Pas si bêtes...

Julien Andrieux

Anaïs et Emilie, les deux meilleures amies de leur petit monde, partent au zoo avec leurs parents et leurs sœurs pour une sortie en famille. Mais cette journée va leur réserver bien des surprises...

Chapitre 1

Rendez-vous au zoo

Ce matin-là, je me suis levée en pleine forme. Nous étions samedi, et pourtant je me suis réveillée encore plus tôt qu'un jour d'école. Et cette fois, ce n'était pas pour regarder des dessins animés seule en attendant que mes parents se réveillent. Non, c'était pour préparer mon sac avec les affaires indispensables pour aller visiter le zoo: mes billes, mes élastiques, un carnet pour écrire et ma console pour prendre des photos.

La journée promettait d'être belle: il faisait un temps splendide, et dans une heure, nous allions retrouver ma meilleure amie Emilie au zoo, venue elle aussi avec sa petite soeur. Et nos parents avaient sûrement prévu de bonnes réserves de bonbons…

Avec Emilie, ont était tombées amies comme ça, dès qu'ont s'était vues. Le matin, on ne savait même pas que l'autre existait, et le soir on était amies pour la vie. Un vrai coup d'amitié, en quelque sorte… Quand on se regarde, on a l'impression de se voir dans un miroir, sauf qu'elle, elle a les yeux noisette, alors que moi, j'ai les yeux piscine. Des fois, quand un truc nous amuse, on rigole pendant tellement longtemps qu'au bout d'un moment, on continue à rigoler alors qu'on ne se rappelle même plus pourquoi on rit.

Bref, on est LES meilleures amies…

Anaïs ! cria Maman depuis la salle de bains. Viens vite t'habiller et te coiffer, nous allons bientôt partir !

Maman, répondis-je, je me suis déjà habillée, coiffée, j'ai mis mes chaussures et mon sac est prêt avec une petite bouteille d'eau et un goûter pour la route !

Maman n'en croyait pas ses oreilles.

Comment ça, tu es prête avant même qu'on ait besoin de te le demander? Les jours d'école, tu ne bouges jamais avant le dixième rappel !

Mais Maman, aujourd'hui, on va au zoo, et on doit retrouver Emilie…

Au moins, maintenant, je sais que tu peux te préparer toute seule, et même très rapidement !

Papa était allé faire le plein de la voiture avec ma grande soeur Juliette, tout était parfaitement organisé, il ne risquait pas d'y avoir le moindre imprévu.

Du moins, c'était ce que je croyais…

Quelques minutes plus tard, Papa est revenu avec Juliette, Maman a embarqué les pique-niques, et ma petite sœur Agathe et moi, on est montées dans la voiture. Emilie était déjà partie avec ses parents et sa petite sœur Margot, ils nous ont envoyé un texto avec un smiley-qui-tire-la-langue…

Tu es sûre que c'est bien par là ? demanda Papa, parce que le GPS, lui, nous dit d'aller  tout droit !

Oui mais regarde: il y a un panneau “zoo” qui indique que c'est à gauche, le panneau ne peut quand même pas se tromper !

Eh oui: comme d'habitude, mes parents n'arrivent pas à se mettre d'accord sur le chemin à prendre dès qu'il y a plus d'une possibilité. On voit bien qu'ils ne jouent jamais aux labyrinthes…

Regardez, les filles ! on est arrivés, s'écria Papa au moment où nous sommes passés devant l'immense portail surmonté d'un panneau “ZOO”.

Vous avez senti ? demanda Maman, nous devons être tout près de l'enclos des lions. Ou alors c'est que quelqu'un dans la voiture a enlevé ses chaussures, ajouta t-elle d'un air malicieux…

Nous allions protester toutes les trois (bizarrement, Papa se faisait discret, peut-être avait-il réellement retiré les siennes !), quand j'aperçus la voiture bleue, celle d'Emilie, garée sur le parking. Le hasard avait pris soin de nous garder une place juste à côté d'eux, et j'avais hâte de les retrouver à l'entrée.


Chapitre II

Des rires de baleines aux pleurs de madeleines


Pendant toute l'heure qui suivit, on s'est amusées comme des folles, devant les animaux qui nous regardaient d'un air ahuri pendant qu'on faisait nos singeries. On était excitées comme des ouistitis, on sautait partout comme des kangourous et on rigolait comme des baleines (bah oui, après tout on est dans un zoo!)

On reprenait à peine notre souffle entre deux éclats de rire pendant les pauses jus d'orange (café pour les parents, qui eux aussi discutaient sans jamais reprendre leur souffle). Les allées de pavés à l'ombre des grands bambous nous emmenaient d'un enclos à l'autre sans que l'on ne s'ennuie jamais. Puis on est arrivés devant un grand bassin dont les parois étaient de larges baies vitrées pour admirer les grands ours blancs.

Ravie, ma petite soeur Agathe s'est écriée : “Maman ! t'as vu les housses polaires !”

