QUE VA T ON DEVENIR ?

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PREMIER JOUR

Je n’en peux plus de cette pluie incessante, dire que l’on est en plein mois de juillet,

on n’a jamais vu cela depuis 50 ans,  paraît il !

Les météorologues sont étonnés par toutes ces précipitations, au moins les

agriculteurs ne pourront pas dire que l’on manque d’eau cette année !

Ça nous fait une belle jambe, moi ce que je vois c’est que j’ai besoin de soleil et

que les jours commencent à raccourcir sans que j’ai pu profiter des journées les plus longues de l’année…

Il n’y a que dans le sud où il fait beau, trop même, il paraîtrait qu’il fait trop chaud,

ils ne savent pas la chance qu’ils ont, jamais contents, j’aimerai tant souffrir un peu de la chaleur, devoir me cacher du soleil ardant..

En attendant tout cela, j’ai du me racheter un pépin, taille supérieure, ouverture

automatique, le grand standing, pour l’occasion, fallait bien ça !

Je pense que c’est l’achat le plus utile que j’ai fait de toute l’année, je m’en sers tous les jours depuis 2 mois, il résiste aux averses, au vent, aux grêlons…

Heureusement qu’au boulot il y a eu du nouveau, je suis pigiste dans un journal

du 15ème arrondissement, une nouvelle recrue est arrivée il y a quelques jours, on

ne sait pas trop d’où elle vient ni ce qu’elle fait, mais elle a le mérite d’être là,

avec son tee shirt moulant et ses petits seins qui pointent, un petit rayon de soleil

parmi ces journées moroses, un petit peu de chaleur cela ne fait pas de mal, je l’ai branchée tout de suite pour aller déjeuner, on ne pourra pas dire qu’elle aura été mal accueillie !

On a été déjeuner, on est arrivés trempés, cela n’a pas eu l’air de la déranger, durant le repas, elle n’a pas beaucoup causé, je n’en sais pas plus sur elle, à part qu’elle croit en la fin du monde !

Encore une folle, fallait que je tombe sur elle !

Elle m’a dit qu’elle avait vu dans les cartes que nous vivions nos derniers jours, je lui ai répondu avec un regard salace : « si nos derniers jours nous sont réellement comptés, va falloir en profiter un max… »

Mais elle n’a pas semblé comprendre, c’est bien ma chance, de tomber sur une fêlée !

J’ai bien lu dans les journaux des trucs sur l’apocalypse du 21 décembre, mais je n’y ai jamais prêté attention, pour moi tout cela c’est du bidon !

Un coup c’est un grand couturier qui nous avertit de la fin du monde imminente, une autre fois un calendrier maya et cette fois ci, des cartes divinatoires…

Dire qu’il va falloir que je me documente sur le sujet, si je veux espérer intéresser cette jeune et belle écervelée…

Je l’ai regardée bosser toute la journée, enfin « bosser » est un bien grand mot comparer à ce qu’elle fait, j’ai réussi à le savoir, elle s’occupe de l’horoscope, du tarot et tous les jours, elle prédit l’avenir…

J’ai du souci à me faire, moi qui suis si terre à terre, va falloir que je m’adapte, que j’improvise !

Il pleut de plus en plus, c’est à ni rien comprendre, les chaussées sont inondées, les égouts débordent, l’eau charrie des détritus de tous ordres, c’est pas joli à voir.

Un coup, c’est le vent qui est infernal, ensuite une pluie diluvienne, des grêlons, je m’attends au pire pour les jours à venir.

Les gens sont moroses, ils font la gueule, tout le monde se bouscule dans les rues pour rester le moins de temps possible sous cette pluie diluvienne, cela n’est pas marrant.

Je les regarde tous passer dans la rue, de ma fenêtre, ils font pitié, tous complètement mouillés, certains  deviennent agressifs ..

Il paraît que les vols les plus communs en ce moment sont ceux de parapluie et d’imperméables, c’est dingue tout de même !

Bon faudrait que je me remette au boulot, mon article ne va pas s’écrire tout seul, faut que j’en ponde un sur la canicule qui sévit dans le sud.

Je vais téléphoner à step, il habite à Cannes, il pourra me donner des nouvelles fraîches à ce sujet !

Je compose son numéro toujours les yeux rivés sur la rue inondée, après quelques sonneries, j’entends sa voix

Step à l’appareil, à votre service !

