Page blanche
Victor Lucbernet
Page blanche
On a tous des peurs différentes qui nous hantent,
On ne décide pas de ce qu'on écrit dans nos vies brûalntes,
Beaucoup trop d'histoires que l'on cache par peur,
Nos sourires sont trompeurs et nos soupirs sont révélateurs.
Il regarde ses pieds, longe les murs dans la cour de récréation,
Il est seul, habitué aux coups dans le ventre et aux réflexions.
Traumatisé quand son réveil sonne,
Il est l'heure pour lui d'y retourner, brave écolier,
Compter les heures sur ses doigts, ne pouvoir compter sur personne,
Ses parents ont peur, lui aussi, il n'ose pas en parler.
Le week-end comme unique recueil,
L'amitié et la fraternité dans le cercueil.
La morale a quitté la maison, tant de douleur depuis des mois,
Il aimerait pouvoir crier à l'aide sur tous les toits.
Se répéter « pourquoi moi »,
Son miroir triste lui répond « pourquoi toi »,
Apeuré constamment, un sentiment devenu trop commun,
Blessé sans consentement, la solitude le tien par la main,
Un pansement de venin posé par des élèves malsains,
Sur ses traumatismes qui s'agrandissent un par un.
Il voudrait passer de victime à quelqu'un,
Mais le trac et la hantise ne font qu'un.
Perdre l'envie de faire confiance,
Faire de la douleur son alliance.
Souffrir du regard des autres, s'ouvrir la peau jusqu'au sang,
Et n'en garde que la cicatrice du harcèlement.
(~10ans)
Il regarde ses pieds, boule au ventre lorsqu'il parle de son identité,
La peur de se faire insulter,
Aimer les hommes n'a jamais été contre nature ou un problème,
Avec son copain, malgré les épreuves, l'amour reste indemne.
Préjugés beaucoup trop ancrés dans cette société,
Où homme et femme mariés doivent absolument triompher.
Obligé de manifester pour ses droits,
Oublier de manigancer avec le diable dans la tête de ses parents pour le voir le soir.
Il débat avec des personnes qui ne peuvent pas le comprendre,
Il prend peur, il se rappelle qu'un jugement peut transformer sa gaieté en cendre.
Ses parents tristes qui aurait aimé voir une famille qu'ils disent idéale, l'espoir s'éteint,
Dans sa bulle, il est amoureux d'un autre et le cri fièrement aux siens.
Il craint de décevoir ses proches, il redoute qu'ils ne lui accordent aucune clémence,
Pour lui la réussite c'est l'insignifiance face aux différences,
Et les assumer avec insouciance.
(~16ans)
Il regarde ses pieds, pensant vivre dans la vérité,
Mais la réalité c'est qu'il a peur, tellement peur de vivre dans l'erreur.
Il retarde ses pensées sombres, à la recherche de clarté,
Mais rien n'y fait. Il refuse de dévoiler ce qui se cache dans son coeur,
Risquer de montrer sa vérité profonde au grand jour, par erreur.
Il encaisse les gifles, accepte une violente rupture en douceur,
Il n'a pas honte de dire que sa rancœur se mélange à ses pleurs.
Peur de faire confiance à nouveau, peur d'encore croire en un couple impur.
Depuis, il s'est perdu et dans ses recherches il perdure,
L'heure tourne et la vie défile à toute vitesse,
Les mœurs du temps ne sont pas de guérir nos tristesses.
Les murs l'entendent exprimer sa colère en silence contre sa feuille,
Les morts l'écoutent essayer de se taire, d'enterrer son amour et d'en faire son deuil.
Les mots ne ferront pas remonter son couple des abysses tant qu'elle y renonce,
Les mures cachées des ronces, les souvenirs abîmés par les disputes s'enfoncent.
Faire vers elle un pas un avant, puis immédiatement,
En faire deux en arrière, quel effroyable sentiment.
Il aimerait apercevoir une issue de secours pour l'oublier, élargir sa vision,
Sachant qu'il n'arrive même pas à voir plus loin que la première lettre de son prénom.
Laisser son meilleur ami qui réside dans sa tête, l'enfant craintif,
Chétif, peur de mettre ses idées noires sur haut parleur, ne parler d'elle qu'au passif.
Il laisse déborder le vase remplit de larme par la peur de trop,
Il l'imagine avec un autre, la rage s'installe comme un cheval de Troie,
Courir sur la voie de la sérénité en sens inverse, il croise son sourire s'enfuir au trot.
L'au revoir devient un adieu, l'or ivoirien ne vaut rien contre ses bras.
