Petit être
helene-marche
Aimer, rien de plus naturel ! Tout humain est en quête d’Amour. La pérennité nous pousse, parfois inconsciemment mais plus souvent irrésistiblement, vers cette fusion de corps. Moments d’extase, de passions endiablées… ! Après de nombreuses chevauchées dédiées à Eros…, quelques semaines plus tard… une sensation curieuse de nausées dérangea mes réveils.
Miracle de la fécondation, un début de vie germait dans mon ventre et emplissait déjà mon cœur d’une joie immense. Un petit être grandissait et tendait ma peau comme une outre. À chaque échographie, apparaissait de plus en plus perfectionné ce fœtus qui portait déjà un nom.
Plus je m’arrondissais, plus ma démarche ressemblait à celle d’un pachyderme. Ma silhouette avoisinait celle du bibendum, égérie des pneumatiques !
Mon corps filiforme n’était plus qu’un lointain souvenir mais cela n’engendrait en moi aucune mauvaise humeur contrairement au temps passé où le moindre surpoids me déprimait ! Cet état de rondeur généralisée, d’abdomen gonflé tel un ballon de rugby, me donnait une fierté immesurable de « couveuse ».
Combien de fois ai-je sursauté à l’assaut de ses coups de pieds, des cabrioles que ce « petit être » s’autorisait, se mouvant dans le liquide amniotique ! Que le statut de femme enceinte est agréable ! Ah, Si les hommes savaient …. ! Qu’il est doux de se faire dorloter, d’être l’objet de mille et une attentions !
Bien que sa venue au monde ait été imminente, je me surprenais à vouloir le garder encore quelques semaines. Je redoutais l’instant où les douleurs de l’enfantement allaient écarteler mon corps et où j’entamerai l’ultime étape de parturiente.
La délivrance arriva en pleine nuit, à l’heure où Morphée veille sur nos rêves. Le temps sembla s’arrêter. Plus rien ne revêtait d’importance à l’exception de cette boule de cheveux qui tentait lors d’une dernière poussée de s’extirper de mes entrailles. Après un dernier effort, entre mes cuisses sanguinolentes, apparut mon enfant, mon bébé. Ses cris semblaient un appel au secours, un déchirement dû à la séparation de ce cocon aquatique qui l’avait protégé depuis sa conception.
Je pris ce petit être tout contre mon ventre. Il s’apaisa aussitôt et s’endormit au son de ma voix. Dès qu’il s’agita de nouveau, il chercha le bout de mon sein et se mit à téter. Les muscles endoloris, les contractions, les spasmes, toutes les souffrances de l’accouchement s’évanouissaient pour ne laisser place qu’à un sentiment d’infinie tendresse. Sentir le souffle de cet enfant sur ma poitrine, ses petits doigts serrant mon pouce, indescriptible sensation de la jouissance maternelle ! Le cordon ombilical ne l’unissait plus à mon corps mais je restais son oxygène, son seul horizon.
Serait-il pensable qu’un lien aussi fort liant une mère à son enfant puisse se rompre un jour même s’il se distend quelque peu tout au long de leur existence ?
Jusqu’à mon dernier souffle de vie, le plus beau souvenir rayonnant en moi restera les instants de bonheur, de plénitude, d’échange osmotique avec ce petit être conçu par amour et qui deviendra à son tour adulte.
Hélène Marche