Questionnements

Dominique Capo

Le Pourquoi du Comment...

Faisons un bond d'une petite dizaine d'années dans le temps. Car, aujourd'hui, j'aimerai relater des événements rolistiques liés à ma période « Bibliothèque Nationale » et « Appartement du 19ème arrondissement de Paris ». Comme tous ceux que j'évoque depuis le début de la rédaction de ces mémoires, ils ont un peu contribué à ma vocation d'écrivain.

Cela devait faire un peu quelques mois que j'étais employé à la Bibliothèque Nationale. Je m'adonnais totalement, pleinement, aux jeux de rôles. Puisque peu de temps après avoir emménagé à l'appartement du 19ème arrondissement, j'avais laissé une petite annonce dans un magasin consacré à ce hobbie en pleine ascension. Celui-ci était installé près de l'Université de Jussieu ; à une rue de là, en fait. Et comme le département de la Bibliothèque Nationale où j'étais employé se situait à deux stations de métro de la sortie « Jussieu », je m'y rendais de temps en temps. J'y achetais parfois des suppléments « ADD », « Cthulhu », « Vampire », essentiellement, puisqu'il s'agissait des trois jeux de rôles pour lesquels je m'étais spécialisé.

C'est à la suite de l'écriture d'une campagne de l'Appel de Cthulhu que l'idée m'est venue d'entamer des recherches dans ces domaines dans lesquels je me suis perfectionné au fur et à mesure des années. En fait, depuis mon adolescence, ces derniers me fascinaient, m'interrogeaient. J'avais lu beaucoup de publications à ce propos. La première d'entre elle, c'était au lycée, en rêvant de cette jeune femme qui avait fait chavirer mon cœur et mon âme. Elle s'appelait « Inexpliqué », et c'était une série de fascicules à laquelle mes parents s'étaient abonnés dans les années soixante-dix, en même temps qu'une autre série du même genre, et qui se nommait « le Journal de la France ». Ces deux séries ont contribuées, dès la fin de mon enfance, et au début de mon adolescence, à « titiller » ma curiosité. Je les ai d'ailleurs relus plusieurs fois par la suite.

Inexpliqué se penchait sur tout ce qui avait trait aux phénomènes paranormaux, aux mystères de l'humanité, aux grandes énigmes de l'histoire, aux mythes, aux légendes, aux énigmes ayant traversé les âges et les civilisations humaines. L'un des articles qui m'avait le plus impressionné, interpellé, se concentrait sur l'énigme de « Rennes-le-Château. Il y en avait aussi sur les Ovnis, sur les fantômes, sur les pouvoirs de l'esprit, sur l'au-delà, sur l'Atlantide, Mu, sur les origines occultes du Nazisme, sur les fresques de Nazca, sur le monstre du Loch Ness, sur le Yéti, sur les Francs-Maçons ou les Rose-Croix, sur le Comte de Saint-Germain, sur l'Alchimie ou la Kabbale. Je ne pourrai les énumérer tous, il y en avait tellement. Et chacun ouvrait un champ de possibilités, des portes sur un imaginaire foisonnant et incroyable. En outre, plus j'en lisais, plus j'avais envie de creuser davantage, de découvrir ce qui se cachait derrière toutes les étrangetés insoupçonnées et insoupçonnables de notre monde. « Inexpliqué » a été pour moi, durant mes années d'adolescence, une référence. Ce n'est qu'ensuite, devenu adulte, en me rendant régulièrement à la FNAC des « Halles » - mon lieu de prédilection à l'époque -, que j'ai acheté d'autres ouvrages évoquant celles-ci. Je me souviens avoir acquis « l'Enigme sacrée », une enquête passionnante et fouillée sur Rennes-le Château ; « l'Arche d'Alliance », pas besoin de dire à quoi ce titre se rapporte, et bon nombre d'autres. Mais, c'est en travaillant à la Bibliothèque Nationale que mon intérêt pour tous ces sujets s'est décuplé.