(~20ans)
Il regarde ses pieds, il passe juste à côté d'elle,
Ses pensées s'emmêlent,
Ses mots font l'effet d'un pêle-mêle,
Il aimerait que ce soit lui qu'elle appelle.
Face au labyrinthe des façons pour que sa présence l'interpelle,
Ses idées s'entremêlent.
Mains moites, une route étroite pour atteindre ses prunelles.
Il espère qu'elle ne le regardera pas mais il fait tout pour, à l'intersection de la ruelle,
Il n'ose pas l'arrêter, muet face à une aquarelle, yeux aux couleurs du ciel.
Les regards se mélangent de façon accidentelle,
Son cœur bat vite, il sent que sa peur le scelle.
De l'université à l'école maternelle,
Du pas à l'odeur, de la voix à l'oreille, l'image de son visage fait la courte échelle.
Sa timidité effrayante le martèle,
Qu'importe l'indice l'emmenant à sa citadelle, il sait que c'est elle.
(~22ans)
Il regarde ses pieds, yeux cloués au sol,
Mieux seul, la joie cachée par ce parasol.
Éviter le regard des autres comme unique échappatoire,
Extirper leur image, déchirer les souvenirs d'eux, il aimerait avoir ce pouvoir.
Pour lui la rencontre des autres a perdu son sens,
Il aimerait découvrir l'amour et l'amitié avec insouciance,
Donner sa confiance, sachant d'avance qu'il gardera dans sa tête la défiance.
Son entourage dit qu'il est différent et il en a conscience,
Cinq sens mais lequel prendre, un humain bloqué dans une incompréhension immense.
Il pense qu'on rira de lui, il reste lui-même sans se connaître,
C'est quand son miroir lui a demandé ce qu'il vallait qu'il a vu sa peur naître.
Devenir un poisson qui reconnaît ses semblables, même en eau trouble,
Revenir au poison qu'il prenait, les deux mains glacées, il voit sa vie en double.
L'avenir à tâtons, avancer sans prévoir de quoi demain sera fait,
Le soleil n'éffacera pas l'ombre du doute qui le suit, personne n'est parfait.
Qu'il soit minuit ou midi dans sa tête il fait toujours nuit,
Pour ce garçon, sa peur des autres est devenue une partie de lui.
Entouré de ses amis,
Devant ses bougies,
Son seul cadeau est un vide à couper le souffle,
Un sourire accompagné d'une larme qu'ils pensent joyeuse alors qu'il souffre.
(~25ans)
Elle regarde ses pieds, la nuit est déjà tombée,
Dans sa tête, chaque bruit autour d'elle lui rappelle ce jour où son âme a été piétiné.
Appeler un ami imaginaire devenu sa meilleure alternative,
Mais rien n'empêche la détermination d'un homme venu des enfers,
Quoi qu'il en soit, rester positive,
Quoi qu'il lui dise, se taire est la meilleure chose à faire.
Chaque soir lui rappelle ce sombre souvenir, quand elle marche seule,
Chaque fois qu'elle appelle les anges quand elle se sent veule.
Craindre qu'une main se pose sur son épaule,
Frayeur qu'un humain s'interpose à elle, son seul témoin est ce chat qui miaule.
Devoir déposer une main courante était pour elle devenu courant,
Vivre dans un coin sombre malgré la Ville Lumière, courir yeux fermés, droit devant.
Le regard d'un homme plein de bonté interprété en menace,
Les bonnes et mauvaises pensées s'enlacent.
Son sourire s'efface,
Sa peur omniprésente l'empêche de voir la vérité en face,
Le moindre compliment qu'on lui fait l'agace.
Une barrière contre le genre masculin se construit, la confiance se casse.
(~30ans)
Il regarde ses pieds, joint entre ses doigts,
Seul dehors dans le froid,
La lune le plonge dans des visions obscures et terrifiantes,
Allumer son briquet pour sécher ses larmes insignifiantes.
Il suffit qu'il inspire la fumée pour que ses peurs montent en lui,
Saura-il sortir du fond de ce puit.
Il a vu l'échelle sortir de la bouche de ses amis qui lui avait dit « on est là »,
Répondre à ses interrogations par des questions, caché sous ses draps.
Sentiment de vide dans son cœur, dans sa vie, dans sa tête, dans ses yeux,
Malheureux, il se dit que seule cette flamme à sa bouche l'aide à aller mieux.
Enfant fragile abîmé par ce qui l'entoure, ce qu'il voit,
Pensant trouver son pansement diabolique, brûlant, le laissant sans voix.
Se diriger vers cette voie de destruction autonome,
Là où sa beauté intérieure vivra d'aumônes.
