(Psycho) La perception du Monde par le Cerveau.

Hervé Lénervé

Non ! Je ne parle pas de moi.


( Huile sur toile 70 x 50 made in Chasseigny. Bon Ok! j'ai encore merdé sur le cadrage, la vache c'est pas facile!)

§15

On a tendance à penser que le cerveau, hormis les fonctions neurovégétatives, traite les informations, les stimuli pour faire plus pro, comme une grosse éponge, il prend tout tel quel pour en faire une mayonnaise à sa sauce, on imagine déjà la gueule l'éponge. Oui et non ! Des motivations physiologiques œuvrent sournoisement aussi, tapies dans l'ombre des liaisons synaptiques.

Prenons une anecdote quotidienne. Vous empruntez un chemin familier en ville, vous l'avez parcouru, maintes fois, déjà dans vos rêveries de marcheur solitaire (taisons le genre de fantasmes solitaires que  peut avoir le péripatéticien, cahin-caha, chemin-cheminant). Pourtant, ce jour, vous êtes sorti de chez vous sans prendre votre copieux petit déjeuner matinal, une choucroute garnie, il était trop tard, trop de choses à faire. Vous vous hâtez donc et sur le chemin qui mène à votre bureau, à votre atelier, à l'usine, aux champignons et vous apercevez alors une boulangerie que vous n'aviez jamais repérée par le passé sur le trajet passé « Super ! Ils ont bien fait de la construire pendant la nuit. » Vous pouvez donc ainsi, éviter de justesse de mourir d'inanition.

En fait votre cerveau avait déjà noté l'emplacement de cette boulangerie, mais il gardait cela pour lui. Eh, oui ! Il ne dit pas tout, le cerveau, c'est un petit cachotier. Sans la motivation de la faim cette information n'était pas pertinente, aussi il ne servait à rien de vous encombrer les méninges avec de telles broutilles. Le cerveau classe, série, trie et restitue selon les besoins physiologiques ou psychologiques aussi. Nos états d'esprits, nos vagues à l'âme, nous font voire différemment le décor qui pourtant, lui, est bien toujours le même par manque d'imagination et d'ambition.

Il arrive parfois que les stimuli soient trop nombreux pour être correctement traités, c'est le cas dans les magasins qui poussent à la consommation par des lumières, des couleurs flashy, des affiches, des annonces, des amoncellements de produits bariolés tous plus attractifs dans l'exubérance les uns que les autres, dans le seul but d'attirer un peu d'attention. « Hep, hep ! Achète-moi-toi-là, trou, la, la ! Espèce de petit trou du cul ! Ce n'est plus de la pub, c'est du racolage ! » Ici, il y a saturation et les images se diluent dans la mayonnaise cérébrale. Le cerveau rejette pour éviter le bug et l'effet des publicitaires tombe à l'eau sous le joug de la compétition concurrentielle effrénée de nos Sociétés de surconsommation.

Maintenant le cerveau ne se contente pas d'enregistrer seulement les entrées, il leur donne un sens également, s'il n'y arrive pas, il y a un problème, l'information est ambiguë et il n'aime pas l'ambiguïté, le cerveau. Il faut le concevoir comme une machine adaptative de l'individu à son environnement, il n'a pas d'autre but, pour la survie de de l'individu qu'il habite ou qui l'abrite, puis celle de l'espèce, mais là, cela dépasse ses compétences. Si un serpent représente un danger, il doit se voir comme un serpent. Si le serpent ruse par mimétisme, en prenant les apparences de ce qu'il n'est pas dans les desseins malveillants inhérents à la perfidie de son espèce, (n'importe quoi ! Hé, l'autre !) c'est un tricheur, certes, mais le cerveau peut se faire berner. Il n'aura pas su donner le bon sens à ce qu'il a vu et tant pis pour l'individu.

Un ami, me racontait un jour, qu'il regardait par sa fenêtre sa voiture, garer justement paresseusement sous sa fenêtre. Il était perplexe, il voyait correctement, pourtant il n'arrivait pas à comprendre ce qu'il voyait. Des reflets parasites perturbaient sa compréhension. Il voyait un volant, la couleur de ses sièges, l'image était ambiguë. Il dut descendre de chez lui et s'approcher pour comprendre qu'on lui avait piqué une portière et qu'il pouvait ainsi détailler l'intérieur de son véhicule. Le cerveau avait été piégé par sa programmation de voir une voiture habillée d'une carrosserie, d'autant plus quand c'est le vôtre de carrosse. L'histoire ne dit pas s'il prit l'habitude de rouler à côté découvert à partir de cette anecdote.

Pour comprendre cela, une expérience très simple peut être réalisée. Maintenant si l'expérience de psycho sociale est simple, elle reste difficile à expliquer, je me lance :

Une image ambiguë, pouvant représenter, soit une chose, soit une autre pourvu qu'on la regarde avec des « yeux » différents (voir des exemples d'images ambiguës sur le net) démontre que l'interprétation (le percept) est unique, il alterne d'un sens à l'autre mais n'occupe, en un temps donné, la conscience qu'avec une seule signification. La confusion n'est pas adaptative. Généralement les personnes qui d'emblée ont vu une représentation, ont dû mal à voir le deuxième, il faut leur en préciser les détails pour qu'elle leur apparaisse, quand le cerveau a une interprétation, il a tendance à la maintenir comme un invariant perceptif. D'où notre résistance au changement dans certaines situations, où le changement se serait pourtant imposé comme salutaire et oui ! Des fois le cerveau nous dessert, c'est comme la ceinture de sécurité elle sauve plus qu'elle ne tue, tant pis pour celui qu'elle tue au passage, nous sommes dans sécurité statistique.

L'expérience de psycho sociale est de présenter ce genre d'images à un groupe de personnes, généralement, les illustrations sont bien équilibrées, elles ont été testées à cet effet, donc sensiblement la moitié des sujets voit une représentation, l'autre moitié la deuxième.

On leur demande ensuite de confronter entre eux, leur point de vue. La discussion monte et montre l'incompréhension des deux groupes, tant leur croyance dans le bon percept est puissant à l'esprit. Généralement les expérimentateurs sont obligés de séparer les groupes qui en sont venus aux mains devant autant d'obstination à ne pas admettre une vision aussi évidente. Après quelques hématomes et bras cassé, ils s'en remettent tous à la raison en reconnaissant qu'ils s'étaient montrés assez obtus dans leur position et finalement, ils deviennent bons copains et certains se marient, même, si, si, pourquoi pas, on se marie pour  moins, ne serait-ce que pour avoir une belle robe blanche et une jarretière à jeter.

Dans toute cette histoire, je ne sais plus, où on en était donc je vous abandonne, vous pouvez recommencer à respirer et à vivre.

A la prochaine, peut-être, on verra la Mémoire, si je m'en souviens.

Signaler ce texte