Point-Virgule

morrison

La ligne jaune au milieu de l'asphalte défilait à 70 mph, éclairée par les seuls phares de sa Ford Mustang.

Ripley fumait sa troisième Lucky Strike d'affilée.

Elle était légèrement nerveuse. Elle devait aller le voir. Elle le savait, elle en était même sûre. Elle avait payé un détective privé pour savoir s'il était à cet endroit, quand elle avait su qu'il était revenu.

A la radio la dernière chanson de Lana Del Rey avait laissé place aux infos.

Pffff… les infos… les news… Toujours la même chose en boucle. Des soi-disant experts qui racontaient les mêmes conneries encore et encore. Il faut dire qu'il n'y avait qu'un seul sujet en ce moment : le retour des morts. Et pas n'importe lesquels, non. Uniquement ceux qui avaient commis des pêchés. Ceux qui avaient quelque chose à se faire pardonner. Alors les experts spéculaient sur le rachat, la rédemption. Mais le fait était quand même là : seules les pires pourritures étaient revenues.

La Mustang ralentit et tourna à droite en plein désert.

Il y a cinq ans, son mari était parti avec leur fille dans leur chalet, ce chalet, pour quelques jours de repos. Les deux corps avaient été retrouvés mutilés après plusieurs semaines de recherches. L'enquête consécutive n'avait rien donnée.

Mais aujourd'hui, cinq ans plus tard, c'était son mari et rien que son mari qui était revenu. Pourquoi ? Qu'avait-il à se reprocher ?

Elle coupa le moteur et se pencha vers la boîte à gant. Elle sentit dans sa paume la morsure froide de l'arme automatique avec plus de réalité que d'habitude. Son regard s'arrêta sur son poignet, sur son tatouage, le point-virgule. Symbole de sa lutte contre la dépression. Les larmes montaient mais elle refusait de laisser céder la digue.

La porte du chalet s'ouvrit, laissant échapper une colonne de lumière. La plus sombre des lumières qu'elle n'ait jamais vu. La silhouette se dessinait dans l'encadrement.

Avec une main tremblotante, elle ouvrit sa portière et se dirigea vers cette chose.

Elle avait envie de lui hurler : « Qui êtes-vous ? Pour qui vous prenez-vous ?  ».

Mais rien ne sortait.

Elle leva son arme.

Personne ne sait si le coup est parti.

Personne ne vous entend crier dans le désert.


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