
Doris Dumabin
Je sais pourquoi vous voulez croire en Dieu…
Vous ressentez quelque chose en vous, une force qui vous fait agir, qui vous pousse…
Vous ne vous dites pas que cette énergie provient de vous, mais qu'elle vient d'ailleurs pourquoi ?
Vous souhaitez donner du pouvoir à des hommes qui se disent "lien" entre le ciel et la terre. Certains vivent soit disant dans le dénuement, en communauté homosexuée, et nous interdisent de vivre comme des êtres vivants normaux, pour vous démontrer quoi ?
Rien il me semble.
Ils détiennent alors un pouvoir bien plus grand que n'importe quel souverain serti d'or, le pouvoir de vous manipuler…
Pas de grandes manipulations mais de petites choses du quotidien qui vous semblent logiques, et qui le sont la plupart du temps, mais ils vous forcent à penser comme eux, à intégrer des dogmes comme étant des diktats d'un Dieu inventé par qui selon vous ?
Par eux.
On peut cependant porter à leur crédit qu'ils ne savent même pas ce qu'ils font.
Ils reproduisent des schémas qui traversent les siècles. Des rites qui ne font que gagner en force magique avec le temps, on les a tellement entendus qu'on ne sait plus qui en est à l'origine…
Mais on commence à les intégrer comme une composante culturelle de la société dans laquelle nous vivons.
Pourquoi sommes-nous en 2013 alors que l'homo erectus laisse son empreinte dans l'Histoire depuis plus de 1 300 000 ans ?
LiélosAïos
O Aïos, étoile principale
o Ariane
O Liélos, étoile centrale
o Toge
o Gayalin'Ourar Katalirque
o P-248
o Nétadia
o Smirée
Galaxie de l'Étoile Blanche, schéma du système LiélosAïos, tel que nous le connaissons aujourd'hui.
NB
> : Lors des dialogues indique que le personnage précédent reprend la parole…
" : Échanges télépathiques
Ariane
Une révolution de vingt quatre heures. Un mois de trente jours. Dix mois. Soit trois cent jours pour une année arienne. Sur la planète Ariane, à douze heures de jour succédaient douze heures de nuit. Douze heures réservées à l'emploi et douze autres, acquises au repos… lorsque la situation financière de l'habitant lui permettait de suivre ces cycles de vie. À la dernière heure de la nuit les arians se réveillaient et se préparaient à commencer la première heure du jour, de même qu'à la dernière heure réservée à la journée, ils savaient que viendrait avec bonheur la première heure de la nuit. Le début de la période de jour ne marquait nullement de changement significatif, car la planète Ariane était la seule placée entre l'étoile centrale Aïos, et Liélos, l'astre secondaire de son système. Sur Ariane il faisait donc une constante pénombre et une température moyenne de 22°C, mais le sol aride ne permettait la croissance que de peu de végétation, et ceci sur un seul continent. D'un côté un désert nommé Plogshin, et une partie constructible qui constituait la cité de Kira.
1*La Mission
Les ryax.
Un guerrier ryax appartient à une classe supérieure à celle d'un soldat. Son influence ainsi que son pouvoir de décision supplantent ceux d'un chef d'État. Il dépend du centre Yalt, totalement indépendant de celui de l'armée de la planète Ariane de la Galaxie de l'Étoile Blanche. Yalt est implanté à partir du niveau 203 de la tour présidentielle du secteur 1, au cœur même de la cité de Kira. Ce seul centre intergalactique forme les élèves ryax sélectionnés sur toutes les planètes du monde connu. En passant les tests d'entrée, chaque guerrier accède d'abord au niveau 1, sauf s'il est évalué à un niveau supérieur. Après une formation à la fois pratique et théorique de six ans, correspondant aux différents niveaux d'apprentissages, le ryax doit conserver l'échelon N6 durant dix années successives, avant de passer à nouveau des tests de gradation afin de prétendre à la fonction suprême de maître djin. Ces guerriers de classe djin sont les garants des libertés universelles selon les règles des Internations et de l'Union des Systèmes Solaires Associés, U.S.S.A. Lors de la cérémonie de gradation des N6-10, les nouveaux ryaxdjin reçoivent leur affectation de mission…
Ordre de mission.
