Partie 32
Soda Pop
— Bordel à cul ! Quelle belle brochette que voilà ! Lance L'autre
Les demoiselles de petite vertu qui furent nos actrices d'orgie s'exclament devant notre intrusion.
Je mets un doigt sur mes lèvres et je fais « chut ! ». Bien que je l'aie dit en gaulois, elles comprennent qu'il y a danger et cessent de miauler.
L'une d'elles, la plus ravissante, celle qui a des yeux émeraude, un grain de beauté sur la cuisse droite et les seins en forme de pamplemousse, s'approche de nous.
— Que se passe-t-il ? me demande-t-elle en Celtes moderne, malgré qu'il ne s'agisse pas de sa langue d'origine.
— Nos vits sont entre vos mains (toujours et pour ne pas changer ;) réponds-je. Ces idiots de fils d'Odin nous ont condamnés à mort et veulent nous couper la tête...
— Qu'avez-vous fait ?
— Une bonne action, ma jolie.
— Quoi ?
— Nous sommes Gaulois et on a cru que nous voulions nous faire passer pour des Celtes, chose dont le Royaume Zuni aurait eu tout lieu de se féliciter, non ?
Elle sourit.
— Well, dit-elle, qu'allez-vous faire ?
— Je vous le demande !
Elle se tourne vers ses copines carrossées comme des Fées et leur jacte un truc rapide en scandinave ancien. Aussitôt, les belles bombasses nous font cacher sous leurs plumards. Après quoi, elles s'activent pour réveiller Säm-Lakoop de son K.O. Elles lui expliquent que nous avons continué notre route dans le couloir. Sur ces entre-fesses, la garde surgit, renforcée d'obstination.
Je me dis alors que si ces blondinets ne sont pas blonds, ou ont pour eux deux ronds de jugeotte, ils vont tout fouiller, mais comme ils n'en possèdent que pour cinquante centimes, ils continuent de galoper dans les couloirs et le calme revient.
Nous restons bloqués sous nos plumards, biscotte l'eunuque ne quitte pas l'appartement des toutes belles. Il a repris sa place dans un fauteuil vintage nordique à motifs en peau de bouc gris et blanc et se met à lire « Aalborg-Dimanche » histoire de se relaxer. Le dernier numéro est passionnant pour le sujet d'une monarchie absolue puisqu'il relate les escapades amoureuses d'un Roi casqué de la 5ème raie pudique avec une bouffonne (1).
La lecture opérant son œuvre, notre eunuque ne tarde pas à s'assouplir, puis à s'assoupir. Lorsqu'il en écrase une sérieuse, la magnifique esclave blonde vient me rejoindre sous mon lit. Fardée de rouge à lèvres et de vert aux charmeuses elle se glisse jusqu'à moi pendant que je me récite dans une joie contenue « notre vert qu'êtes z'aux yeux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté sois faite ... ! ». Elle me dit son petit nom : Hadda Dhä. Comme elle est obligée de parler bas, elle approche ses lèvres de mon visage. Et je le déplore d'autant moins, putain de moine, qu'elles sentent la fraise et la femme fatale !
Ahhhhh, Hadda Dhä ! pour en revenir à la donzelle qui me poireaute (2) sous le plumard avec ses lèvres rivées z'aux miennes, Hadda, disais-je, a choisi de faire sa carrière dans l'amour, comme d'autres s'engagent dans les ordres, chez les carmélites missionnaires ou dans les troupes d'assaut du 3ème Reich ! C'est une scientifique de l'acte de la chair, Une technicienne de la sculpture de viande, une tacticienne du redressement, une patricienne de l'amour plus qu'une péripatéticienne. Moi, Emile Lion, une experte comme cela, je la débusque à sa façon d'embrasser.
Tenez, on fait un concours si vous voulez. Vous sélectionnez dix gazelles masquées, je les embrasse et leur donne une note. Eh bien ! je vous parie les voiles à Tabarly contre la coque à Colas (3) (et pas si light que ça la carlingue !) que ma notation sera la même que celle qu'établira un jury spécialisé de la Confrérie frivole des Marques d'Ortel (4) Parole ! Le temps de compter jusqu'à cinq, et je vois à qui j'ai affaire. Hadda Dhä , sans mégoter, c'est du grand art. Y'a tout qui participe. Une vraie femelle, faut qu'elle fasse l'amour avec ses cils, les ailes de son nez, les battements de son cœur, la sueur de ses tempes aussi bien qu'avec son entre-orteils. Elle s'engage entièrement dans la cérémonie la malicieuse. C'est ça la ferveur. La Sainte Bernadette du développement durable, avant l'heure !
Au bout d'un moment, on oublie l'exiguïté de ma planque et la menace de l'eunuque qui, dans son rêve, est en train de se demander pourquoi il est né sous le signe du Taureau castré.