En ce qui concerne « le Journal de la France », il s'agissait d'une autre série de fascicules. Ils débutaient à l'aube de la Révolution Française, et se terminaient après la Seconde Guerre Mondiale. Chaque fascicule se penchait sur un ou deux aspects importants de cette période de l'Histoire de France. Ce qui était intéressant, c'est qu'ils s'attardaient longuement sur chaque époque. Ainsi, il y avait la période « Révolution Française », la période « Premier Empire », la période « Restauration », la période « Second Empire », et la période « Troisième République », principalement. Mais chaque période était constituée, au minimum, par une trentaine de fascicules qui détaillaient, année après année de la période examinée, chacun de ses aspects. Qu'il soit purement historique et événementiel, culturel, scientifique, etc. Chaque année était l'objet d'un  ou plusieurs articles retraçant leurs déroulés le plus minutieusement possible. Je me souviens d'ailleurs, la première fois que je les ai dévorés, que j'ai compris que chaque époque était d'une richesse et d'une diversité sidérante. Qu'il y avait matière à une multitude de scénarios de jeux de rôles, d'aventures, de rebondissements, de personnages, de lieux, d'atmosphères, d'intrigues, quasiment infinies. Plus : mon avidité à en découvrir davantage s'est intensifiée. Et j'ai commencé à me pencher sérieusement sur des biographies historiques, sur des traités sur les grands événements de l'histoire de France et du Monde.

Evidemment, ces deux thèmes ne pouvaient que se rencontrer par le biais des jeux de rôles. L'Histoire et les Enigmes ayant traversé les civilisations m'ont souvent inspiré à partir de ce moment-là, afin de créer des scénarios originaux, des quêtes dans lesquelles mes joueurs se plongeraient lorsque je les y les solliciteraient en tant que Maitre du Jeu.

Mais le déclic, en fait, s'est concrétisé au tout début où j'ai connu les joueurs qui allaient appartenir durant plus de trois ans à la « bande de l'appartement du 19ème ». S'ils me lisent, je m'excuse d'ores et déjà auprès d'eux de les titrer ainsi. Mais j'avoue que je ne saurai pas quel autre terme utiliser afin de les nommer. Je suis certain qu'ils comprendront ; et qu'ils se reconnaitront. C'est parce que j'y présidais, tous les vendredis soir, des séances d'ADD et de l'Appel de Cthulhu, puis, un peu plus tard, de Vampire la Mascarade, que la jonction entre ce qui est devenu, pour moi, deux passions majeures à la source de ma vocation actuelle d'écrivain, s'est faite.

Car, au début, comme tout rôliste, je me suis en premier lieu servi des scénarios vendus dans le commerce. Ainsi, tant que j'ai habité chez mes parents, que je me suis initié aux jeux de rôles rattachés aux livres dont vous êtes le héros, je me suis essentiellement basé sur ces derniers pour développer mes créations. Le premier, je l'ai toujours en mémoire, appartenait à « l'œil Noir ». Son titre était « l'Auberge du Sanglier Noir ». En fait, je l'avais acquis à la librairie la plus proche de chez mes parents. Je me l'étais procuré dans la foulée des boites d'Initiation à l'œil Noir qui en contenaient les règles de base, les dés multifaces – les premiers que j'ai manipulés -, une description de l'Aventurie, le continent de Fantasy imaginaire où se déroulaient les scénarios, les livres de magie, les livres de monstres, etc. Au fur et à mesure que les scénarios suivants ont été édités par Folio Junior, en parallèle des livres dont vous êtes le héros habituels, je les ai tous achetés. Parmi eux, il y avait des aventures « solo », construit de la même manière que le Manoir de l'Enfer, le Sorcier de la Montagne de Feu, le Labyrinthe de la Mort et consort. Donc, je les ai lus sans m'en référer aux autres joueurs que je fréquentais à l'époque. Que ce soit par l'intermédiaire du magazine Casus Belli ou au club installé dans la maison des associations où je me rendais alors. C'est avec mes joueurs « Hardos » que j'ai débuté en tant que Maitre du Jeu, en leur narrant les péripéties de l'Auberge du Sanglier Noir. C'est aussi avec eux que, quelques temps plus tard, j'ai décrit les scènes du Temple du Mal Elémentaire. Entretemps, évidemment, les membres du club m'avaient fait connaitre ADD, Paranoïa, Star Wars, JRTM, Runequest, etc. J'avais touché à chacun de ces systèmes de jeu une ou plusieurs fois au cours de longues soirées, où, cette fois, j'étais joueur et non Maitre du Jeu.

L'Auberge du Sanglier Noir a été le premier scénario que j'ai présidé, donc. Mais c'est celui avec lequel, j'ai immédiatement débordé du récit initial. J'ai rajouté des pièges sortis de mon imagination sur l'instant. J'ai improvisé des lieux, des monstres, qui n'y étaient pas inscrits. Une fois évadée de la fameuse auberge au travers de souterrains et de pièces que nous nommerions aujourd'hui « porte-monstre-trésor », j'ai tout de suite embrayé sur des anecdotes et des rebondissements supplémentaires. J'ai donc débuté une campagne que nous poursuivions tant bien que mal à chaque fois que nous nous réunissions.