- Un ryax niveau 1 !?
La pièce, à l'éclairage soigné, comprenait divers meubles usuels aux différents tons de gris. Une pièce simple, neutre, fonctionnelle. Elle ne comportait aucun élément de décoration pictural, floral ou mobilier. Une pièce froide et impersonnelle dans laquelle l'aspirant djin avait pourtant eu hâte de se trouver quelques instants plus tôt.
- De mon temps, les ryaxdjin n'avaient pas l'audace de remettre en question leurs premières missions.
Contrit, Padi se demandait s'il avait froissé le maître. Au ton que celui-ci employait en général, face aux élèves récalcitrants, il comprit qu'il avait quelque peu dépassé les limites.
- Maître Bovxka, ne vous méprenez pas, je suis très heureux de... de pouvoir remplir cette mission. Mais il me semble que mes autres compagnons ryaxdjin ont pu entraîner des ryax beaucoup plus performants. Les niveaux 1 sont réservés en général aux... instructeurs de Yalt. Je me pose simplement la question à voix haute. De plus... un seul élève... c'est peu commun.
- Maître Padi Énouha, ryax 47 M305, commença Sélèmn l'air grave...
Sur ces mots, il se leva lentement de son siège avant de se placer face à son ancien élève, les mains derrière le dos. Il exhalait une certaine majesté, sa longue chevelure grise, dont deux longues mèches totalement blanches sur les tempes filaient jusqu'aux mollets, ne semblait pas l'incommoder outre mesure dans cette posture qu'il affectionnait tant.
Padi quant à lui, debout bien droit, le regard fixe, s'étonna encore une fois de s'entendre appeler maître. Il venait seulement de réussir sa gradation. Après dix ans de bonne conduite, de missions complexes en missions de routine, il avait réussi à passer le niveau supérieur. Peu d'entre eux y arrivaient, mais lui, avait tout orienté dans ce but. Outre ses états de service irréprochables, il avait observé une conduite digne et respectable. Une hygiène de vie stricte, évitant le moindre écart. Durant dix ans. Et ses efforts avaient payé. Il était fier de sa réussite. Il se remémora d'ailleurs le bonheur de ses parents à l'annonce de la nouvelle. Encore incrédules, ceux-ci ne cessaient de le féliciter avec une perceptible émotion.
>[1] Cette mission est de la plus haute importance pour Yalt. Vous avez été choisi parmi des dizaines de candidats afin de vous rendre sur P-248.
- P-248 ?! ne put s'empêcher de relever avec effroi le nouveau maître ryax de niveau djin.
Sélèmn Bovxka leva un sourcil de mise en garde. Penaud, Padi baissa immédiatement les yeux. Il se tança d'être intervenu. Il ne voulait surtout pas paraître insolent devant l'un des plus grands guerriers ryaxdjin de tous les temps. Un djin qui avait mené à bien de nombreuses missions, parcouru la galaxie entière, étendant sa renommée au delà de leur système solaire et qui enseignait désormais son savoir aux meilleurs élèves du centre Yalt. Membre du nouveau conseil dirigeant de leur planète, aucune assemblée ne prenait place sans lui. Chacune de ses décisions témoignait de ses qualités d'être pensant, il restait juste et réfléchi en toutes circonstances.
- En effet maître Énouha, reprit-il, votre mission se déroulera sur le Continent Hutak auprès de votre protégé. De plus, il semblerait qu'il y ait sur cette planète, plusieurs spécimens à sélectionner, éventuellement susceptibles de passer les tests d'entrée à Yalt...
