Punkifiée

themistoclea

Mais bordel, pourquoi la clé ne rentre pas dans le trou, là...
Encore un coup de cet enfoiré de lutin...
Quoi que...
Le palier tangue aussi bizarrement autour de moi, doit y avoir un rapport....
J'en tiens une bonne, putain...
Voilà, ça tourne enfin. Soulagement, je ne dormirais pas sur la palier comme le WE dernier... J'ouvre, je referme en poussant d'un coup d'épaule, et je me laisse couler le long de la porte en poussant un soupir aviné. La lumière de l'aube naissante éclaire timidement ma piaule bordélique mais propre. C'est pas parce qu'on se veut contestataire qu'on est crade, merde. Enfin, j'dis ça, j'dis rien, mais bon.

Bon, alors, où j'en suis... Soyons méthotruc... Machindique... Méthotridique quoi...QUI A VOLÉ MES LACETS !!!
HA.

Non.

Sont là. Bien rangés dans mes Docs rouges. Vaut mieux pour pogoter, faut rien laisser trainer. Je tire dessus, arrive enfin à desserrer les nœuds. J'ai l'impression que mes pieds enflent et doublent de volume en retirant mes groles, comme dans les dessins animés. POFFF POFFF
Je ricane débilement le long de ma porte. Une bonne chose de faite, hein...

Hein ?

Hein ? Je crois que je me suis assoupie... Et d'abord, pourquoi j'ai eu l'idée débile de porter tous ces trucs ? Je retire laborieusement mon blouson lardé de pins anti-tout-ce-que-tu-veux, mes bracelets de cuir et mes trois couches de fringues et je repense à ma soirée. Le son résonne encore dans mon crâne et dans mes veines. Tout a commencé comme d'habitude en fin d'aprèm, au bar du coin. J'ai retrouvé LaTrique, Bébert, Pussy et les autres au zinc, et on a lichtronné un certain nombre de litres de bières en refaisant le monde à notre sauce, en insultant les fashos, en crachant sur la mondialisation et notre société capitaliste merdique. Comme d'hab, Bébert essayait de me tripoter les fesses au bout de 3 verres, quel boulet ce mec. Je lui en ai retourné une, il est tombé de son siège, et il m'a foutu la paix ce blaireau. Ensuite on est allé au Squatt, écouter de petits groupes sympatoches jusqu'à tard dans la nuit, le tout arrosé de... trucs buvables indéfinis, de trucs fumables indéfinis et de pogo plutôt défini, malgré les apparences parfois trompeuses et souvent assez mal définies, elles aussi, si si.

Si j'essaye de me relever, je sens que je vais gerber. Il me faut plusieurs essais mais j'y arrive enfin. Le tas de fringues par terre attendra demain pour finir dans la machine, à moins que cet enfoiré de lutin veuille bien le faire, mais j'ai comme un gros doute. Le chemin vers la salle de bain, environ 5 mètres, me parait bien trop long, à poil dans la fraicheur du printemps de ma piaule mal chauffée. Mais le rythme fantôme de la guitare et de la batterie trop forte de cette nuit me donnent le tempo pour marcher, comme un métronome dans ma tête hébétée qui me fait tenir debout. L'eau coule enfin... Chaude, vivante, bienfaitrice, sur mon corps ivre de musique et pas que... J'ai quelques bleus ici et là...

La teinture verte éphémère de mes cheveux et le maquillage outrageant de mon visage tombent dans le fond du bac de douche, créant des images dignes d'une galerie d'art contemporain. Mon esprit s'envole vers la fin de nuit, ce mec carrément trop craquant, aussi saoul que moi, cette partie de jambe en l'air sauvage dans un des nombreux recoins du Squatt, contre un mur décoré de tags et de revendications poignantes :
ANTI-FASCISTES !!
HÉ, ÇA VA LA VACHE ?
LES BÉRURIERS SONT LES ROIS !!
DE LA BIÈRE, PAS D'L'EAU !!

L'eau devient plus claire. Mes idées aussi. Les BOUM BOUM dans mon crâne s'estompent lentement. Je dois dormir. Quelques heures au moins. Je m'affale sur mon lit, encore humide, la serviette enroulée autour de mon corps livide, froid et triste. Je règle le réveil pour 11h et tire la couette sur moi, me cachant au soleil qui se lève et entre dans mon univers par le velux, intransigeant.

A midi, c'est l'anniversaire de maman. Je vais peut-être mettre ma longue robe bleue avec mes sandales et me relever les cheveux en chignon. Elle aimera surement.

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