Puis, après avoir connu mes joueurs de l'appartement du 19ème arrondissement de Paris, je n'ai pu que poursuivre dans cette voie. Les premiers temps, les aventures étaient issues de l'univers d'ADD ou de l'Appel de Cthulhu. Mes compagnons d'alors l'ignorent certainement encore aujourd'hui – et s'ils lisent ces lignes, ils seront vraisemblablement surpris de l'apprendre -, mais la campagne intitulée « la Tour d'Haraald », ainsi que les histoires de l'Appel de Cthulhu que je leur proposais, étaient totalement improvisées. En effet, généralement, je rassemblais mentalement un certain nombre d'informations succinctes qui débridaient mon imaginaire : une émission, un film, que j'avais vus récemment, un livre qui m'avait enthousiasmé. Comme c'était aussi l'époque où je m'achetais des livres sur l'Histoire, sur les grands mystères des civilisations tels que ceux que j'ai décrit plus haut, j'augmentais mes scénarios de ces éléments disparates. Ceux qui lisent ces lignes et qui ne me connaissent pas, qui n'ont jamais eu à faire à moi en tant que Maitre du Jeu, penseront que mes scénarios et mes campagnes se révélaient certainement chaotiques, sans queue ni tête, sans intrigue qui tienne debout. Mais mes joueurs pourront affirmer que si j'étais particulièrement doué dans quelque chose, justement, c'était pour transformer des éléments épars, qui à première vue n'avaient aucun lien entre eux, en faisceaux d'événements, de complots, de rebondissements qui, au final, s'imbriquaient parfaitement les uns aux autres. Un peu comme les nombreuses pièces d'un puzzle qui, quand on les regarde, ne paraitrons jamais pouvoir se coller ensemble. Mais qui, lorsqu'on le termine, s'emboitent parfaitement.

L'exemple le plus parlant est une campagne Vampire qui a peut-être peu marqué les esprits de mes joueurs parce que je ne l'ai pas prolongé longtemps, mais qui reflète bien ceci. Je me demande d'ailleurs si c'est avec mes joueurs de l'appartement du 19ème que je l'ai développée, ou si c'est plus tard. En tout cas, elle était imprégnée d'une pincée d'Internet – balbutiant -, d'événements relatifs au procès des sorcières de Salem, de fouilles archéologiques dans les égouts de New-York, des premiers arrivants dans les colonies anglaises d'Amérique du Nord sur le Mayflower, d'un meurtre au cours d'une soirée dans la haute société parisienne de notre époque. Tous ces éléments étaient disparates, mais, au fur et à mesure que je les évoquais au gré des aventures, chacun trouvait sa place, s'imbriquait aux autres éléments de l'histoire, possédaient une logique qui lui était propre au sein du récit.

Pour la campagne « la Tour d'Haraald », d'aucuns pourront expliquer qu'avec ADD, il n'y avait pas besoin de scénarios extrêmement complexes, fouillés, recherchés, que les intrigues n'avaient pas nécessairement besoin d'être fouillée ; ils proclameront peut-être que, du moment que le monde dans lequel se situent les aventures des personnages, possède le nécessaire à faire vivre des péripéties intéressantes, des personnages marquants, c'est suffisant. 

Cette perception des choses, notamment dans des mondes d'Héroic-Fantasy, je n'y ai jamais adhéré. Ce n'est pas parce qu'un monde est vaste, possède des peuples, des villes, des personnages, des sites, intéressants, qu'il faut s'en contenter. J'ai toujours creusé en profondeur, y compris dans ce genre d'univers. J'agrémentais ceux-ci d'énigmes historiques propres à ce monde ; de moments de rêves relatant le passé au le futur des personnages ; j'inventais des péripéties et des aspects du passé ou de la personnalité de chacun d'eux, qui ne concernait que lui. Chacun avait son propre but, bien qu'une quête commune les réunissait tous. C'était notamment ce que j'avais proposé pour la Tout d'Haraald. En s'y rendant, chacun y avait une mission précise, personnelle, secrète, parfois en contradiction avec les intérêts du groupe tout entier. Pourtant, ils étaient rassemblés par des événements impromptus qui les avaient précipités les uns vers les autres, qui les avaient rassemblés pour un but commun. Une quête commune évoquant le pourquoi et le comment de la naissance de la magie, sur de Grands Sorciers qui avaient existé des millénaires auparavant, et dont l'histoire était intimement liée à l'existence de la civilisation médiévale-fantastique d'alors.