En général le centre galactique d'apprentissage des guerriers ryax, situé au niveau 203, secteur 1 de la cité de Kira, faisait passer les tests directement sur la planète Ariane. Les candidats y séjournaient pour endurer deux périodes de jour de test, ainsi qu'une période de nuit en communauté, pour évaluer leur caractère et leur sociabilité. Et enfin, les aspirants se présentaient seuls. Mais Padi ne fit pas l'erreur de le souligner. Il accepta les instructions de Sélèmn sans plus manifester son abattement.
Les nouveaux ryaxdjin quittaient au fur et à mesure les cellules dans lesquelles ils étaient reçus pour les affectations de mission, ainsi que pour les félicitations d'usage. Les plus expressifs sautaient de joie, alors que les autres lissaient leurs nouveaux habits de fonction comme parés d'une toute nouvelle importance. Padi, lui, sortit de la pièce qu'il venait d'intégrer en grimaçant. Un échec de sourire. Aniel, son meilleur ami, sentit immédiatement que quelque chose n'allait pas. Ses yeux ambrés, à la pupille ovale et verticale, pétillaient de malice. Il conserva un sérieux relatif durant tout le récit de son compagnon de toujours, mais ne put réfréner un bruyant éclat de rire à la fin du compte-rendu de celui-ci. Il connaissait Padi par cœur. Ils s'étaient liés d'amitié dès le premier jour de leur arrivée à Yalt. Avec d'autres, il avait mis plus de temps à créer des liens, alors qu'avec Padi le courant était passé dès le premier regard. Ils s'entendaient à merveille sans même se parler. Après tout ce temps, Aniel arrivait à prévoir ses réactions et décodait son humeur dans le moindre de ses gestes. Padi était idéaliste. Il avait mis sa vie personnelle en suspens pour se focaliser uniquement sur son travail. Aniel comprenait aisément que, suite à une décennie passée à observer une multitude de restrictions exagérées, son ami espérait obtenir son titre avec le respect et les honneurs mérités… pas avec cette responsabilité à minima qu'il prenait pour une punition injustifiée.
- Ne t'en fais pas pal[2], je suis certain que la recrue en vaut la peine. Tu sais, d'années en années, il y a de plus en plus de ryax. Des centaines. Ils pensent même ouvrir un autre centre Yalt à l'autre bout de notre galaxie. Les chefs d'États des Internations sont en pleines discussions à ce sujet. Il est normal qu'il n'y ait pas assez de missions pour chacun d'entre nous, et heureusement, car cela voudrait dire que le monde se porte mal. Notre promotion ne compte qu'une trentaine de maîtres djin pour encadrer tous ces élèves.
- Justement, combien as-tu de protégés, toi ? questionna Padi peu convaincu.
- Heu... seize. Mais le nombre ne compte pas Padi ! Tu verras, nous allons bientôt tous t'envier. Entraîner autant d'élèves ne sera pas évident pour nous...
- Combien en as tu de niveau 1 ? demanda encore Padi.
Au silence d'Aniel, Padi supposa qu'il devait être le seul ryaxdjin à jouer d'autant de malchance.
> À croire qu'ils n'ont pas confiance en moi, se plaignit-il en se passant nerveusement la main dans les cheveux.
Aniel, amusé, dévoila ses canines pointues.
- On s'demande pourquoi ? plaisanta-t-il en posant une main fraternelle sur son épaule.
- Croire en Dieu n'est pas une incapacité psychologique de ma part à pouvoir analyser des situations sérieuses et complexes. Je sais faire la part des choses.
- Oui je sais pal, mais il y a à peine un pour cent d'êtres pensants intelligents dans la galaxie qui ont une approche non scientifique et complètement farfelue de...
- Ma façon de penser ne remet pas en cause mon travail. Je te le répète, je sais faire la différence entre l'évolution technologique, scientifique, génétique...