Les parents ont tous éclaté de rire. Il faut dire qu'il ne leur en faut pas beaucoup… Dans le bassin, il y avait un énorme ours polaire qui nageait entre les vitres et les rochers du fond. On avait toutes nos mains collées sur les vitres (cinquante doigts bien gras en tout), et l'ours, en posant ses pattes, avait l'air de nous taper dans les mains à chaque fois qu'il faisait un demi-tour contre la vitre.

Vous avez vu, il vient faire un check ! dit Juliette en rigolant.

Pouca Pouca Pouuuuu ! ai-je dit quand il recommencé. Mais l'ours n'a pas répondu. Il était sérieux comme s'il s'entraînait pour les jeux olympiques de natation.

Après, on a continué sans trop faire nos malines: on arrivait à l'enclos des loups. Mais pas moyen d'en apercevoir un seul, ni même de les entendre. A croire qu'ils étaient tous partis en vacances, ou bien qu'ils se cachaient pour mieux nous attaquer. En tous cas, on commençait justement à avoir une faim de loup, c'était une drôle de coïncidence…

On s'est installés à une grande table de pique-nique, puis les parents ont sorti les provisions: il y avait des sandwichs au jambon, d'autres au saucisson, au fromage, plein de petits paquets de chips, puis des compotes en sachet pour le dessert.

Emilie a eu trop de chance: elle a pris le paquet de chips au vinaigre, mes préférés, alors que moi j'ai eu les chips aux oignons.

Emilie, tu veux bien qu'on échange ? je lui ai demandé, j'aime trop les chips au vinaigre !

Non Anaïs, a répondu Emilie, c'est toujours pareil, tu me donnes toujours les choses que tu n'aimes pas, et tu gardes les meilleures pour toi !

C'est pas vrai ! Tu es trop égoïste, j'ai crié, tu ne veux même pas me faire plaisir !

Pas du tout, je ne suis pas égoïste, a répondu Emilie, c'est toi qui n'est pas une vraie amie, tu veux toujours me prendre les choses que j'aime !

Ah oui ! Je te déteste, je ne te parlerai plus jamais ! ai-je crié en commençant à pleurer.

J'étais furieuse après elle: comment pouvait-elle dire que c'était moi qui était méchante, alors que c'était elle qui ne voulait pas me donner son paquet de chips ?!

Pendant ce temps, nos soeurs n'osaient plus dire un mot, et les quatre parents étaient là, les bras ballants, à nous regarder avec de grands yeux ronds qui leur donnaient l'air aussi idiot que les hippopotames derrière eux.

Dites donc les filles, dit Maman, vous n'allez quand même pas nous dire que vous faites toute cette histoire pour un malheureux paquet de chips?

… … … (aucun son venant ma bouche)

… … … (rien non plus pour Emilie)

D'accord, ne répondez surtout pas en même temps, dit Papa, qui en voyant nos yeux noirs à toutes les deux, décida qu'il était sûrement plus prudent de ne pas insister pour l'instant…

Prétextant une envie de pipi, je suis partie aux toilettes pour cacher à cette peste d'Emilie que j'avais envie de sangloter: je voulais bien qu'elle voie mes yeux noirs pleins de colère, mais pas question qu'elle me voie pleurer. De toutes façons, elle me tournait le dos et ne disait plus un mot à personne. Elle était partie bouder dans un coin, et avec son caractère, il y en avait pour un bon moment. Les parents avaient décidé de continuer leur pique-nique en discutant comme si de rien n'était.

Je me suis enfermée dans les toilettes et j'ai pleuré comme une éponge qu'on essore. Et si Emilie ne me parlait plus jamais ? Est-ce que c'était elle qui avait été méchante avec moi, ou bien est-ce que je lui avait dit des choses vexantes ? Est-ce qu'elle voudrait encore jouer avec moi, ou bien allait-elle m'en vouloir à tout jamais ? Est-ce que j'allais me faire gronder si j'avais été méchante ? Et pourquoi on s'était disputées, au fait ?

Je n'étais plus en colère, mais je ne savais plus où j'en étais. Ça devait faire un bon moment que j'étais enfermée dans ces toilettes. Il était temps d'aller retrouver ma famille.


Chapitre 3

Seules...

Quand je suis revenue à la table de pique-nique, Emilie était toujours assise sur un banc, le dos tourné, en train de faire sa tête de cochon. Qu'est-ce qu'elle est forte, pour ça ! Il faut dire que je me défends bien moi aussi, on pourrait gagner les championnats de tête de cochon par équipe, si ça existait…

Il n'y avait plus personne autour de la table, à croire qu'ils étaient tous partis faire pipi en même temps ! Je me suis rassise pour attendre les parents, pendant qu'Emilie me lançait des regards noirs de temps en temps. Ça m'embêtait un peu, parce que je ne savais pas si on pourrait se réconcilier, elle avait l'air bien en colère contre moi. Mais après tout, il n'y avait pas de raison pour que ce soit moi qui lui fasse des excuses, alors j'ai continué à lui faire la tête moi aussi, même si ça commençait à me faire comme des petits piquants dans le coeur…

Et puis je me suis rendu compte que ni les parents, ni nos soeurs ne revenaient, et que s'ils étaient vraiment allés aux toilettes, je les aurais sûrement entendus quand je m'y cachais.