Salut, c’est grégory, comment ca va mon vieux, toujours à te la couler douce dans ton sud natal ?

 tu sais, en ce moment je t’envie grave, ici il fait un temps de chien !

ouais, ouais, j’en ai entendu parler, mais tu sais ici c’est pas terrible non plus la chaleur est éreintante, on transpire rien qu’à penser à ce que l’on va devoir faire, tu vois le tableau.

Les climatisations ont du mal à tenir le coup, elles se mettent en panne les unes après les autres, ils n’y a que les réparateurs qui se frottent les mains, enfin pour le moment, car au rythme ou cela évolue, ils ne vont pas pouvoir longtemps y faire face !

Dans tous les cas, je te parle pas de la chaleur dans les appartements, c’est invivable, j’ai des ventilateurs, mais certaines heures, l’électricité est coupée, pour limiter la consommation d’électricité…

Je suis interloqué par tant de différence, ici le déluge et là bas la canicule, c’est à ni rien comprendre

Bon je te téléphone justement pour que tu me donnes toutes les précisions concernant la canicule que vous vivez en ce moment que j’en fasse un bel article, cela nous réchauffera un peu, car ici c’est le déluge et j’ai l’impression que bientôt faudra rallumer le chauffage !

T’es trop con, faut toujours que tu en rajoutes !

Et bien ici comme je te le disais, on vit lentement pour suer le moins possible, le moindre geste nous demande beaucoup d’énergie, il n’y a que les vacanciers qui sont ravis, ils passent leur journée dans la mer ou dans leur piscine, mais ne peuvent plus aller se promener à cause des incendies, les pompiers sont sur les feux tous les jours et toutes les nuits.

Sinon tout va bien chez toi ?

Toujours célibataire ?

Ah !  t’es sur un coup ?

Une astrologue ?

 fais gaffe qu’elle ne te prévoit pas 5 gosses et  une tondeuse pour ta maison de campagne !

Il est vraiment trop bête, je raccroche, faudra que j’aille lui rendre visite un de ces jours !

Je décide d’aller rendre visite à ma nouvelle collègue cartomancienne, juste histoire de vérifier si ses petits seins pointent toujours sous son tee shirt !

Coucou ! au fait comment tu t’appelles ?

Gorgina

Gorgina, heum ! c’est pas commun comme prénom.

Au fait je suis scorpion, alors mon horoscope me prévoit quoi pour aujourd’hui,?

Un coup de soleil ?

Je suis trop marrant !

Ah ! non ? qu’est ce que tu me dis ?

Il me prévoit une mauvais fin de journée, avec des retentissements sur les jours à venir ?

Ça veut dire quoi tout cela ?

Je verrai bien !

Mais c’est qu’elle y croit Gorgina à tout ça, qu’est ce qu’elle a l’air sérieuse en me racontant sa prédiction !

D’ailleurs elle me fait froid dans le dos avec son petit tee shirt, car je trouve qu’il fait de plus en plus humide, cela devient pénible.

Bon je retourne bosser, je m’installe devant mon bureau je jette instinctivement un œil dehors, c’est l’effroi, on ne voit plus rien, la pluie est tellement drue qu’elle laisse sur les vitres un épais film qui empêche toute visibilité.

Le téléphone sonne, je décroche, c’est ma gardienne, elle me prévient que je suis inondé, mon studio sous les toits n’a pas tenu le choc face à ce déluge incertain.

Elle éponge tant qu’elle peut, mais c’est pas la peine que je rentre chez moi, mon studio est impraticable, les pompiers ont retiré le plus d’eau possible, mais cela continue à rentrer, faudrait qu’un couvreur intervienne, mais avec ce temps ils ne se déplacent même  pas, faudra tout faire sécher quand la fuite sera réparée…

Je me retourne, Gorgina est plantée devant ma porte, me regarde d’un regard perçant avec un léger sourire aux lèvres…

J’en ai froid dans le dos

Ok, j’ai compris le message, il ne me reste plus qu’à dormir au bureau, heureusement il y a un canapé, j’arriverai bien à dénicher une couverture quelque part, en attendant va falloir que je me trouve à manger, mais sortir ne me dit rien qui vaille…

Gorgina est repartie vers son bureau,  comme elle est venue, sans bruit, je ne vois que son dos recouvert de son épaisse chevelure, d’ailleurs c’est bizarre comme ils sont épais, une vraie toison, comme on en voit peu…

Bon revenons à quelque chose de plus concret, ma bouffe pour ce soir et ma couverture !

