Portée pâle

Florence. Seg

On s’était pourtant juré de ne plus recommencer, mais à qui la faute si ce n’est à l’oubli de ce plaisir si simple, cette délectation de la banalité. Le réveil a sonné mais on feint la maladie à demi-conscient, et on enfoui son visage boursouflé de langueur dans l’épaisseur maternelle des draps. Après quelques minutes de délibération intérieure, alors que la culpabilité commençait à poindre, on dégaine l’arme fatale de la persuasion et la confiance reprend prise sur un corps à l’apparente inertie.

Cils en bataille, les yeux s’ouvrent et se ferment en cadence et notre concentration fait ses preuves : Un bourdonnement ténu semble avoir saisi l’oreille gauche. Infime certes, il la dévorera bientôt toute entière. Si on joue de l’élasticité factice des mots, on pourrait parler d’un handicape, de ceux qui  nous dispensent naïvement du labeur quotidien : impossible de sortir avec cette bestiole butineuse de matière grise…et puis il y a bien autre chose. Oui, une chaleur dans le creux de la nuque… pas la trace molle d’un baiser dans le cou d’albâtre neigeux. Non, plutôt comme une douleur latente qui s’épanouirait dans le ravissement bateau des choses. A l’occasion on baptisera ça migraine et ça fera l’affaire. En dernier recours, on invoquera les maux de ventre, une valeur sûre. Un basic indémodable.

C’en est fait, l’alibi est dressé, la permission de complaisance signée : on se vautre dans une paresse illicite, et si des lattes du sommier suinte un grincement accusateur, c’est pour que soit mieux appréhendée la situation.

 Enlacé par les bras d’un sommeil pernicieux, on sombre, mi-figue mi-raisin, en alternance entre l’onirisme et le crissement des pneus blotti derrière le double-vitrage protecteur.

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