Il y avait quelque chose qui clochait, et ça ne me plaisait pas du tout.

Emilie me regardait de temps en temps, mais derrière ses yeux noirs, j'avais l'impression qu'elle commençait à s'inquiéter elle aussi. J'aurais bien continué à lui faire la tête, mais comme il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond, je me suis décidée à aller la voir pour lui en parler.

Et si on faisait la paix ? je lui ai demandé.

Emilie sembla soulagée.

D'accord, mais je te préviens, j'ai mangé toutes les chips au vinaigre, a t-elle répondu d'un air un peu embêté.

Ce n'est pas grave, je n'ai plus très faim. Et puis on pourra toujours se partager les bonbons… Au fait, où sont passés tous les autres ? Ils ne sont quand même pas partis sans nous ?

Ça m'étonnerait qu'ils arrivent à nous oublier un seul instant, dit Emilie, ou alors ils en ont eu marre de nos bêtises ! Mais je ne les ai pas vus partir, j'étais trop occupée à faire la tête…

C'est trop bizarre qu'ils soient tous partis en même temps et qu'ils ne reviennent pas, il faut qu'on les retrouve, ai-je dit d'un ton affirmé alors que je commençais vraiment à angoisser. C'est vrai, les papas peuvent être partis prendre un café, mais les mamans ne nous laisseraient jamais aussi longtemps, et puis on entend même pas nos sœurs rigoler ou se disputer !

Ce n'était vraiment pas normal. Il avait du se passer quelque chose, et je commençais à avoir mal au ventre de ne pas savoir quoi. La seule chose qui me rassurait, c'était qu'on qu'on se parlait à nouveau avec Emilie. Elle semblait inquiète elle aussi, mais elle avait l'air bien contente qu'on soit toutes les deux.


Chapitre 4

Un gardien peu ordinaire


Il fallait retrouver les parents. Mais par où commencer ? Et puis il n'y avait personne autour de nous. Le coin était désert, à part les animaux qui nous regardaient fixement, puis échangeaient des regards entre eux comme s'ils pouvaient se comprendre rien qu'en se regardant. Nous étions toutes seules et complètement perdues dans ce zoo immense. Je crois que s'il n'y avait pas eu Emilie avec moi, j'aurais été complètement désespérée.

Et si nous allions vers cette petite maison ? proposa Emilie, peut-être que des gens du zoo ont vu passer nos parents ?

Tu as raison, ai-je répondu d'un ton rassuré. Quelqu'un finira forcément par venir par là…

Cette petite maison, c'était un lodge, une sorte de chalet très confortable que les gens peuvent louer pour passer la nuit au zoo en regardant les animaux.

Nous avons pris une bonne poignée de bonbons chacune pour nous redonner du courage, puis nous sommes allées toutes les deux vers le lodge. Je commençais à me sentir mieux et à reprendre confiance: on ne se faisait plus trop la tête avec Emilie, et même si nous étions toujours sans nos parents, nous savions déjà par où nous allions commencer. Et puis nous avions pris tellement de bonbons que le sucre nous avait redonné de l'énergie. Il en restait même un ou deux pour nos soeurs…

Nous avons regardé par la fenêtre à l'intérieur du lodge, et c'était super-joli: il y avait un grand canapé avec des fauteuils qui avaient l'air confortables, de beaux tapis, une grande cuisine, on voyait bien que les soirées ici devaient être très agréables… C'est là que nous avons aperçu ce type un peu étrange: un vieux monsieur aux cheveux tout gris, habillé avec un costume noir à fine rayures grises, un gilet noir, une chemise blanche et un noeud papillon rouge. Il avait l'air de sortir d'un vieux film de Charlie Chaplin, personne ne vient jamais au zoo habillé comme ça…

Il nous a vues et nous a dit: “Que faites-vous ici, les enfants ? C'est interdit ! Si “Ils” vous voient, vous allez avoir de sérieux ennuis…

Mais on ne fait rien de mal, Monsieur ! ai-je répondu, nous sommes perdues et nous cherchons nos parents. Vous ne les auriez pas vus ? il y a aussi nos trois soeurs avec eux, ils étaient tous à la table de pique-nique là-bas, et ils ont disparu.

Disparu, vous dites ? demanda le vieux monsieur d'un air ennuyé, en effet c'est très embêtant. Venez avec moi, je vais voir ce que je peux faire.

Il était vraiment très étrange, surtout avec un beau costume dans cet endroit, mais il avait l'air très gentil.

Vous travaillez pour le zoo ? a demandé Emilie.

Oui, je m'appelle Georges, et je suis le concierge du zoo, un peu l'homme à tout faire. Je préfère dire que je suis le maître d'hôtel, mais les gens ici m'appellent “Georges l'entasseur”.

