Partie 34

Le Roi Harald 1er est toujours en conversation animée avec les Celtes.

Le vilain barbu, délivré, les a rejoints et vitupère comme un perdu. Il décrit des moulinets avec le sceptre royal, qui se met à ressembler au spectre solaire. Il est en train de prononcer un méchant monologue contre nous qu'il traite de pirates, de démons démoniaques et tout et tout... Il conseille à son souverain de nous infliger une mort horrible. Il nous verrait assez avec des colonies de fourmis rouges dans le rectum, ou alors qu'on nous fasse de la grande acupuncture avec des aiguilles à tricoter frottées d'ail... Le pauvre gros Roi paraît toute triste. Mais son conseiller insiste, il requiert le renchérissement de nos Anglais, et il l'obtient. Sir Eagle Hansell affirme qu'on devrait nous arbaléter pour espionnage. Charmante attention, non ? Harald lui objecte que ses guerriers ne peuvent se servir d'arbalète, car ils ont peur des détonations ! ( ???). Le seul type qu'on ait passé par les armes, le farouche révolutionnaire gay VARA (1) s'est vu introduire des flèches dans le corps non pas à l'aide d'une arbalète, mais par le truchement d'une manivelle.

A ce stade, cela cesse d'être une exécution capitale pour devenir un travail d'incrustation sadique. Du coup, un capitaine Anglais suggère qu'on nous brûle vifs. Cinq cents ans que ça va les obséder dans leur famille (il y aura même un descendant qui servira comme pyroman-chef à Rouen en 1431 ! C'est une certaine Jeanne qui en fera les frais, brûlé vive qu'elle sera). Cette fois, la moutarde commence à me dégouliner des naseaux. Je trouve qu'ils insistent un chouïa, les Celtes ! Qu'on se bricole des coups bas pour faire prévaloir nos missions, je veux bien ; mais de là à préconiser la mort de l'adversaire, y'a qu'un faux pas, qu'ils franchissent allègrement.

Je te parie un lit à Baldaquin contre ton matelas plein de puces que je vais me fâcher, que je me fâche, que ça y est : me voilà fâché !

J'écarte en grand la porte monumentale et je m'avance d'un pas lourd vers le trône.

Glapissement du devin Raidwaïne qui nous aperçoit le premier et hurle aux gardiens du trône l'ordre de s'assurer de nos personnes ! C'est la ruée... Pshiiiiiit ! Une petite surprise Marocaine et ces bons guignols s'écroulent. Le sceptre du devin se met à pendre comme un lendemain de noces (sexuel l'image !). Il n'en revient pas. Les Anglais, eux, ont illico réalisé la nature de mon répulseur à éléphant. Avec un ensemble touchant, ils portent la main à leurs hanches pour dégainer leurs épées. Deux petites pressions sur le bouton et les représentants de l'Union des Jacques (2) rejoignent, sur les marches du trône, les endormis de frais.

C'est la panique dans la volière. Les bombasses, les valets de bains de pied du Roi, ses torche-miches, ses éventeurs à palmes, ses éventreurs à hache, ses épousseteurs, ses dépisteurs, ses porte-bannières, ses mastiqueurs, ses taste-poisons, ses goûte-plats, ses biographes, ses gratteurs de luth, ses lécheurs d'élite, sa brigade des rieurs serviles, ses lanceurs de pétales de rose, ses bourreurs de mou, ses arrangeurs de faits d' hiver, ses inventeurs de gloire, ses tisseurs d'auréoles, et ses sorciers-sauciers se débinent par tous les trous, comme des rats affolés. Ils se ruent hors du palais. Pas un mot, la grande peur est muette ! Seulement un piétinement nombreux, un souffle de peaux de bête...

Nous ne sommes plus que quatre personnes lucides dans la salle du trône : le Roi, le devin, Lance' et votre serviteur Emile. Grâce à la belle et mystérieuse Hadda Dhä, je contrôle la situation.

Vachement pâlichon, le souverain ; sa graisse devient verdâtre sous sa peau charbon. Ça le faisande sacrement, il a la frousse d'humer du Marocain le couronné à la dent bleue.

Je m'empresse de la rassurer.

