Pleurs

taeco

Court récit sur ma vie, mes pleurs et mes douleurs mais aussi mon père.

Je n'aime pas mon père.

Ce n'est pas nouveau et pourtant, la douleur est toujours là. 

Peut-être parce que c'est celui qui m'a donné la vie, peut-être parce que j'espère un jour qu'il s'excuse pour ce qu'il a fait, ce qu'il a dit, ce qu'il m'a répété.

Des mots impardonnables et pourtant, qui attendent une explication, une réponse, comme un appel à l'aide.

Des mots qui tournent, sans but, sachant qu'ils ne pourront sûrement jamais être comblés, sûrement parce qu'ils ne méritent pas d'attention.

Et pourtant, je leur en donne, ils sont attachés sur moi, ils ne me laisseront pas, ils ne me laisseront sûrement jamais.

Mais il ne faudrait pas qu'il m'envahisse complètement, pour éviter que je ne pleure. Je le fais déjà trop. Mais plus devant lui, en tout cas, j'essaye. D'après lui, je chouine quand même trop, bien qu'il ne soit là que pour une infime partie de ces moments.

Et surtout, c'est chouiner et non pleurer.

La différence est là. De faux pleurs et des larmes qui, elles aussi, doivent être fausses. Et d'après lui, c'est mon cas, je ne pleure pas réellement, jamais, je fais semblant et pourtant, je sens bien ses billes de chaleurs glisser sur mes joues.

Elles n'existent certainement pas ou alors, elles ne méritent pas d'être là et pourtant malgré moi, elles coulent.

Et j'ai beau essayer de les empêcher, je n'arrive pas à les faire disparaître et alors peut-être qu'elles n'existent pas puisqu'elles ne partent pas ou alors, peut-être qu'elles sont, à ce jour, toujours là coincées dans mes yeux, mes joues, mon cou.

Alors, oui, je chouine souvent, peut-être pour des choses que tu considères inutiles, des choses que je considère sûrement importantes, mais mes sentiments ne le sont pas, alors je vis avec, sans pouvoir les partager. 

Sans pouvoir partager quoi que ce soit par peur qu'on me rappelle que j'invente souvent, que je mens souvent. 

On ne peut pas me faire confiance, je mens. Que cela soit vraiment le cas ou non, je n'ai pas le droit de parler, donner mon avis, mon ressenti, quoi que ce soit, même pour moi-même. 

Il faut se taire, ne pas faire de vague, espérer pouvoir, juste, être tranquille. 

La plus grande ironie, c'est que lui aussi ment sur sa vie. Mais d'un mensonge qui fait mal. Une tromperie pour tout le monde. Et pourtant lui a le droit de parler, de crier même s'il veut. 

Tout le temps.

Et il ne pleure pas, jamais.

Sûrement, car c'est pour les faibles, et que c'est une honte de pleurer. Et pourtant, je n'y suis jamais arrivé pas, je n'y arrive toujours pas. Je pleure. Réponse incompréhensible de mon corps, mélangé de haine, de peur, de dégoût, des fois de joies. Émotions que je ne contrôle pas malgré le fait que je les connaisse si bien. Un moyen censé te permettre de te libérer et pourtant qui n'arrive pas à partir. Tout le temps-là, même quand "ça va". 

C'est comme si mes larmes me définissaient, comme si c'étaient les seules qui me permettaient de vivre, même un tout petit peu plus longtemps. Juste le temps de pleurer encore. 

Bien évidemment, sans qu'on ne me voie, sans qu'on sache. Et si quelqu'un a un doute, il faut sourire, encore plus que la joie elle-même. Un sourire pour faire oublier. Un sourire pour cacher quelque chose qui fait peur aux gens, la tristesse, une émotion que personne ne doit ressentir, même si elle est là, même si elle est tout le temps-là. 

Cacher, trop souvent. Comme s'il y avait la personne qu'on devait vivre, et nous-même. 

Alors, oui, je pleure, des larmes chaudes et pourtant pas réconfortantes. Des larmes que personne ne mérite de voir, car elle-même ne mérite pas d'être là. Des larmes qui pourtant laissent des traces, à cacher, comme le fait d'avoir à un moment donné pleuré. Peut-être pour pas-grand-chose, quelque chose déjà suffisant, mais jamais assez. Et pour éviter de devoir s'expliquer, comme si une erreur avait été faite, comme si un crime avait été commis, ces larmes doivent disparaître. En espérant qu'elles n'avaient jamais existé, que la douleur n'était que passagère, que les mots s'étaient soudainement envolés. 


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