Pourquoi ça ? avons-nous demandé toutes les deux.

Eh bien, j'ai une petite manie: je récupère tout ce que les gens oublient, des fois qu'ils reviendraient le chercher, ou bien ce qu'ils jettent mais qui peut encore servir, tous les trucs cassés que les soigneurs ont la flemme de réparer, et je garde tout ça chez moi. Et comme chez moi c'est tout petit, il n'y a plus du tout de place, on peut juste se servir de mon lit et de la salle de bains. C'est pour ça que les gens du zoo me prennent pour un vieux fou.

C'est vrai qu'il était vraiment bizarre, mais il était gentil, et nous n'avions pas vraiment d'autre solution. Puis il reprit d'un ton inquiet:

J'espère que ce ne sont pas les autres qui retiennent vos parents, sinon ça va être un peu compliqué…

Quels autres ? Et pourquoi nos parents seraient retenus ?

Je ne peux pas encore vous dire, mais c'est vrai qu'ils n'aiment pas beaucoup qu'on découvre leurs petits secrets, ici…

Mais enfin, c'est qui, “ils” ? demandai-je d'un air inquiet, et pourquoi en voudraient-ils à nos parents et à nos soeurs ?

Georges nous regarda un moment, la bouche entr'ouverte comme s'il allait se mettre à parler. Nous, nous regardions ses lèvres en attendant qu'elles se mettent à bouger et qu'un son sorte de sa bouche.

Mais Georges l'entasseur referma la bouche sans même prononcer le début d'un seul mot.

Il se dirigea vers l'intérieur du lodge et au au moment d'y entrer, il se retourna  et nous dit :

Je dois vérifier quelque chose, attendez-moi ici et n'entrez sous aucun prétexte, c'est bien trop risqué !

Puis il disparut à l'intérieur avant même que nous n'ayons eu le temps de poser la moindre question. Ce type était décidément aussi bizarre que la situation était mystérieuse. Avec Emilie, on attendait dehors sans se parler, je pense que comme moi, elle était encore embêtée par cette sombre histoire de chips au vinaigre, ou bien peut-être qu'elle m'en voulait encore, je ne savais pas…

Au bout d'un moment, Georges ne revenait toujours pas, et je commençais à m'ennuyer. Alors j'ai dit à Emilie:

On pourrait peut-être y aller pour voir s'il est toujours à l'intérieur, il s'est peut-être endormi...

Emilie a sourit. C'était bon signe, elle ne me faisait pas trop la tête.

Mais il nous a dit de l'attendre ! répondit-elle, sérieuse cette fois.

Allez viens, on va juste voir par la fenêtre s'il est encore là ! Et de toutes façons, il n'y a personne d'autre ici, alors on peut bien décider toutes seules, ce n'est même pas une bêtise…

Ça aussi, c'était ce que je croyais…

Nous nous sommes approchées du lodge et nous avons regardé par la fenêtre. Le spectacle nous a pétrifiées sur place. Georges était bien là, en train de tenir une conversation avec… un gorille ! Oui, un gorille qui était confortablement installé dans un large fauteuil de cuir, un cocktail de jus de fruits à la main, des chaussons aux pieds et des lunettes sur le nez !

Et nous, on était là, plantées comme deux poireaux devant la fenêtre, quand le gorille a tourné la tête dans notre direction. Il avait l'air assez contrarié. Georges, lui, se tenait la tête dans les mains, un peu comme font nos parents quand on fait la même bêtise pour la 10ème fois, et qu'ils deviennent très fatigués d'un seul coup…

Avant qu'on ait eu le temps de réagir, quatre chimpanzés sortis de nulle part sont apparus derrière nous, et nous ont attrapées pour nous emmener à l'intérieur du lodge.


Chapitre 5

Les dessous du zoo

Puis nous sommes tous entrés dans la salle de bains, la porte s'est refermée… et toute la salle de bains s'est mise à bouger ! Par la fenêtre, j'ai juste eu le temps de voir que nous descendions, comme si nous étions dans un ascenseur. La porte s'est ouverte, et là c'était juste incroyable: nous arrivions dans une pièce immense,     avec de grands canapés et des fauteuils organisés en plusieurs petits salons, comme la réception d'un grand hôtel de luxe. Il y avait aussi des tables de billard, des jeux vidéo comme au cinéma, et on pouvait apercevoir un bowling un peu plus loin, juste après un bar dont le grand comptoir tout chromé reflétait les lampes suspendues juste au dessus, et les dizaines de bouteilles rangées derrière. Tout cela après être descendus d'un étage dans une salle de bains-ascenseur !

Mais nous n'étions pas au bout de nos surprises: toute l'équipe des soigneurs faisait le service au bar et dans la salle. Et dans la salle, les clients… les clients étaient les animaux ! Oui, les animaux sauvages que nous avions vus pendant plusieurs heures dans leurs enclos, ils étaient tous là, à jouer ou se détendre au bar, avec les soigneurs qui prenaient les commandes et se pliaient en quatre pour les satisfaire.

