Perles de pluie
aupaysdespates
Je dois remplir cette page et une fois de plus elle est vide comme l'air. Et même l'air est plus rempli que cette putain de feuille blanche. Les mots accrochent, les mots dérapent, ils glissent, ils s'agrippent, ils trahissent. Même eux sont infidèles. Alors comment remplir cette page qui se vide avant même d'être noircie. Nous notons des caractères, les lettres apparaissent les unes après les autres mais elles deviennent transparentes. Elles ne sont que le doux mensonge de la vie que l'on se crée. Cette vie que l'on invente, que l'on imagine, que l'on vend aux autres en espérant qu'ils soient avides de nos conneries. Nous tirons de ces mots un espoir inutile; on espère qu'ils pourront nous faire croire que nous sommes géniaux, extraordinaires, mais non. On se rend compte en les lisant que notre vie est d'une banalité consternante. Que nos actes ne sont ni glorieux ni héroïques, mais au contraire d'un conformisme affligeant. Allez viens, nous construirons ensemble la nouvelle déchirure. Et c'est toi que je pleurerai demain quand tu m'auras laissée, quand tu m'auras repris bien plus que tu m'auras donné.
Le chaos de ma vie absorbé par l'évidence, le monde regarde au loin, immobile. Il est l'heure de partir, mais la joie bordel, où est-elle ? Les gens nient, les gens refusent; ils s'agrippent et s'accrochent à l'ombre de leur vie. Le temps invisible passe, lumière dissolue d'un monde éphémère. Le monde est immobile, parasite incolore d'une vie sans couleur.
Je fuis la normalité trépassante. J'ignore le regard de l'autre qui ne comprend que l'ordinaire. La banalité comme miroir de leur vie; ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie. Allez viens, c'est sûr qu'on peut rester tout seul, mais on a vraiment toute la vie pour ça. Allez viens, tu vois y’a mille et une raisons pour pas rester seul comme un chien.
Le doute comme rempart au risque. Mais avec le temps va, tout s'en va, même les perles de pluies sur mon visage. Le doute comme l'ombre de ta main, comme l'ombre de ton chien. Mais avec le temps tout peut s'oublier, même la chaleur d'un regard au détour d'un pourquoi; avec le temps va, tout s'en va, même le plaisir de mes yeux qui s'enfuit avec toi.
Sur lui je tire un trait, un trait rempli de pleins et de déliés. Je tire un trait rempli de demain et plein d'hier. Je tire un trait sur le présent, sur l'ombre et le passé; sur lui je tire un trait d'or et de lumière. Me mettre en danger, rencontrer. Besoin d'autre chose, de reconstruire, d'essayer. Je suis l'équilibriste qui vient de finir sa bouteille, ô alcool. Celui qui enivre. Celui qui fait gerber. Celui qui rend triste quand le clown entre en piste, allez viens. On laissera nos casseroles au vestiaire, on ouvrira un peu les yeux, on se sentira un peu moins vieux.