Je le vois, depuis mon dessous de pucier, le cher mastodonte, qui fut soustrait jadis à l'infection (5) de ses parents (ils habitaient un bidonville !) pour commencer sa dure carrière d'eunuque.
Tout en prouvant à Hadda que sa présence à mes côtés a retenu toute mon attention, je ne puis détacher mes yeux de ce pauvre Säm-Lakoop. Ce qui me permet, tout en surveillant le ronfleur, de remercier le ciel des performances qu'il m'aura permis de réaliser pendant mon bref passage terrestre.
Sous le lit voisin, Lance' essaie de héler une fille pour sa consommation personnelle mais ces demoiselles sont fourbues. Le banquet les a mises K.O. et, si j'ose m'exprimer de la sorte, elles ne sont pas pressées de remettre le couvert ! Aussi font-elles la sourde oreille, ce qui file mon chevalier de Rhodes en pétard. A un moment donné, l'obnubilé personnage se permet des « pssst ! hep ! héééé ! hooo ! » si bruyants que l'eunuque se réveille. Je le vois qui soulève un store (le gauche !) qui jouxte son horrible pif. Il ne remue pas... Il reste évasif, mais à l'intérieur de sa trogne, il prend lentement conscience d'une présence catholique, je le pige à un papillotement de plus en plus accéléré de ses paupières.
Alors là, mes amis, un dilemme se pose : « Ou bien j'interromps l'exercice éblouissant auquel je me livre pour neutraliser une fois de plus le gros Säm avant qu'il ne soit trop tard. Ou bien je continue de rester planqué et accepte les risques susceptibles d'en découler. Mais ai-je le droit de risquer la vie de Lanceleau en même temps que la mienne ? Oui, puisque c'est cet abruti immonde qui vient de créer le danger en sollicitant les pures jeunes filles pour le radada. Et il continue, cette espèce de bouc en train ! Imaginez qu'il s'enhardit à leur parler, aux ravissantes esclaves blondes. Il leur dit des « Ho, les gosses, soyez pas salopes avec moi, putain ! On se connaît, non ! Vous savez bien qu'avec ma gueule c'est pas du travail à la chaîne, mais du bon vieux artisanat à la papa ». Et puis, comme il se souvient qu'elles ne pigent pas le français, il mobilise toutes ses connaissances linguistiques. « Hello, bitte, señoritas ! Come vouize me, fräuleins. Lance' il gode for you ! ».
Les mômes pouffent.
Lance' sort alors son pif en premier du lit
En attendant, l'eunuque, lui, se réveille tout à fait.
(à suivre)
(1). Ça ne vous rappelle pas quelqu'un en scooter, hein ?
(2). du verbe poireauter : astiquer le poireau !
(3). Alain Colas, navigateur français né en 1943 est disparu en mer le 16 novembre 1978 au large des Açores au Portugal lors de la première Route du Rhum. Il est notamment connu pour son record du monde à la voile en solitaire en 1973. Résultats obtenus sur son Pen Duik IV rebaptisé Manureva. Sa disparition est entourée de mystères — aucun élément d'une épave n'a été retrouvé — qui ont notamment nourri l'écriture par Serge Gainsbourg du grand succès Manureva interprété en 1979 par Alain Chamfort.
Eric Tabarly né en 1931, est quant à lui disparu le 13 novembre 1998 au large du pays de Galles, à 70 kilomètres au sud-ouest de Milford Haven, après être tombé à la mer lors d'une manoeuvre de réduction de la grand-voile du Pen-Duick. Une vergue battante l'avait précipité par-dessus bord, et les efforts de l'équipage d'amis resté à bord, puis les recherches des marines britannique et française, étaient restés vains. Marin de légende, Il aura marqué bien des générations de navigateurs.
(4). Banco ! Emile nous confirme que la téléphonie sans fils existait bel et bien au Moyen-âge ! En effet, Ortel Mobile étant l'un des plus grands fournisseurs européens de services de téléphonie mobile, fortement implanté aux Pays-Bas, en France, en Belgique, et en Allemagne (en France, il utilise le réseau d'Orange et celui de Bouygues Telecom), il est devenu aussi le premier opérateur de réseau mobile à destination des pays du Maghreb sur le marché français et belge. Donc, on a la preuve que le téléphone Arabe fonctionnait déjà !
De plus, il nous éclaire sur une filiale secrète de ladite société spécialisée dans des jeux polissons pour adultes apparemment, en la personne de leur Gourou Marc Dorcel (dont la descendance de son vrai nom Marcel Herskovits est de nos jours un réalisateur et producteur français de films pornographiques.)
(5). On suppose qu'Emile soulignait plutôt un manque d'affection...