Portrait de Charles
Vérole Flynn
Il se plaisait à traîner parmi les marginaux, les "paumés". "Eux seuls ont compris la vie" aimait-il à dire à tous ceux qui lui reprochaient ses fréquentations. Il était pourtant riche héritier d'une longue lignée de marchands d'art, il ne travaillait pas et vivait de ses rentes, ce qui lui laissait loisir de peindre et d'écrire. Et de s'aventurer dans des milieux interlopes. Il connaissait toutes les prostituées de sa ville et en faisait même des portraits, certes très médiocres, mais il ne se vantait pas d'avoir du talent. "Ma famille a vécu du talent des autres, j'exploite donc mon seul talent : celui de ne rien faire". Il ne cherchait pas de but précis à l'existence, et ça lui plaisait ainsi. Il avait pris quelques coups dans des bagarres d'ivrognes de bar, et il n'appelait pas la police pour autant. Il craignait plus les flics que les voyous, c'est dire...
Il était tombé amoureux plusieurs fois de filles pas trop fréquentables, dont une lui avait coûté un bras avec ses frasques à la petite cuillère... Comme il l'aimait cette fille, une déjantée notoire qui le trompait allègrement avec des petites frappes de passage. Il en pleurait parfois, puis se remettait à boire avec passion une bouteille de rhum trente ans d'âge. Il était amateur de musique également, il jouait dans un petit groupe de rock garage dont le répertoire comprenait une reprise un peu énervée de "Constipation Blues". Il la dédicaçait volontiers à sa famille et aux membres de sa classe sociale d'origine. Il crachait sur son éducation dans des établissements pour gosses de riches. Selon lui, on ne pouvait en ressortir que "taré ou anarchiste, voire les deux".
Il vivait à 100 à l'heure, il mourût à 200 à l'heure. Avec sa moto, il s'emplafonna sous un camion qu'il n'avait pas réussi à éviter. Ce ne fût pas joli à voir. Il n'eût pas droit à l'enterrement rock'n'roll qu'il souhaitait si quelque chose lui arrivait, sa famille s'y opposa. Mais quelques amis viennent le voir régulièrement sur sa tombe, et boivent des bières en son honneur. Ça lui aurait plu, je crois...
Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Eh bé oui ! ;o)
· Il y a presque 7 ans ·Hervé Lénervé