Questionnements

Dominique Capo

Ricochet fatal :

En 2004, les effets de la crise ayant eu lieu entre 1987 et 1989 ont ressurgis par hasard. Nul ne s'attendait que, tant d'années plus tard, la conflagration atteindrait chacun dans de telles proportions. La page semblait tournée depuis longtemps. Les blessures paraissaient plus ou moins refermées et oubliées.

Cet Eté-là, durant deux semaines environs, moi et ma mère sommes partis deux semaines rejoindre mes grands-parents maternels dans notre maison familiale de Franche-Comté. J'y reviendrai peut-être, mais ils y vivaient depuis 1998 et les perturbations qu'a connue notre famille durant cette époque. Perturbations d'un ordre tout a fait différent que celles que j'ai décrites précédemment, et pourtant tout aussi douloureuses et dévastatrices. Quant à moi, cela faisait un an que j'habitais de nouveau chez mes parents. Après mon échec à l'Education Nationale sur lequel je reviendrai peut-être également, et ses conséquences, ils m'avaient recueilli. Tout n'était pas au beau fixe entre eux et moi. Nous nous accommodions de la situation tant bien que mal. Il y avait des éclats entre mon père, ma mère, et moi, parfois. Ils étaient même orageux parfois. Mais nous faisions avec.

Mon Dieu, lorsque j'y repense, j'ai l'impression que c'était dans une autre vie, tellement les choses ont changé depuis. Pourtant, là-aussi, c'est l'un des événements les plus marquants de ma vie jusqu'à présent. Et pourtant, je pense que le lecteur ou la lectrice qui suit ces lignes comprend à présent que j'ai subi de nombreuses épreuves. Malgré tout, comme le témoignage précédent, c'est l'un de ceux qui s'ancrent en vous à tout jamais.

Mon père, comme d'habitude, n'avait pas souhaité nous accompagner en Franche-Comté. Il avait prétexté avoir des travaux à effectuer dans la maison que mes parents habitaient en Sarthe – celle ou vis encore ma mère actuellement ; celle où j'écris ces mots aujourd'hui. Ma mère et moi n'y avons pas prêté attention, car c'était son attitude coutumière.

Notre séjour dans le Doubs s'est bien déroulé et nous en avons pleinement profité. Par contre, à notre retour, un ou deux indices auraient dû nous mettre la puce à l'oreille. Or, nous n'y avons pas prêté attention. Ainsi, des bouteilles d'alcool, rangées habituellement à l'intérieur de certains placards, avaient été déplacées. Des vêtements, ordinairement étalés sur des étagères prévues à cet effet, étaient chiffonnés ou mal pliés. La porte de ma chambre, où mon père ne mettait jamais les pieds, était ouverte. Plus intriguant, mon pyjama, que j'installais sous mon oreiller, était roulé en boule à l'autre bout de mon lit. Moi qui plaçais mes habits de nuit toujours de la même manière, tout de suite, j'ai pensé que quelque chose d'inhabituel s'était produit durant notre absence.

J'en ai parlé avec ma mère un peu plus tard dans la journée. Elle aussi avait remarqué ces anomalies. Elle avait questionné mon père à ce sujet. Celui-ci s'était emporté en disant que les bouteilles, en effet, il les avait utilisés. Il les avait certainement mal replacés. Mais que ce n'était pas bien important ; que c'était des anecdotes auxquelles il ne prêtait aucune attention lorsqu'il était seul à la maison. Quant à ma chambre, mon pyjama chiffonné et déplacé, il jurait ses grands dieux qu'il n'y avait pas touché. Peut-être, durant notre séjour dans le Doubs, avait-il franchi le pas de ma porte de chambre pour se rendre dans la pièce située à côté de celle-ci ? Il ne s'en souvenait plus, à vrai dire. Mais, en aucune façon il n'aurait touché ma garde-robe de nuit.

Ni ma mère,  ni moi, ne lui en avons tenu rigueur. Nous avons laissé ces incidents de côté, et nous nous sommes concentrés sur nos tâches quotidiennes. Nous avons repris le court de nos vies. 

Ce n'est que quelques jours plus tard, moins d'une semaine, que, brutalement, le sol s'est ouvert sous nos pas, et que notre existence en a été modifiée à tout jamais.