Il y avait des lémuriens qui jouaient au baby-foot, des girafes qui faisaient un billard, des pandas qui jouaient au bowling, et on pouvait même voir des hippopotames en maillot de bain, avec des lunettes de soleil, se faire bronzer dans des chaises longues sous de grandes lampes à UV, tandis que les différents bassins des ours, otaries et hippopotames servaient de puits de lumière naturelle grâce à leur fond translucide. C'était magnifique, toutes ces installations modernes. Et dire que tout cela était pour les animaux ! Avec Emilie, on avait toutes les deux la bouche grande ouverte de surprise, avec les yeux comme des calots. Et nous n'avions pas encore repris nos esprits quand Georges l'entasseur est venu nous trouver pour nous expliquer.

Eh bien voilà, c'est trop tard maitenant, vous savez tout vous aussi… Ils n'aiment pas du tout qu'on découvre leur secret, mais j'ai beaucoup négocié avec eux, et comme vous avez l'air de petites filles qui savent garder un secret, il ne va rien vous arriver. Par contre, il y a un petit souci avec vos parents…

Ils ont mangé nos parents ? demanda Emilie, au bord de la panique.

Non, ne t'inquiète pas, répondit Georges. Mais vos parents sont venus se cacher dans le lodge avec vos soeurs, pour vous donner une leçon à cause de votre dispute, et c'est là qu'ils ont découvert que les animaux menaient en réalité une vie bien confortable dans ces installations luxueuses, avec les gens du zoo à leur service.

Alors ils ont enfermé nos parents ? ai-je demandé.

C'est presque ça. En fait, quand des humains découvrent leur secret, ils leur font une piqûre avec une sorte de virus qui les transforme en animaux à leur tour, et ils les laissent ensuite dans le zoo, dans les enclos au-dessus de nous.

Mais vous, ils ne vous ont rien fait ?

Non, parce que moi, les autres humains me prennent pour un vieux fou, à cause de ma manie d'entasser tout ce que je trouve. Alors que les animaux ont toujours besoin de moi pour des petits services. Et ils adorent les objets que je leur fabrique avec les trucs que je récupère chez les humains. Alors ils me laissent faire tout ce que je veux. Et puis les autres humains ne me croiraient pas, de toutes façons. A part les enfants, bien sûr…

Ça veut dire que nos parents et nos soeurs sont devenus des animaux ?

Exactement. Je vais vous montrer sur les caméras de surveillance: en ce moment, le papa d'Anaïs est un phacochère, celui d'Emilie est un fennec du désert, vos mamans sont toutes les deux de superbes flamands roses, et vos soeurs sont des pingouins…

A ce moment-là, on a bien rigolé, parce que les papas en phacochère et en fennec, ils étaient quand même bien ridicules ! Alors que nos mamans étaient toujours super-jolies, même en flamands roses. Et puis j'ai reconnu nos soeurs: Juliette était la plus grande et elle tenait Agathe et Margot par la main.

Ensuite, on a vu l'ours polaire se diriger à quatre pattes vers un lodge, puis on a entendu le bruit de l'ascenseur-salle-de-bains. Les portes se sont ouvertes et l'ours en est sorti, mais cette fois sur deux pattes, avec des lunettes de solei sur le nez et un grand sourire, l'air bien fier de lui.

Ah Ah ! fit-il d'une grosse voix bien forte, ces gosses n'ont pas fait le déplacement pour rien, je leur en ai mis plein les yeux ! Je vous parie que c'est ma peluche qu'ils vont réclamer dans la boutique en partant !

Et deux girafes qui prenaient un cocktail au bar se dirent en le regardant passer:

Pfffff… Quel frimeur celui-là !

Ouais, comment il se la raconte ! Il se prend pour un lion, ou quoi ?

L'ours polaire continua son chemin en faisant semblant de ne pas les entendre. Puis, arrivé près des chaises longues, il attrapa avec sa patte un petit morceau métallique dans sa fourrure, au ras de son cou. Et en tirant vers le bas ce qui était en fait une fermeture-éclair, il ouvrit complètement sa fourrure pour la retirer comme si c'était un simple peignoir… En regardant bien, on pouvait même lire, brodé en lettres dorées sur le revers de sa fourrure, “Sacha Poty”.

Georges, voyant qu'on regardait avec étonnement l'ours faire bronzer son corps athlétique sans sa fourrure, nous précisa:

Oui, il a pris la grosse tête depuis qu'il est sur tous les panneaux publicitaires pour le zoo. Il a même droit à un coach personnel, maintenant ! C'est Cyrille, notre vétérinaire, qui lui fait ses menus et ses plans d'entraînements de natation pour que le désormais célèbre Sacha Poty soit toujours au top de sa forme…

Oh regardez ! s'écria Emile, des petits chiots trop mignons qui jouent à la bagarre dans le canapé là-bas !