- Hey Padi ! Pourquoi fais-tu cette tête ? se moqua Alame en passant près d'eux.
Padi ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel, alors qu'en même temps Aniel affirmait que tout allait bien. Plusieurs nouveaux djin se rapprochèrent de leur groupe et bientôt tous surent exactement pourquoi l'imposant guerrier faisait grise mine. Et bien sûr, tous le plaignirent en apprenant la nouvelle... ce qui n'améliora pas son humeur.
Croire en un dieu, passait pour la plus grande "déficience" du ryax Padi Énouha. À son arrivée à Yalt, seize ans plus tôt, ses camarades s'étaient tout de suite moqués de lui. Personne de nos jours, n'avait encore l'infime crédulité de s'imaginer l'existence de divinités, de créatures fantastiques omniscientes et omniprésentes, des êtres qui avaient soi-disant tout créé, alors qu'il existait une réponse logique et scientifique à toutes les questions métaphysiques de l'Univers. Ces croyances, datant des premiers êtres pensants ayant peuplé la galaxie, faisaient figure de passéistes. Aucun mortel ne pouvait décemment conceptualiser ce genre de notion au regard de toutes les avancées du monde connu. Sauf Padi, qui continuait à déceler des signes dans le moindre événement fortuit et qui priait quotidiennement dans l'espoir que tous les membres de son entourage trouvent le bonheur. Prier pour obtenir un élément concret... quelle idée ! Un acte vain et futile dans l'attente d'une situation précise qui dépend de multiples variables quantifiables et qualifiables.
Padi s'installa dans un salon de communication privé réservé aux personnalités d'Ariane. Une pièce feutrée, insonorisée et confortable à laquelle il avait désormais accès. Le mur incurvé face à lui réfléchissait actuellement chacun de ses gestes. Une fois la communication établie, la surface miroitante lui dévoilerait en taille réelle ses futurs interlocuteurs. Qu'allait-il bien pouvoir dire pour leur expliquer la situation ? Il se pencha en avant, posa ses coudes sur ses genoux en joignant les mains devant lui. Il observait ses bottes anthracite, d'une propreté absolue, dont la couleur s'accordait à la perfection à son pantalon seconde peau. Ce dernier lui permettait d'effectuer tous les mouvements nécessaires à son activité de ryax, mais il ne trouverait pas dans sa contemplation la réponse à sa question.
Il releva la tête, prêt à affronter les objections qui allaient certainement fuser. Il aurait voulu changer son regard indécis et perplexe en une attitude qui paraitrait plus affirmée. Ses longs cheveux sombres dépassaient de sa nuque, reposant sur ses larges épaules. Les mèches avant qui retombaient en courbes devant ses yeux, témoignaient de sa manie de les positionner derrière ses oreilles. Il tenta de sourire mais seul un rictus étira un coin de sa bouche. Il fit glisser ses paumes moites sur toute la longueur de ses cuisses musclées en inspirant bruyamment. Puis, il enclencha la télétransmission et se retrouva dans le salon de sa mère.
- Padi ! s'exclama une voix chaleureuse. Je suis si heureuse de te voir.
- Mali, soupira-t-il avec bonheur.
- Qu'y a t-il falèl[3]?
Voilà. Rien à faire. En un seul mot. Sans le vouloir, il avait retranscrit ses sentiments. Il porta le regard ailleurs, histoire de masquer son trouble mais sa mère le connaissait par cœur. Elle savait déceler ses pensées dans la moindre de ses réactions.
- Tout va bien Mali, c'est... une journée perturbante, tu peux le comprendre j'imagine ? Où est Raji ?