— N'ayez pas peur, Majesté, nous ne vous voulons aucun mal, à vous ni à vos sujets, pas même à ce vieux brigand devin qui prétend vous conseiller et qui trafique dans votre dos, ajoute-je en désignant le barbapoux. Car il va vous l'avouer lui-même qu'il négocie des pots de malt (3) avec les Anglais. N'est-ce pas, mon cher devin ?

Il craquerait des dents s'il en avait encore, le barbidur. Il va sûrement faire de la gigite (les poils du c... qui s'agitent !) en tout cas.

Il regarde les bonshommes inanimés, les prend pour morts et bredouille :

— C'est vrai, c'est vrai, j'en demande très humblement pardon à sa gracieuse et puissante Majesté, que le Dieu Fépalkon le protège, et que la déesse Oukonsemé étende sur son auguste tête...

— Auguste toi-même, hé, sac à poux, éclate Lance'. Va te faire raser, l'affreux ! Alors môssieur chambrait ma belle jesté, en cachette ? Môssieur se remplissait les fouilles en profitant de ce que son gentil patron qu'est le bon cœur incarné, n'y mordait que couic ! Ah ! si je me retiendrais pas, je t'y morflerais la trogne à coup de pompes jusqu'à ce qu'il existe plus !

Un rire argentin (bien qu'elle soit nordique) retentit et, comme ma parenthèse l'aura déjà fait comprendre aux moins ballots d'entre vous, Hadda Dhä apparaît.

Elle est radieuse. Ses belles camarades l'escortent (4)

— Ce que votre ami est amusant dans sa colère, me dit-elle.

— Comprendriez-vous le Franc, par hasard ? sourcillé-je.

— Je parle couramment sept langues, mon cher ami, rétorque la belle donzelle. Quand quelqu'un parle sept langues, le Franc est fatalement inclus dans celles-ci !

Elle arrive à moi.

— Que pensez-vous de mon gadget ?

— Merveilleux, vous devriez en produire pour l'exporter.

Je m'arrête de plaisanter car un groupe de féroces viennent de faire irruption dans le palais. Ils sont armés de lances et de couteaux et ne portent pas d'uniformes. Ce sont des gars du peuple venus à la rescousse, je suppose. Je m'apprête à les vaporiser au Marocain, mais Hadda intervient.

— Non ! Pas eux ! dit-elle, ce sont des amis à nous !

— Des amis ! sursauté-je.

— Je vous promets de vous raconter tout cela par le début, déclare Hadda en tendant la main vers son ustensile. Vous permettez ?

Elle m'ôte d'un geste déterminé le tube magique des doigts.

— Excusez-moi, ajoute la fille, on continuera cette conversation plus tard. En attendant, je vous remercie d'avoir fait le plus gros du travail !

Et elle braque son insecticide à éléphant contre moi. Et merde ! J'ai juste le temps de voir son pouce délicat presser le bouton rouge. Pshiiiiit ! Tout cesse immédiatement.

(à suivre)

(1).Ernesto Guevara plus connu sous le nom de Che Guevara ou le Che est un révolutionnaire marxiste et internationaliste ainsi qu'un homme politique d'amérique latine. Il a notamment été un dirigeant de la révolution cubaine, qu'il a théorisée et tenté d'exporter vers d'autres pays. Après sa mort, Che Guevara devient une icône pour des mouvements révolutionnaires du monde entier. Un portrait de Che Guevara réalisé par Alberto Korda est considéré comme l'une des photos les plus célèbres au monde.

(2).Union Jack : L'Union Flag, ou Union Jack, est le drapeau national du Royaume-Uni. L'Union Flag a été adopté en 1603 après l'Union des Couronnes d'Écosse et d'Angleterre sous leur monarque commun Jacques Stuart (Jacques VI d'Écosse et Jacques Ier d'Angleterre) Il combine la croix de saint Georges du drapeau anglais et la croix de saint André du drapeau écossais. Après l'Union de 1801, ce drapeau fut augmenté de la croix de saint Patrick pour représenter l'Irlande.

(3). Pour mettre en lumière une corruption, on dirait plus justement des pots de vin ! Mais bon... vu qu'il est question de Celtes, vous m'avez compris.

(4). Bien plus tard, on les nommera des « Escort-girls »