Prostituez-moi /Chapitre IV - Stop , retour en arrière , Play

alice--2

« C’était si bon la première fois. »
Vincent Ravalec

Bien sûr , il y avait eu la drogue et les promesses de quelques heures souveraines , à se sentir décapé de l'intérieur , comme lavée d'autant de choses sales. Un moyen aussi distrayant que de se taper la tête contre du crépi en essayant de trouver la faille. A voir autant de queues dans un laps de temps si réduit ne la perturbait pas , mais il y avait ce sentiment incroyable qui ne correspondait à rien , cette émotion froide de ne rien ressentir lorsque le corps étranger pénétrait parfois avec violence en elle. Elle avait longtemps imaginé une carrière dans le porno , mais s’était résignée trop facilement en prétendant qu’imprégner sa famille et ses amis de ses vices , lui apprendrait la solitude. Sorte de revers de médailles dans les dents , choisir cette voix , c’était choisir de vieillir seule , à se lobotomiser le cerveau de se rendre compte que tous les loisirs du monde ne font pas le bonheur.

Un client lui avait fait goûter sa première trace de coke , un soir de pleine lune. Elle s’en souvient parfaitement , du croissant doré et étincelant cette nuit-là. Elle s’imaginait les cratères en grands parcs d’attractions , nouée de la tête au cœur , la vue dégagée , elle interrompait volontairement le flot de ses pensées pour lécher ses doigts , en tentant d’identifier chaque saveur. Du sperme , beaucoup de spermes , de la sueur et de l’amertume féerique de la poudre blanche. Le crâne prêt à imploser , elle était grande et reine dans son costume de putain , mise à nue , délectable femme aux airs d’amazone. Se couper un sein lui avait traverser l’esprit , comme une flèche retraçant le parcours de son enfance , de son adolescence , la victoire était au bout de la paille argentée.

Une heure , tout au plus. Et la réalité l’avait de nouveau enfanté.

Cette sensation de totale osmose l’avait plongé dans un coma aux allures de feux d’artifices. Elle avait été bien , quelques heures pour reconnaître en une fraction de secondes qu’un seul mot peut tout apaiser d’un état de conscience , d’un état de paix ; elle avait été BIEN , point. Elle ouvrait les guillemets elle-même : « Ce que je suis bien. »

Pourtant elle avait déjà pris goût au bonheur , quelques années plus tôt le temps d’une rencontre , à peine quelques mois pour s’offusquer que le temps passait trop vite. S’était trouvée cruche de s’être abandonnée si rapidement , à un homme , qui plus est. Des mâles , elle ne connaissait que leurs sexes partant en guerre contre le sien , à force de coup de rein , se prouver à soi-même que l’on est unique . Aller voir une prostituée pour assouvir une quelconque envie n’était pas élevé au même rang crade  que de payer pour du cul. Dans le cerveau de ceux là , rien de tout cela n’apparaissait , ils ne donnaient pas leurs oseilles pour niquer , non , ils faisaient un don en échange d’une service rendu. Rien de bien dégradant.

C’était pour cela qu’elle en avait redemandé , de la drogue. Pour ne plus à avoir à compatir devant leurs tronches minables d’hommes aux besoins répréhensifs , elle voulait faire son métier , le plus vieux du monde , sans se sentir dégrader de l’intérieur. Mais tout cela manquait d’actions , de suspens irrévocables. Il y avait une porte de sortie , elle se dressait pas très loin des nuages poudreux , où lorsque celui qui possédait l’ultime clé , pouvait se rendre sans compter , et s’extasier devant autant de blancheur merdique , de puanteurs aux effluves âcres. Parce qu’il y avait quelque chose en tout ça , il y avait l’instant qui profanait le temps. Et plus tard , quelques secondes après , le voyage astral commençait. Et tout recommençait. Toujours.

Il y avait eu la cocaïne , puis l’héroïne. En rien les deux n’étaient comparables. Le cerveau vouté , le bonheur pétillant devant ses yeux , elle distinguait parfaitement les deux produits et prenait un plaisir ardent , à jouer avec le temps. Le nez était l’orifice recommandé , ailleurs il était difficile de se décharger la dope. Le « poison » n’en devenait pas moins excitant , mais s’il y avait dépendance , il n’y aurait plus jamais eu plaisir.
Virginie s’était d’abord contentée d’aspirer par le pif les longues traces blanchâtres posées délicatement sur un livre , sur un CD. Chaque ligne coulaient lentement et profondément au fond de sa gorge. Le goût était étrangement dégueulasse mais l’aspect d’une chose n’a parfois pas la valeur de ce qu’il en dégage. C’était cette longue coulée , précisément , qu’il lui provoquait toute cette grâce dont elle était si reconnaissante.

Elle se lassait si rapidement du jeu de pailles , qu’elle obtenu d’une pharmacie , un moyen beaucoup plus distrayant de s’occuper les méninges. La seringue avait cette forme phallique , munie d’une dard piquant tout au bout. Un sexe grandeur minuscule lui pénétrant en dedans , fouillant ardemment ses veines , son sang.

Cette fois , inlassablement ses gestes se ritualisaient , elle s'exécutait comme une automate espérant calmer cette carcasse de chair qui ne demande qu'une injection intraveineuse pour se sentir consoler. Installés sur la table , le matériel et la drogue imitaient la noirceur d'une vie où l'innocence n'existerait plus. A l'aide d'une paire de ciseaux , elle coupait la partie brulée d'un pochon en plastique contenant les particules blanches de l'héroïne. La petite cuillère offrait généreusement ses courbes et se laissait attendrir par le produit .Presque instantanément l'eau le rejoignait , le mélange des deux éléments était rapide et succinct , tout aller vite , tout aller toujours trop vite avec la came. Elle allumait le briquet en repensant méthodiquement à toutes ces années fugitives laissées derrière elle , rien ni personne ne pouvait y changer quoique ce soit. Elle secouait la tête en essayant de chasser l'idée robuste de son esprit. L’aiguille aspirait le liquide brunâtre encore bouillant , l'incarcérait à l'intérieur d'elle et le libérait quelques instants plus tard dans une veine de son corps. Et tout aller mieux. Et tout était tellement beau.

C’était un matin , lorsque les premiers frissons d’un manque avait apparu , bloquant sa respiration , la retenant du bout des doigts dans cette atmosphère louche et critique , qu’elle avait eu cette idée.

Son physique absent avait rejoint le balcon , elle avait juste à attendre maintenant , attendre que les flammes qui brulaient en elle s'échappent , que tout s'apaise. La balustrade avait retenu son poids , l'avait aider à se maintenir , elle avait reprit son souffle et à cet instant , elle était convaincue d’avoir eu raison .Le choc sur le sol fut irréel , le petit pochon en plastique rempli de drogue s'étala sur le trottoir sans bruit. Les passants continuèrent leurs ballades matinales affublés de leurs problèmes respectifs au début d'une journée habituelle , mais au sixième étage d'un immeuble miteux , il y avait Virginie qui ce jour-là , avait choisit la liberté sans dépendances.

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