Les petits chiots ont du l'entendre, leurs oreilles se sont dressées, et ils sont partis en courant se réfugier derrière le canapé. On arrivait juste à voir des petites pattes et deux grandes queues grises qui dépassaient du canapé.

Ce ne sont pas des chiots, dit Georges, ce sont des louveteaux, et vous avez dû leur faire peur. Les loups sont très timides, ils ne se montrent jamais et ont peur des petites filles, surtout quand elles sont blondes, mais on ne sait pas pourquoi…

Maintenant, les deux têtes des parents loups dépassaient de chaque côté du canapé, et nous regardaient en tremblant, avec des yeux de loup battu…

Ha Ha Ha ! s'esclaffa l'ours polaire, regardez-moi ces poltrons de loups ! Ils tremblent de frousse devant des petites blondinettes ! De vraies poules mouillées…

Arrête Sacha, lui répondit un hippopotame, tu sais bien que les louveteaux vont encore passer une semaine à faire des cauchemars de petites filles qui cherchent à les dévorer !

Pendant ce temps, Geoffrey, le soigneur, faisait des massages à l'autre hippopotame sur sa chaise longue, et on pouvait apercevoir Bérénice et Aurélie, deux autres soigneuses, qui apportaient des plateaux de poisson pané à un groupe d'otaries installées à la table de ce qui ressemblait à un grand restaurant.

Tout cela était tellement incroyable qu'on en aurait presque oublié nos parents, si Georges ne nous en avait pas reparlé.

Venez, nous dit-il, Il faut que nous allions négocier avec le lion. Avec un peu de chance, il acceptera peut-être de libérer vos parents et vos soeurs.


Chapitre 6  Les jeux du zoo

Ma boule au ventre à cause de la dispute avec Emilie avait disparu. D'ailleurs, elle n'avait pas l'air de m'en vouloir et elle semblait aussi perdue que moi. Par contre, maintenant j'avais de nouveau mal au ventre parce que je ne voyais vraiment pas comment nous allions nous sortir d'ici, si nous allions retrouver nos parents, et s'ils allaient redevenir comme avant. Les mamans étaient très jolies en flamands roses, mais les papas en phacochère et en fennec, c'était quand même un peu la honte pour nous emmener à l'école le matin devant toutes les copines…

C'est là que nous fîmes la rencontre du lion. Il ne prit même pas la peine de se lever de son jacuzzi pour nous parler. Il avait deux soigneurs qui s'occupaient de lui: Charlotte s'occupait de lui faire un brushing pendant que Geoffrey lui limait les griffes.

Alors c'est vous les petites protégées de notre ami Georges ? demanda le royal félin en nous voyant, vous avez de la chance qu'il soit là: en échange de ne pas vous transformer en kangourous, il nous a promis de nous fabriquer une balançoire avec des cadres de vélos qu'il a récupérés.

Elles pourraient aussi repartir avec leurs parents et leurs soeurs, ajouta Georges, je suis sûr qu'elles ne révéleront rien. Et je pourrai aussi vous bricoler une tyrolienne avec des bouts de corde à sauter que j'ai trouvés.

Vous, dit le lion en nous regardant à peine, vous pouvez repartir. Pour vos parents, c'est différent. Nous avons le vaccin pour qu'ils redeviennent humains, mais si vous le voulez, il va falloir le gagner.

Comment ça, le gagner ? demandai-je d'un air curieux.

Voyez-vous, reprit-il, ce palais souterrain est très confortable et nous avons plein de gens à notre service, mais on s'ennuie un peu, ici… Alors on va organiser des jeux avec différentes épreuves, et si vous le remportez, vous gagnerez le vaccin pour que vos familles redeviennent comme avant, et elles ne se rappelleront de rien.

Trop bien: on avait vu tous les épisodes de Fort Boyard, alors rien ne pouvait nous surprendre. Je commençais à reprendre confiance. J'ai chuchoté à Emilie: “Tu vas voir, on va faire une super-équipe, gagner toutes les épreuves et repartir d'ici pour manger des tas de paquets de chips!”

Elle n'a pas répondu, mais elle avait les yeux qui brillaient comme des diamants et un petit sourire en coin qui en disait long. Non seulement elle ne m'en voulait plus, mais on allait être super-fortes toutes les deux.    

Et comme je suis beau joueur, reprit le lion, je choisis l'épreuve, mais je vous laisse choisir votre adversaire. Vous êtes prêtes ? Bon, la première épreuve sera un shifumi, en trois manches gagnantes !

Avec Emilie, on s'est chuchoté dans le creux de l'oreille pendant une minute, puis on a annoncé au lion : “Nous choisissons le pingouin !”

Le pingouin s'est avancé, et il s'est arrêté droit devant moi. Le jeu allait pouvoir commencer. Le lion s'est mis à compter: “Un… deux… trois !”

J'ai fait ciseaux, le pingouin a fait papier, comme je l'avais prévu. Un point pour nous. C'était maintenant au tour d'Emilie. Le lion recommença à compter : “Un… deux… trois !”