En ce qui concerne l'Appel de Cthulhu, le principe était le même. Certains de mes joueurs d'alors se souviendront peut-être de ce scénario de l'Appel de Cthulhu rassemblant davantage à un épisode de la « Quatrième Dimension ». Un soir, après une fête bien arrosée dans une maison de vacances érigée dans un petit village isolé, les personnages se réveillent groggy. Toutes les personnes du village, tous les invités, à part eux, ont disparus. Ils les cherchent, vainement. Ils essayent de quitter le bourg, mais la route qu'ils empruntent, les ramènent inévitablement à l'entrée du hameau. Des événements surnaturels se produisent. Ils croisent la route de cadavres déchiquetés, crucifiés, décapités, etc. L'horreur et la terreur montent progressivement. Et en fait, ils se rendent compte qu'il s'agit d'un lieu qui est la propriété de Nyarlathotep, dont tous les habitants ont disparus parce qu'ils étaient ses adeptes. Durant la nuit, ceux-ci ont effectué une cérémonie l'invoquant. Ils ont été aspirés dans une autre dimension, en une autre Ere où les Grands Anciens régnaient en maitres sur la Terre. Et seuls les personnages, qui n'appartenaient pas à la communauté, sont demeurés dans le village, mais en éternels captifs pris en chasse par Nyarlathotep. Evidemment, ils sont tous morts les uns après les autres au terme du scénario.   

Pour autant, la campagne de l'Appel de Cthulhu qui a été la plus déterminante a été celle où un homme meurt sur le pas de la porte de la maison où l'un des amis des héros qui les convoque au début de l'aventure.  Cette montée des escaliers, et l'ouverture de la porte du grenier, et de ce qu'ils y avaient trouvé derrière, je suppose que certains joueurs s'en souviennent encore. Cette anecdote a été le point de départ de mes recherches personnelles dans tous les domaines sur lesquels j'ai investigué par la suite à la Bibliothèque Nationale. Car, c'est le premier scénario où j'ai eu besoin de renseignements supplémentaires véridiques.

Comme cela deviendra mon habitude ensuite, cette campagne se basait sur nombre d'éléments mythologiques et historiques disparates. Parmi eux, il y avait l'énigme de la Marie-Céleste, des découvertes archéologiques en Egypte dans les années vingt. Une malédiction liée à une momie ramenée en Angleterre, le mystère de Rennes-le Château, le mythe de la Terre Creuse au pôle Nord, etc. Or, même si j'étais féru de ces énigmes, que j'avais déjà beaucoup lues à leur sujet, j'avais besoin d'éléments complémentaires. D'autant plus que, cette fois-ci, pour enrichir le scénario, à chaque fois que les personnages étaient censés découvrir un carnet, un livre, des documents, je les leur fournissais matériellement. Chaque indice, je l'avais créé de mes propres mains. Je me souviens notamment de la correspondance du capitaine de la Marie-Céleste les quelques jours précédant la disparition de tous ses passagers et de son équipage. Ceux-ci s'étaient volatilisés subitement, au point que le repas chaud, les tasse de café qu'ils buvaient, étaient encore tièdes, lorsqu'un autre navire l'a aperçu dérivant au gré des courants. Ces notes, donc, je les avais reconstituées en y incorporant des éléments relatifs à la mythologie lovecraftienne.