Ses amis disent que sa personne en devient une autre,
Ses apôtres qui lui disent d'arrêter pendant qu'il récitait ses patenôtres.
Son téléphone vibre, son cerveau vrille,
La raison bloquée derrière la grille.
Prendre goût à manger le fruit de ses réflexions,
Prendre goût à se détruire et se laisser dépasser parses émotions.
Plongé dans sa tête, suivre le malheur par sa diction,
Il aimerait remonter à la surface de son addiction.
(~30ans)
Il regarde ses pieds, peut-être pour la dernière fois.
Devoir courir dans le vent face à un mur mortel avec effroi.
Sortir sans parapluie malgré qu'il pleuve des balles,
Mourir sans penser à sa dernière pensée, devenu presque banal.
Tornade de violence, muni de son fusil, il court rejoindre la tranchée,
Le diable ne flanche pas, et il le sait.
Il fait pleuvoir son arme laissant apparaître le soleil au bout du canon,
Rien ne fera sécher ses larmes, sourire et joie en voie d'extinction.
Jeune garçon ne peut avoir confiance qu'en lui,
Parfois la tête dans les nuages mais l'âme dans le fond du puit.
Il a froid, expirer de sa bouche fait apparaître le brouillard,
Il fait nuit, dormir sous le bruit sourd des bombes et le jour se fait tard.
Ancien étudiant que seule la tempête le déconcentre,
Une boule constante au ventre.
Une balle passante lui rappelle que la mort peut arriver en avance,
Être en vie il s'en contente, se rappelant d'aujourd'hui jusqu'à sa naissance,
Allongé près des acanthes, il se demandent si tous ces gens ont conscience,
Que sortir du lit de nos deux jambes chaque matin est une chance.
Vision de son bateau, loin de la guerre, dans l'océan Pacifique,
Il ne court pas si vite, les mitrailleuses jouent de la musique.
La chair de poule se fait sentir avant le chant du coq,
Le monstre s'empare de ces hommes et les anges sont pétrifiés comme des rocs.
(~30ans)
Il regarde ses pieds, bloqué dans son lit d'hôpital,
La mort lui suggère son hospitalité,
La maladie lui propose sa dose létale.
Les bruits du cardiogramme vont bientôt s'arrêter.
À chaque seconde coule sur son front une goutte de larme turquoise,
Il sait que l'apathie et la chimiothérapie sont souvent siamoises.
Son sourire dans la tourmente, il se demande pourquoi lui, pourquoi déjà.
Ses regrets le hantent, il sait que rien ne les rattrapera.
Apprendre à dire de façon adroite qu'il passera l'arme à gauche,
Attendre que la mort le chevauche.
Son corps devient froid, son regard devient vide, ses visions s'émèchent,
Son cœur s'endurci quand il pense à sa fille à la crèche.
Quelques secondes, minutes ou heures si la chance lui sourit,
Le chat noir dévore les sourires, la lumière blanche s'assombrit.
La peur de ne plus jamais avoir peur,
L'erreur de ne pas avoir vécu ces moments avec ferveur.
Il aurait aimé voir ses rides apparaître mais l'horloge fait des siennes,
La couleur de la vieillesse d'une vie daltonienne.
(~40ans)
Elle regarde ses pieds, sa cigarette se consume entre ses doigts froids,
Elle n'ose pas rentrer car il risque encore de la passer à tabac.
La moindre phrase sort de sa bouche en tremblant,
Elle va au travail, aime faire semblant d'aller bien derrière son quotidien glaçant.
Un mari violent,
Les limites toujours repoussées, une relation à double tranchant.
Chien et chat ne font pas bon ménage, elle espère un jour se sentir mieux,
Son regard pleure mais elle préfère dire qu'elle a de la poussière dans les yeux.
Les bras, les jambes et la confiance couverts de bleus,
Elle joue la vie à deux, secrètement se confie à dieu.
Son jardin secret piétiné, la fleur bleue dans les ronces,
Récolter ce qu'elle a semé, son cœur fane si elle renonce.
Elle termine sa journée, ouvre la porte de l'enfer de sa maison hantée,
Il est là, il est énervé, chemin du bonheur entravé par la peur d'être frappée.
Crier à l'aide dans sa tête où il n'y a personne pour l'entendre,
Aura-t-elle encore la force de se battre au moment où seule la mort saura l'atteindre.
Elle fronce les sourcils au moindre mot tendre,
Marcher sur le piège, ses rêves brûlent et elle tente de raviver les cendres.
(~45ans)
Il regarde ses pieds, chaussures trouées,
Les cheveux qui pleurent et le cœur apeuré.
Lui qui était quelqu'un avant, une famille, des papiers,
Lui que les gens regardent comme s'il n'était qu'un déchet.