Emilie a fait ciseaux, comme on se l'était dit entre nous, et le pingouin a encore fait papier. 2 à 0 pour nous.

C'était de nouveau à mon tour.

“Un… deux… trois !”, fit le lion. Nous avons avancé nos mains, et… le pingouin avait encore papier, j'avais encore des ciseaux.

Trois manches à zéro, nous avions remporté cette première épreuve haut la main, et même les doigts dans le nez…

J'ai dit à Emilie:

Tu vois, je te l'avais dit, comme les pingouins n'ont pas de doigts, ils ne peuvent faire que papier, c'était un adversaire facile !

Oui, tu avais raison, c'est bien parti pour nous, me répondit-elle avec un clin d'oeil.

D'accord, c'était bien joué, reconnut le lion. Maintenant, plus difficile: concours de grimace contre nos champions en titre, les chimpanzés. Ceux qui feront la pire grimace remporteront ce match.

Là, on était mal: battre des singes à la grimace, c'était quasiment impossible ! C'est sûrement eux qui les ont inventées. Ce serait comme battre des brésiliens au foot, ou des italiens au spaghettis…

C'est l'équipe des singes qui a commencé. Mais ils avaient beau faire toutes leurs pires grimaces, en montrant leurs dents, en applaudissant avec les pieds derrière les oreilles, en faisant des lèvres à bisous, ou en s'emmêlant les bras avec les jambes, ni le lion ni les autres animaux ne riaient.

Ouais bof, fit le lion. Vous nous les avez déjà faites des millions de fois, celles-là. Si vous n'avez rien de plus marrant en réserve, on va passer aux filles pour voir de quoi elles sont capables. Bon, allez-y, c'est votre tour, dit-il en se tournant vers nous.

J'ai une idée, ai-je dit à Emilie en lui chuchotant dans l'oreille. On n'a qu'à refaire les grimaces qu'on a répétées à l'école pour la photo de classe, la maîtresse nous a dit qu'on était pire que des petits singes…

Oui, je me rappelle Anaïs, répondit-elle, le photographe n'arrivait même pas à faire sa photo tellement il rigolait !

Et on a fait notre plus atroce grimace à deux, avec la main gauche d'Emilie dans mon oreille droite, ma main droite sur son oeil gauche, sa main droite sous mon nez, mon nez dans son oreille, son bras droit sous mon genou gauche, les langues sorties, les yeux qui louchent et les pieds tordus. On doit être les seules sur Terre à maîtriser cette technique de grimace.

On avait à peine fini que tous les animaux ont explosé de rire, même le lion qui avait pourtant l'air de s'ennuyer ferme.

C'était gagné...A nous la deuxième épreuve. On a fait un check discrètement avec les mains dans le dos.

Les animaux ont mis dix bonnes minutes à s'en remettre, tellement ils n'en pouvaient plus, puis le lion a reprit:

Bien joué, les filles, il faut reconnaître que vous avez du talent… Mais attention, la prochaine épreuve ne sera pas facile: il va falloir affronter notre maître des énigmes. Si vous gagnez cette manche, vous aurez fini, mais si c'est nous qui gagnons, ça nous laissera une chance de revenir dans la partie…

C'est là qu'apparut le vieux gorille de tout à l'heure, celui qui prenait un jus de fruits avec notre ami Georges quand on a été repérées. Cette fois, il portait des petites lunettes rondes, il marchait en s'appuyant sur un grand bâton en bois et s'était enveloppé dans une sorte de vieux drap blanc.

Emilie m'a chuchoté dans l'oreille :

Nan mais t'as vu ? Il se prend pour le père Fouras, ou quoi ?

Ouais, c'est clair, j'ai répondu. Ou alors il a trop regardé le Roi Lion…

Ecoutez-moi bien, dit le vieux gorille d'une voix tremblotante, parmi tout le règne  animal, il existe une espèce qui ne connaît pas la soif. Saurez-vous me dire laquelle, et quel est le secret de ses étonnantes capacités?

Emilie me demanda:

C'est le dromadaire ou le chameau, qu'en penses-tu ?

Laisse-moi faire, lui répondis-je. Il cherche à nous embrouiller avec une question qui a l'air trop facile, mais fais-moi confiance, je maîtrise la situation.

Dépêchez-vous, ou alors peut-être préférez-vous donner votre langue au tigre ?

Pas du tout, nous avons la réponse: le seul animal qui n'a jamais soif, c'est le zébu, parce que quand zébu, zé plus soif, c'est bien connu !

Le vieux gorille eut l'air surpris, et aussi un peu vexé, je l'ai bien vu, que l'on arrive à répondre aussi vite…

Mon papa nous la fait tout le temps, celle-ci, on ne risque pas de l'oublier, dis-je à Emilie en lui faisant un clin d'oeil.

A votre tour, maintenant ! lança le gorille-Fouras en nous regardant avec insistance, bien décidé à prendre sa revanche.

Laisse-moi faire, cette fois, me dit Emilie, je connais une énigme qu'il n'arrivera jamais à trouver.