Sa tentative de diversion ne passa évidemment nullement inaperçue. Sa mère leva un sourcil sceptique puis se détourna de lui pour réagencer les coussins d'un siège à ses côtés. Ceci fait, son éternel chignon se défit et le bâton métallique qui le retenait chuta sur le sol en un doux tintement. Padi sourit. Ce bruit caractériserait à jamais sa mère. Depuis aussi loin qu'il se souvienne, elle portait cette coiffure. Elle la trouvait pratique, alors que cette boule de cheveux sombres, noués bas sur la nuque, ne cessait de se défaire au moindre geste.
Petite et vive, sa mère eut tôt fait de récupérer son bien. Elle glissa ensuite le pic ouvragé entre ses lèvres en marmonnant que son père était absent. Padi croisa les bras sur sa poitrine en levant un sourcil très noir, fourni et parfaitement dessiné. Naturellement parfaitement dessiné. Sa mère lui jeta un regard en biais en reformant son chignon.
- Padi, le gronda-t-elle gentiment. Ton père ne pouvait pas attendre ta connexion plus longtemps. Tu sais bien qu'il devait partir. Le métier d'un collecteur est...
- Je sais Mali. Ce qui me sidère, c'est tout ce qu'il y a encore à découvrir sur Ariane. Après toute une vie de recherche, de comptage et de classement de la flore et la faune ariennes, j'ai du mal à imaginer qu'il y ait encore des choses à répertorier.
- Alu vous deux ! Vous parlez encore de l'absence de Raji ?
Sans s'en rendre compte, le visage de Padi s'éclaira. Son facétieux petit frère venait d'entrer dans la pièce principale de l'habitation de ses parents.
> Bon, il faut dire qu'il y a tellement de mutations que si ça s'trouve, il ne découvre rien de nouveau, c'est juste le même truc qui s'est transformé depuis la dernière fois qu'il est passé.
Un rire général accueillit cette remarque farfelue.
- Nardi, ton imagination devient chaque fois plus impressionnante, railla Padi.
- Et encore pal, je ne t'ai pas parlé de ma théorie de la migration ! Je pense à une organisation extraarienne qui ferait exprès d'intégrer de nouvelles espèces ici pour que Raji puisse...
- Les enfants ! Je veux bien continuer à discuter de la passion de mon époux mais pas pour m'en moquer. C'est grâce à lui que nous avons tous ce train de vie. J'apprécierais que nous changions de sujet.
- Oui "M" tu as raison, pardon. Sans lui, Padi ne serait pas le grand guerrier ryax, maître djin, sauveur de l'humanité… proclama Nardi avec emphase.
- C'est bon Nardi, n'en rajoute pas non plus. Je suis toujours ton frère et c'est ce qui compte.
Mali sourit en observant tour à tour ses garçons. Amali, sa cadette n'allait pas tarder à rentrer avec son mari et ses deux enfants ; puis viendrait l'épouse de Nardi, sa belle-fille Luna, avec leur fille Amalia. En attendant, ses deux fils se taquinaient joyeusement. Ils se ressemblaient énormément. Seule la carrure les différenciait. Du fait de son activité, Padi était deux fois plus imposant que son artiste de frère, alors que ce dernier, avec ses cheveux courts agencés artistiquement, portait des habits beaucoup plus stylés et colorés.
- Padi !!!!
Comme si penser à eux avait permis de les matérialiser, Nat, Amali et leurs fils pénétrèrent dans l'appartement.
- Il faut dire "oncle Padi" les enfants ! corrigea leur mère en riant. Alors mon frère adoré comment vas-tu ? Remis de tes émotions ? Quand je pense que tu es ici avec nous et que je ne peux pas te prendre dans mes bras ! Quand est-ce que tu viens nous voir ? Tu vis encore avec nous, non ?
- Oui oncle Padi, il faut que tu nous apprennes un nouveau tour, renchérit Léo.
- Léo n'arrive même pas à déplacer un stylet et il veut déjà faire passer la main au travers sans casser les molécules...
- Tarixe, ne dénigre pas ton petit frère devant les autres. Chacun prend le temps qu'il faut à son apprentissage. Je te rappelle qu'à ton âge, ton oncle ne maîtrisait pas encore le franchissement d'objets inanimés. Chaque chose vient en son temps.
