peau blanche / peau hâlée

My Martin

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Un jour, avec des os de cerf, Athéna (déesse de la sagesse) confectionne une flûte double  

 

L'aulos double. Instrument à vent à perce conique (forme intérieure ; comme la clarinette) et anche double (le son est produit par deux languettes mobiles ; comme le hautbois) 

En réalité deux instruments à la fois, ce qui permet de réaliser des accords 

 

Sur l'Olympe, au banquet des dieux, Athéna joue de sa flûte 

 

La musique charme les dieux mais Héra (sœur et épouse de Zeus) et Aphrodite (déesse de la beauté et de l'amour) cachent leur visage derrière leurs mains -elles pouffent de rire 

 

Contrariée, Athéna se retire dans un bois de Phrygie 

Au bord d'une rivière, elle joue de la flûte, regarde son reflet dans l'eau : ses joues sont gonflées, son visage est congestionné. Comique  

Furieuse, Athéna jette la flûte au loin et lance une malédiction à quiconque viendrait à la ramasser 

 

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Marsyas est un satyre de Phrygie -créature des bois, mi-homme, mi-bouc. Cornes, oreilles pointues, membres inférieurs et sabots, queue au bas des reins 

Sexe frémissant. Amour du vin 

 

Il trébuche sur la flûte, la ramasse, la porte à ses lèvres. Aussitôt, la flûte se souvient de la mélodie interprétée par Athéna et se met à la jouer  

Marsyas est enthousiaste (possédé par le divin) ; dans la suite de Cybèle ("caverne", la divinité des cimes boisées), il parcourt la Phrygie  

Il enchante les paysans ; ils interrompent leurs travaux des champs, chantent, dansent 

 

Marsyas est acclamé. Sa renommée s'étend dans la contrée 

Vraiment, même Apollon ne saurait jouer de sa lyre, plus mélodieusement  

 

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L'histoire vient aux oreilles d'Apollon -dieu des arts, du chant et de la musique. "L'Oblique", aux oracles ambigus 

Il s'en vient à la rencontre de Marsyas, qui s'entraîne sur son instrument, seul dans la forêt 

Il lui propose un concours ; le vainqueur disposera du vaincu, à son gré 

Marsyas réfléchit un instant et sûr de son talent, accepte 

 

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Le jury se rassemble. Midas, le roi de Phrygie, et les satyres 

 

Le concours se déroule. Midas hésite. Marsyas ? Aucun vainqueur ne s'impose vraiment  

 

Apollon dit à Marsyas. Je te défie de faire ce que je fais ; tourne ton instrument à l'envers, joue et chante en même temps 

 

Avec sa lyre, Apollon s'exécute, virtuose 

 

Avec sa flûte, Marsyas ne peut rivaliser  

 

Le jury se prononce ; Apollon, vainqueur 

 

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Apollon attache Marsyas à un pin  

Il l'écorche vif  

Il jette la peau dans une grotte, d'où s'écoule une rivière -la rivière Marsyas. Un affluent du fleuve Méandre, en Anatolie, qui se déverse dans la mer Égée 

 

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Pour le stupide roi Midas, des oreilles d'âne 

 

 

Dans l'Antiquité, la statue de Marsyas orne souvent les places publiques -pour mettre en garde contre l'orgueil. A Rome, sur le forum 

Les poètes latins Horace et Martial évoquent cette statue -les jeunes gens se rassemblent près d'elle et la parent de colliers de fleurs 

 

Dans les colonies romaines. La statue devient un symbole de leur autonomie 

 

 

Italie, Naples. Museo nazionale di Capodimonte  

Le Supplice de Marsyas 

 

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Sujet mythologique, notamment repris des Métamorphoses d'Ovide (VI) -Ier siècle, poète latin. Plusieurs centaines de courts récits, sur le thème des métamorphoses des dieux, issus des mythologies grecque et romaine 

 

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Présentés conjointement, deux tableaux. De composition proche -Marsyas au sol  

Les deux œuvres sont construites sur la diagonale de l'arbre, Luca Giordano en miroir par rapport à José de Ribera 

Un violon au sol, une flûte de Pan (série de tuyaux d'inégale longueur, assemblés en radeau) accrochée à une branche 

A gauche, un arbre au tronc cassé 

 

Apollon, sa cape, violet mauve pâle  

Marsyas, le visage mutilé  

Les satyres, au désespoir  

 

 

José de Ribera. 1591-1652 -le Spagnoletto, en raison de sa petite taille 

École napolitaine, baroque. Peintre et graveur espagnol. L'un des représentants du ténébrisme de Caravage -la lumière devient le moyen de l'existence des formes 

Ribera (46 ans). 1637. Huile sur toile. 182 × 232 cm 

Ciel rougeoyant 

Apollon, à la couronne de laurier ; à la main, un morceau de peau sanglante 

Le dieu prend plaisir à supplicier Marsyas 

 

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Luca Giordano. 1634-1705 

École napolitaine. Peintre italien baroque, disciple de Ribera. Antonio, son père (artiste peintre) l'a surnommé "Fa Presto" -fait vite 

 

22 ans après Ribera, Giordano (25 ans) illustre le même thème  

Apollo e Marsia 

1659-1660. Huile sur toile. 205 × 259 cm 

 

Ciel obscur 

Longs cheveux blonds, Apollon juvénile ; le pied gauche sur l'aisselle droite du satyre, pour le plaquer au sol 

Apollon écorche la jambe de Marsyas 

 

 

Apollon / Marsyas 

L'élite / le peuple 

L'art officiel (la lyre) / la musique populaire (la flûte) 

 

Les influences apolliniennes -l'ordre, la mesure, la maîtrise de soi 

Les influences dionysiennes. Dionysos -dieu de la vigne, du vin, de la fête. L'erratique, l'insaisissable, le sensitif 


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