Pulsions & Dragons

la-musique-de-l-ame

20/08/2017

Une nuit chaude d'été. Vous tentez de trouver le sommeil vêtue d'une nuisette de soie couleur jade. La fenêtre de votre chambre est grande ouverte pour laisser entrer la maigre fraîcheur de l'après-coucher. La lune pleine veille, impassible, telle une gardienne. Une brise légère trouve son chemin jusqu'à vous, lèche votre visage, vos joues, vos lèvres comme une caresse tandis qu'une autre, indécente, s'insinue entre vos cuisses. Peu à peu vos jambes se meuvent, frémissent comme une feuille orpheline portée par le vent, puis fouettée, ballottée. La douceur nichée près de votre intimité fait lentement place à une chaleur apaisante, enivrante, conjuguée à la moiteur naissante de votre corps. Une torpeur grandissante qui semble venir d'ailleurs, traverser les dimensions, ignorer l'espace et le temps pour vous appeler. Vos mains n'y résistent pas et veulent faire unes avec elle, ou bien est-ce seulement la manifestation de votre propre désir ? L'une après l'autre elles descendent, dévalent, glissent sur l'étoffe jusqu'à atteindre la source chaude. Vos doigts s'immiscent alors que vos genoux ploient, vos cuisses s'écartent pour faire entrer le moindre filet d'air frais entre vos lèvres humides et brûlantes. Un gémissement, une supplique s'échappe de votre gorge. Votre échine se cambre sous l'envie. Une fièvre vous étreint et plus elle s'élève plus une voix lointaine se fait entendre, de plus en plus claire à mesure que la passion se déchaîne et vous enveloppe toute entière : "Je vous attends..."

Trois mots, un visage, une présence qui décuplent en un instant vos ardeurs et la volonté de retrouver cette voix, où qu'elle se cache, aussi loin qu'elle soit. Vos doigts pénètrent votre antre, machinalement, persuadés que seule une petite mort pourra ouvrir le chemin, la voie vers son royaume et votre for intérieur. Une frénésie s'empare de vos extrémités et agitent votre sommeil au bord du réveil. Excitée par la cyprine abondante qui recouvre maintenant vos doigts, vous la léchez dans un soupir, assaillez un sein sous la soie, à pleine main, sans retenue. Pincer son téton durci vous fait entrevoir la lumière des flammes surgissant du néant, ressentir la chaleur déferlant des profondeurs de la terre jusqu'à la surface de l'Être. Vos doigts marionnettes retournent à l'assaut de vos replis intimes, de votre bouton du plaisir et de votre chair intérieure pour vous faire plier, et vous pliez ! Dans un hurlement qui déchire le voile de la nuit vous criez votre jouissance, le corps tendu comme un arc et aspiré au même moment vers les cieux.

Vous voilà ! Répondant à l'appel du démon de la plus belle des manières. Vous avez l'impression de suivre le fil d'Ariane que forme l'écho délicieux de votre jouissance, de plus en plus atténué et pourtant sans fin. Vos sens se brouillent. Encore déboussolée et tremblante de vos ébats solitaires, vous avalez les distances, traversez des forêts luxuriantes et des villages en feu, apercevez des oiseaux fantastiques, pareils à des phœnix, un griffon, puis des dragons, immenses et majestueux. Votre nuisette s'allonge, recouvre vos épaules puis vos genoux, change de matière pour se transformer en robe d'un autre temps. Vous entendez le fracas des combats d'épée, sentez le souffle des chevaux en pleine course, croisez des gerbes de feu et de glace qui vous brûlent l'espace d'un instant le visage. Désorientée et émerveillée à la fois, vous apercevez enfin un imposant château fort médiéval. Un moment de frayeur vous étreint lorsque vous pensez le percuter sans pouvoir ralentir la vitesse de votre voyage, appelée et propulsée par une force inconnue. Votre cœur manque de sortir de votre poitrine lorsque vous vous arrêtez net, comme par magie, sur le créneau d'une haute tour, les orteils perchés dans le vide telle une gargouille. Votre corps bascule lentement, happé et étourdi par la vue imprenable sur un vaste royaume. Une main se pose alors sur votre ventre et vous retient de tomber. La chaleur teintée de noirceur de cette main ne peut vous tromper, de même que la douceur dangereuse du bras qui enlace votre flanc. Vos jambes flageolent. Votre cœur bat la chamade et cogne follement contre votre poitrine, plus encore lorsque vous réalisez qui murmure à votre oreille : "J'ai failli attendre, mais vous m'avez trouvé ! Et le ciel résonne encore de vos cris exquis, ma flamboyante courtisane..."

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