- Alu à tous ! chantonna alors une voix musicale.
Nardi se leva précipitamment pour enlever Amalia des bras de la nouvelle venue. Grande et svelte, Luna se déplaçait avec grâce. Toujours vêtue à la dernière mode, son charme irradiait littéralement lorsqu'elle entrait dans une pièce. Pourtant, en ce moment, elle faisait la moue, les poings serrés posés sur les hanches. Sans le remarquer, Nardi souleva sa fille à bout de bras
- Comment va mon aimée ? s'enthousiasma-t-il.
Luna fit la grimace et répondit, à la place du bébé, qu'elle se portait à merveille. Honteux d'avoir si facilement occulté sa femme, Nardi l'enserra de son bras libre.
> Ma merveilleuse femme, ne m'en veux pas, tu sais bien que je t'adore.
Luna contint difficilement un sourire, puis finit par lui accorder un baiser. Elle se tourna ensuite vers leur module de communication domestique.
- Alu Padi. Tu es tellement beau avec ce costume, j'étais certaine depuis le début que je me trompais de frère, glissa-t-elle.
- Ma belle, ne m'utilise pas pour rendre mon frère jaloux, sinon il risque de se venger à nouveau en me peignant totalement nu, tout en tronquant certaines parties de mon anatomie.
Tous éclatèrent de rire.
- Je devrais refaire ce dessin. Je l'ai vendu à prix d'or. Maintenant que tu es djin, il prendrait encore plus de valeur.
- J'accepte seulement, si tu avoues enfin, que tu as exagéré les proportions de mes attributs, à la baisse, la première fois.
Leur beau-frère, Nat, s'esclaffa alors que les femmes levèrent les yeux au ciel.
- Oh, j'ai fait selon mes souvenirs, donc c'est fidèle à la réalité.
- Moui, sauf que la dernière fois que nous nous sommes retrouvés tous les deux dans le plus simple appareil, j'avais neuf ans ! Et l'homme que tu as peint il y a quelques années en avait vingt-cinq !
Nardi se mit à jouer avec sa fille comme si cette discussion ne revêtait aucun intérêt à ses yeux.
> Nardi ! insista son frère.
- Ouais, j'avoue, mais si ça s'trouve t'as pas du beaucoup changer depuis.
- Parle pour toi ! ironisa Padi.
Mali mit tout de suite le holà à cet échange, car même s'ils s'asticotaient gentiment, cela pouvait durer des heures.
- Padi a quelque chose à nous annoncer..., commença-t-elle.
- Mais on sait déjà qu'il a réussi son épreuve, et qu'il est djin, bougonna Nardi... et on vient d'apprendre qu'il a un plus gros...
- Nardi !!! lancèrent les femmes offusquées.
Nardi marmonna la suite dans sa barbe, ce qui fit glousser sa fille de six mois.
- Non, s'il n'y avait que ça, Padi ne serait pas aussi tendu. Il y a forcément autre chose. N'est-ce pas mon fils ?
Padi se leva et avança de quelques pas vers eux. Inutile de nier ou d'attendre plus longtemps. Il observa tous ces visages aimés, suspendus à ses lèvres. Il se passa la main dans les cheveux. Ceux-ci revinrent sur son front, masquant à moitié son regard. Il avala sa salive en se demandant comment leur annoncer la nouvelle. Résolu, il redressa la tête, campa ses deux pieds solidement au sol, puis plaça ses mains dans le dos exactement comme Sélèmn. Il était ryaxdjin désormais.
- Je vais devoir partir vivre une année sur P-248... mon affectation est sur Hutak.
[1] > : Le même personnage reprend la parole
[2] NDL : terme affectueux pour désigner un ami
[3] NDL : Mot tendre pour exprimer son affection
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