La Bibliothèque Nationale était donc le lieu idéal afin de chercher des renseignements supplémentaires dans tous ces domaines. J'y étais entouré d'une profusion d'ouvrages, de manuscrits, de traités, de fascicules, les évoquant. Je me revois encore, à l'intérieur de la salle de référencement de tous les livres que contenait le département de la Bibliothèque Nationale où j'étais employé. Il faut en effet savoir que j'avais été affecté à la Bibliothèque de l'Arsenal. Celle-ci était une des annexes de celle-ci spécialisée dans le septième art ou la musique. Mais, elle abordait aussi de nombreux autres thèmes divers et variés. Je me revois aussi, feuilletant les cartons où étaient inscrits les titres et les bibliographies des livres de l'ensemble de ses collections. Un papier et un stylo à la main, j'y notais ceux qui me semblaient intéressants à étudier, à décortiquer, à décrypter. Bientôt, ma feuille s'est couverte de dizaines, de centaines, de noms de livres, de critères permettant de les retrouver au milieu du labyrinthe de couloir et de salles que formait l'établissement. Plus je découvrais de nouveaux titres, plus j'avais envie de les dévorer. Plus je me suis aventurés dans les méandres du savoir et de la connaissance auxquels ils me permettaient d'accéder, plus j'avais le désir de creuser davantage tous ces sujets. C'est ainsi que je me suis plongé dans des ouvrages d'Esotérisme et d'Occultisme introuvables en librairie. J'ai déchiffré des manuscrits interdits normalement au grand public. J'ai lu les œuvres de Paracelse, de Stanislas de Guaita, et autres rédacteurs de réflexions sur ces sujets. De fil en aiguille, j'ai creusé les origines des religions préchrétiennes, pré-judaïques, préislamiques, etc. J'ai étudié l'Astronomie, les origines de l'Univers, l'Evolution de la Vie, puis, de l'Espèce Humaine. J'ai étudié la dérive des continents, la philosophie, l'histoire, les traditions, les grands mythes fondateurs de toutes les civilisations qui se sont succédées depuis la fin de la Préhistoire jusqu'à nos jours. Plus j'ai lu, plus la frénésie de découverte, a grandi en moi, s'est enrichie de nouveaux apports. Je n'étais jamais rassasié. Et quand, en 1996, j'ai dû quitter Paris pour m'installer à Laval, je n'en n'avais pas fini avec mes investigations. Mon emploi à la Bibliothèque Nationale était terminé depuis plusieurs mois, et professionnellement, plus rien ne me retenait. Malgré le fait que, socialement, amicalement, j'avais trouvé un certain équilibre, c'est contraint et forcé que j'ai déménagé. Malgré tout, il me restait encore tant à apprendre…

Au fil de mes recherches, ce qui, au départ, ne devait être que quelques renseignements épars, s'est métamorphosé en une mine d'informations monumentales. Ecrites à la main, mes notes touchaient à tous les domaines de ces connaissances. Quelques temps plus tard, d'ailleurs, lorsque j'ai de nouveau été en possession d'un ordinateur personnel, je les y ai référencées, synthétisées, décortiquées, analysées. Et ces centaines de pages manuscrites sont venues 1800 pages de notes que j'ai toujours dans un meuble qui leur exclusivement consacré. Elles m'ont permis d'enrichir considérablement ma campagne de l'Appel de Cthulhu. Elles m'ont offert les bases utiles pour ma campagne Vampire intitulée « le Crépuscule des Demi-Dieux » ; cette fresque historique se déroulant pendant la Fronde et le jeunesse de Louis XIV ; sur fond de derniers soubresauts des guerres de religions, de quête du « Graal » - enfin, d'une certaine manière ; de trésor Wisigoth après l'effondrement de l'Empire Romain, de mystère templier et cathare, de Croisades, d'origine légendaire des vampires à l'époque de l'Atlantide et de la domination des Géants sur le monde, de mythes de l'Egypte antique, etc.

Ces différentes campagnes de jeux de rôles ont établi les fondations de mon univers littéraire personnel. Les investigations que j'ai effectuées à la Bibliothèque Nationale, auparavant avec mes lectures d'Inexpliqué et d'autres ouvrages du même type, et ensuite en les poursuivants par d'autres traités et d'autres supports, ont enrichi cet univers qui m'est éminemment personnel. A la fois gothique et démesuré, multiple des apports issus de tous les horizons, de tous les centres d'intérêts qui me passionnent, ils sont comme ce puzzle dont j'ai parlé plus tôt. De la préhistoire à nos jours, s'étalant sur l'ensemble des continents et des civilisations qui se sont succédé sur notre planète, ils sont liés les uns aux autres par de minuscules filins. Des fragments qui, à première vue, ne s'imbriquent pas ensemble ; mais qui, quand, comme moi, on a examiné à la loupe tous ces indices que j'ai récolté au fil des années, forment un canevas cohérent, logique, incroyablement complexe, mais d'une richesse insoupçonnée. Et je le distille lentement, partiellement, subtilement, au gré des récits que j'écris depuis que j'ai commencé à écrire des scénarios de jeux de rôles. Et davantage encore, depuis que j'ai pénétré cette institution merveilleuse qui a laissé à tout jamais son empreinte sur moi, qu'est la Bibliothèque Nationale.

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