Je mets mon pardessus, prend mon parapluie et attend l’ascenseur, mais il ne vient pas alors je descends à pieds, c’est long 4 étages, de l’eau ruisselle tout le long de la rampe, c’est toujours triste, lugubre une cage d’escaliers.

J’ouvre la porte qui mène dehors avec difficulté, le vent est fort, ce n’est même pas la peine d’espérer ouvrir mon parapluie, je risquerai de m’envoler avec lui.

 alors, je marche tout trempé, vers la première boutique alimentaire que je trouve et j’y achète de quoi me sustenter.

Le vendeur écope l’eau qui s’est infiltrée dans sa boutique, il me remarque à peine, trop occupé, je le paye et l’entend bougonner quand j’ouvre la porte avec difficulté pour m’en aller.

C’est dingue tout de même, les égouts sont submergés, les voitures peuvent à peine circuler, tout devient dangereux, les câbles électriques se balancent menaçant, les panneaux publicitaires plient sous la force du vent, je vois à peine à un mètre devant moi, j’heurte un homme qui m’envoie balader d’un coup d’épaule en me traitant de  « noms d’oiseaux ».

Je n’insiste pas, je suis trop pressé de rentrer, tant  pis pour la couverture, je trouverai bien quelque chose pour me réchauffer, c’est dingue j’ai vraiment l’impression que les températures sont en train de chuter…

J’ai du mal à retrouver ma route, les gens sont affolés, les étales submergées,  beaucoup de magasins ont fermé leur rideau, j’aide une maman avec sa poussette, je me demande comment fait le bébé pour ne pas étouffer avec toute cette pluie drue qu’il reçoit sur son petit visage tuméfié, déformé par ses cris incessants. Je manque de me faire renverser par une voiture, les feux de signalisation ne fonctionnent plus, des motos ont été laissées là sur la chaussée, par terre, impossible de les déplacer. 

Enfin j’arrive à mon immeuble, ouvre la porte avec difficulté et me retrouve vite dans la cage d’escaliers.

Cet endroit que je trouvais si morose, ressemble maintenant à un havre de paix, à une sinécure…

Je monte les marches quatre à quatre trop pressé de me retrouver parmi mes collègues dans ce décor qui m’est si familier, si rassurant, je n’aurais jamais cru un jour avoir tant de plaisir à y retourner !

Arrivé dans le bureau, je peux constater que beaucoup de monde s’est sauvé, il ne reste plus que Gorgina, toute droite, rigide et froide qui semble m’attendre devant la porte de mon bureau, comment a t elle su que je revenais ?

Pourquoi a t elle  une nouvelle fois ce regard amusé et ce sourire aux lèvres qui me met si mal à l’aise ?

Qu’est ce qu’elle me veut enfin ?

« Alors bonne fin de journée ? » m’assène t elle sans laisser le moindre sentiment transparaître sur son visage…

Je trouve pas ça drôle du tout et tout à coup, j’ai  une poussée d’angoisse qui me submerge, mais que m’arrive t il ?

Qu’est ce qu’elle me veut enfin ?

« ça pourrait être pire » lui répondis je en  la poussant pour rentrer dans mon bureau.

« pas trop mouillé ? » continue t elle

je me retourne alors lentement et prends le temps de bien la dévisager sans que cela ne la gène le moins du monde.

Elle me regarde toujours avec ce regard étrange, ce sourire au coin des lèvres, c’est comme ci rien n’avait d’emprise sur elle.

« Et pour demain, tu pourrais pas me dire ce que tes cartes me prédisent ?

 j’aimerai avoir une bonne nouvelle car tu vois pour le moment ce n’est pas le cas, j’ai froid, j’ai faim et je vais devoir passer la nuit ici, alors tu comprendras qu’une bonne nouvelle serait pas de refus… »

Elle se retourne lentement, sans me regarder et regagne son bureau sans se retourner, ses cheveux lourds tombant sur son dos, son déhanchement chaloupé ont fini de me  faire chavirer.

Mais qui est elle ?

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