Paille

rar

Le soleil indique l'est derrière une brume qui noie l'horizon dans le flou.
C'est un étrange matin, hors de toute saison dans ce parc. C'est peut-être plutôt un jardin.J'y observe une femme.Elle ne porte pas de chaussures mais effleure à peine le sol, qui lui rend une caresse humide lorsqu'elle se déplace. L'herbe est sauvage, et mélangée de luzerne et de frais brins très jeunes et moelleux.Il semble avoir une quarantaine d'années. Avec ses cheveux très bien coupés, l'impeccable tombé de ses vêtements et la grande santé de son teint, il fait vraiment gendre idéal. Il vit là seul. La maison est grande et belle.
Le parc aussi avec ses vieux arbres.
Cet homme dans la maison est mort.

La femme reste à distance, s'imprégnant autant qu'elle observe. Simplement présente, comme irrésistiblement.Frôler cette terre. Respirer l'air. Être dans la partition de cet endroit, de ce matin sans température.Le bas de sa robe boit la rosée qui en alourdit un peu plus le velours. Son bleu fonce encore.Un instant mon regard reste accroché au trou qui bée un peu plus bas que la taille, d'où s'échappent quelques brins de la paille qui l'emplit.Ce n'est pas un très bon signe pour sa grossesse, mais ce n'est pas un grand souci.

Les oiseaux sont silencieux. A moins qu'ils soient absents, ou ne dorment. Ça dort les oiseaux?Ou bien je n'entends pas.

Elle n'observe pas vraiment : elle voit. Le calme de la propriété entre par ses yeux, corde invisible tendue entre elle et la demeure, au bout de laquelle elle oscille, avec le rythme implacable du pendule.

Une route bordée d'arbres entoure le parc. Une voiture en arrive. Surprise elle s'accroupit d'abord au milieu d'une touffe d'herbe plus haute.
Et si on l'accusait de la mort de l'homme?
Elle applique la corbeille de ses mains au bas de son ventre quand vient l'idée que malgré le trou et la paille, elle porte un enfant. Elle pourrait faire passer l'enfant pour celui de l'homme. Ainsi en hériter.Lentement donc elle se redresse. Debout cette idée se fait certitude, détermination. Elle s'élève encore un peu, puis beaucoup. A plusieurs mètres de la terre, la femme déploie tous ses charmes afin qu'aucun doute ne soit permis quant à sa place auprès de cet homme. Là sa lourde chevelure blonde se soulève et forme bientôt une roue plus qu'un halo autour de son visage blafard.Elle est là.

Pleine comme une lune.

Belle et magique.


C'est la femme de cet homme, venue l'accueillir dans la mort.

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