Il demande son sou pour espérer se protéger du froid,
Juste un bonjour, un regard, un espoir, quelqu'un qui le sauvera.
Monde silencieux, seul le bruit des rails du métro règne,
Les esprits s'endorment et son cœur saigne.
Chacun mène prudemment sa vie saine sans lui prêter attention,
Trop peu de réponse pour se remettre en question.
Sans abri, pauvreté, refus de paiement,
Ses rêves si éloignés des contes dictés par ses parents.
Ce soir, chanceux, il trouve un matelas abandonné,
Trou noir dans le ventre, seuls le froid et le trauma viennent le border.
Il espère à chaque regard d'un passant une petite pièce,
Peur foudroyante d'un corps face au torrent humain qui ignore ses faiblesses.
Depuis longtemps tombé aux oubliettes,
Il picore sa dignité réduite en miettes.
Il boit le poison froid pour que sa peine l'accompagne,
Repas à foison, foie gras, champagne,
Un ancien petit roi, un futur glauque l'attend, loin de la campagne.
Il perd ses esprits quand ses regrets le gagnent.
Dans ses cauchemars il rêve de partir loin de cette rue, ce maudit numéro,
Partir dans les montagnes, repartir de zéro.
(~50ans)
Elle regarde ses pieds, elle tricote pour passer le temps,
En attendant ses petits enfants, il est déjà l'heure du soleil couchant.
Elle ne compte plus les années passées,
Bouche cousue face à l'horloge, elle brode sa peur de rejoindre les endogés.
Elle oublie le fil conducteur de sa vie, la pelote arrive à son terme,
Voir d'un œil terne l'horloge, émue de devoir un jour quitter la terre ferme.
Une aiguille dans une botte de foin, une mamie sur la Terre au milieu de la foudre,
Qui sait d'avance que la mort passera à travers son dé à coudre.
La vieillesse est une laisse de soie qui la guide vers ses jours restants,
Les jambes en coton, marcher dans sa direction, elle regrette la demoiselle qu'elle était avant.
Petite face à l'école de la vie, un escalier en colimaçon,
Adulte face à la routine, attend la retraite par manque de force de gravir les échelons,
Vieille, face au moral dans les talons, se cache les yeux d'un bandeau en galon.
Elle reste muette devant ses rides,
Miroir ému, visage aride, regarde couler ses dernières larmes acides.
Elle ne veut pas rejoindre le ciel,
Mais la vie ne fait pas dans la dentelle.
(~75ans)
Il regarde ses pieds, perdu dans les rues de son esprit,
Sa peine habite en ses textes, à côté de lui son stress lui chuchote ses écrits.
Timide, il devient monsieur tout le monde quand il ne connaît personne,
Écrire pour éviter de parler quand la solitude raisonne dans l'interphone.
Envoyer avec émoi le fruit de ses idées,
Redouter les pensées des gens, leurs regards à son égard, l'anonymat s'effriter.
Ses amis lui disent de faire ce concours,
Pris de court, il aimerait crier sa joie mais son cœur devient sourd.
Envoyer son poème en se faisant un sang d'encre,
Puis il se rappelle que les avis et les aprioris lèveront l'ancre.
Envie de voir ce qu'il vaut, sans utiliser son timbre de voix,
Croire sans attendre de victoire, croire à l'espoir en faisant des signes de croix.
Il raconte les affres de ses passions,
Rencontre les balafres laissées par ses décisions.
Surmonter ce qui le dépasse,
Espérer que ses visions effrayantes s'effacent,
Il ne sait pas ce qu'un « bravo ! » cache, son sang se glace.
Sa plume et sa feuille s'enlacent,
Dans ses phrases, la peur et le rejet s'entassent.
Peur que le poids de ses mots soit pris à la légère,
Sur un campus en été, texte glacial qui fera de ce garçon un fait d'hiver.
Qui que l'on soit, où que l'on vive,
Nos cœurs universels ressentent tous une peur vive.
J'ai peur que l'on voit la peine que je traine,
J'ai peur que personne ne me comprenne,
J'ai peur que les gens voient que je saigne,
J'ai peur d'oublier ce que mes géniteurs m'enseignent.
J'ai dit je t'aime à des gens dont les promesses s'échappaient comme le vent,
J'ai peur de savoir ce qu'apporte d'avoir des mille et des cents,
J'ai peur de dire je t'aime à mes parents.
J'ai peur de décevoir ceux qui ont toujours été présents,
J'ai peur, cela ne fait pas de moi quelqu'un de si différent.
Mon présent
Victor Lucbernet
3A FISE SOIGNE