Puis, en s'adressant au vieux singe:

Toi qui a l'air de tout savoir, peux-tu nous dire quelle est la capitale du Tamalou ?

Et là, d'un seul coup, le vieux singe perdit son air de vieux sage, et prit un air complètement idiot, comme le cancre de la classe à qui la maîtresse pose une question et qui est incapable de répondre. Au bout de 2 minutes, il était toujours planté comme un radis devant Emilie, les yeux comme des navets, et la bouche grande ouverte. Emilie, d'un air triomphant, lui dit alors:

C'est pourtant facile, la capitale du Tamalou, c'est Gébobola ! Tous les enfants le savent !

Le vieux singe avait l'air bien vexé de s'être laissé prendre au piège par une histoire pour enfants, mais après tout, tant pis pour lui: il n'a qu'à écouter plus souvent les enfants, aussi…

Avec Emilie, on s'est jetées dans les bras, folles de joie: on avait remporté les trois épreuves, et on allait enfin pouvoir sortir de là avec nos parents. Le lion riait à gorge déployée en secouant sa crinière, et notre ami Georges avait l'air fier de nous. Il faut dire qu'on avait été bien plus malines que les animaux...

Ha ha ha ! fit le lion en s'essuyant des larmes de rire du revers de la patte, on peut dire que vous avez réussi à mettre de l'animation, toutes les deux ! Allez, vous avez bien mérité la victoire, on va s'occuper de vous rendre vos parents en bon état...

Bravo les filles ! nous félicita Georges, vous faites une belle équipe, toutes les deux. Ils vont sûrement se rappeler de vous longtemps !

C'était vrai, on avait été super-fortes dans ce jeu. Il faut dire aussi qu'on avait à peine besoin de se parler pour se mettre d'accord. Georges nous a raccompagnées à l'ascenseur-salle-de bains, puis nous a conduit à la boutique où l'on devait retrouver nos parents. Au passage, il en a profité pour récupérer des barrettes à cheveux trouvées par terre. Peut-être allaient-elles finir entassées chez lui, ou bien transformées en machine extraordinaire pour le monde du dessous…

Allez, je dois vous laisser maintenant, dit Georges. Ne m'oubliez pas, et on ne sait jamais, peut-être que nous nous retrouverons dans de nouvelles aventures…

Il nous a fait un câlin, un bisou sur le front, et il est reparti dans les allées du zoo, sûrement à la recherche d'objets que les gens auront perdus dans la journée.


Epilogue

Des souvenirs à laisser, d'autres à emporter

Nos sœurs étaient bien dans la boutique en train de choisir des peluches-souvenirs, pendant que les papas discutaient à la machine à café. Ils avaient l'air de ne s'être rendu compte de rien. Les mamans nous ont vu arriver et elles sont venues vers nous.

Où étiez-vous ? demanda Maman, on vous attendait pour choisir un petit souvenir !

Oui, et c'est qui ce type bizarre qui se promène dans un zoo avec un costume à rayures et un noeud papillon ? ajouta la maman d'Emilie, vous ne devez pas parler aux inconnus, surtout quand ils ont l'air de vieux fous !

Emilie répondit d'un air détaché :

On s‘est perdues en allant faire pipi, c'est le gardien du zoo qui nous a raccompagnées. C'est vrai qu'il a l'air bizarre, mais il est gentil…

Nos soeurs ont choisi leurs peluches. Juliette a pris un pingouin; Margot a choisi un joli flamand rose; Agathe s'est précipitée vers l'ours blanc, je lui proposerai de l'appeler Sacha Poty, en lui expliquant que ça ferait un super nom pour un ours polaire… Emilie a pris le gorille, en me disant avec un clin d'oeil : “Quand tu viendras jouer chez moi, on le déguisera en père Fouras !” On a bien rigolé. Et ce n'était pas fini… Moi, j'ai choisi le lion. Après tout, il était bien sympathique, et plutôt bon joueur…

Sur le chemin du retour, on écoutait la musique tranquillement dans la voiture, tous bien fatigués. Puis Maman dit à Papa:

Dis donc, ça sent fort dans la voiture ! Il y a un animal qui s'est caché dans le coffre, ou quoi ?

N'exagérons rien, répondit Papa, ça ne sent quand même pas le phacochère!

Si seulement ils savaient… Mais c'était notre secret avec Emilie, et on ne le dirait jamais à personne. Arrivés près de la maison, la voiture d'Emilie a tourné à gauche au feu pour rentrer à sa maison, tandis que nous avons continué tout droit. Emilie m'a fait coucou de la main pour dire au revoir, et je lui ai fait pareil, avec un gros clin d'oeil.

En tous cas, maintenant on savait à quoi ça servait, d'êtres amies: on pouvait se disputer pour vraiment n'importe quoi, mais quand même compter l'une sur l'autre pour être plus fortes ensemble quand on en avait vraiment besoin. Et puisqu'on était les plus fortes, ça voulait forcément dire qu'on était les meilleures amies...


FIN

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