C'était un Dimanche, je m'en souviens. C'est clair dans ma mémoire, comme si ces événements étaient survenus hier. Mon père – comme cela lui arrivait parfois -, était monté à Paris pour trois ou quatre jours. A cette époque, il n'y avait pas longtemps qu'il était à la retraite. Et bien qu'il ait travaillé au commissariat de police de Laval de 1996 à 2002 environ, il avait toujours gardé de bons contacts avec plusieurs de ses anciens collègues du ministère de l'intérieur. De temps en temps, ceux-ci venaient le rencontrer en Sarthe, passer quelques jours en sa compagnie – et la nôtre. De temps en temps, c'est lui qui se déplaçait jusqu'à la capitale pour les y rencontrer. Il n'y avait rien de spécial à tout cela.

Vers midi de ce Dimanche – ce devait être durant la deuxième quinzaine du mois d'Aout -, soudain, le téléphone a sonné. Ce n'était pas exceptionnel, mais ce n'était pas habituel non plus. Ma mère a décroché, a répondu. Je ne devais pas être très éloigné, puisque j'ai assisté à la scène. Certainement que nous nous apprêtions à déjeuner. Ma mère s'est assise sur la chaise installée devant le scriban apparaissant près du combiné téléphonique. Je n'ai pas écouté la conversation, puisqu'il n'y avait pas d'écouteur. Mais, parce que ma mère me l'a rapportée pratiquement au mot près ensuite, je m'en rappelle presque comme si j'avais été celui qui avait conversé avec la personne à l'autre bout du fil : « Vous ne me connaissez pas, avait dit la voix. Je suis un ami de votre mari. Vous croyez connaitre celui-ci, vous vous trompez. Vous pensez que votre mari est actuellement à Paris pour y partager des moments avec ses anciens collègues de boulot, ce n'est pas vrai. Hier encore, il était avec moi. J'habite la Belgique. Je vous suggère fortement de regarder sur son ordinateur pour savoir vraiment qui il est. Je vous rappelle d'ici une heure, et nous en reparlerons. ».

Interrogations. Qui était cet individu ? Sa voix n'appartenait à aucune des connaissances supposées de mon père. Ma mère savait qui étaient les collègues que celui-ci voyait parfois à Paris, ou ceux et celles qui lui rendaient visite chez nous. Cela faisait longtemps – des décennies – qu'elle les côtoyait en sa compagnie épisodiquement. Même si elle était rarement conviée à leurs sorties, elle les appréciait tous et toutes plus ou moins.

Il faut savoir que depuis plus d'un an, mon père avait considérablement restreint toutes les activités qu'il effectuait habituellement. Le jardinage, le bricolage, auxquels il s'adonnait chaque jour auparavant, ne le motivaient plus. Le jardinage et l'entretien du terrain entourant leur propriété, c'était ma mère qui le maintenait en l'état. Alors que, durant des années, à partir des beaux jours, mon père passait l'essentiel à semer, à planter, à désherber, à récolter, à tailler, les arbustes, la pelouse, le potager et les fleurs disséminées sur l'ensemble de l'immense parterre environnant la maison, il semblait qu'il s'en était lassé. De même, lui qui était doué pour le bricolage – il s'agissait tout de même de la troisième demeure qu'il rénovait presque seul, il paraissait s'en détacher. Tous les travaux en cours étaient restés en suspens depuis des mois, au grand dam de ma mère. Les rénovations de la cuisine, de leur chambre, de la salle à manger ou du bureau, étaient interrompus. Car mon père avait pour coutume, depuis que nous avions quitté le dernier appartement où nous avons logé en 1980, pour installer sa famille dans une demeure plus spacieuse, de les acheter afin qu'il les rénove à son gout. C'était la troisième fois qu'il avait pris ce genre d'initiative ; une fois en région parisienne, avec ce pavillon dans lequel nous avons tous vécu de 1980 à 1991 ; ensuite, au sein de leur première demeure en Sarthe, de 1991 à 1999 ; et enfin, dans celle où se situe cette action et où ma mère habite toujours actuellement, depuis 1999.

Mais, tout cela, à cette époque, était en « stand-by », attendant le bon vouloir de mon père afin que ses rénovations soient poursuivies. Non, sa nouvelle lubie depuis près d'un an, c'était de rester derrière son ordinateur, pratiquement toute la journée. Celui-ci était installé dans le bureau situé au fond du long couloir de cette habitation. Nous ne le dérangions pas. Ma mère estimait que c'était son espace privé, son jardin secret, et elle, comme le reste de la famille, n'avions pas à nous immiscer dans les activités informatiques de mon père. Qui plus est, à chaque fois que ma mère, moi, ou quelqu'un d'autre, allions dans son bureau – pour y ranger un document, ou pour y prendre un livre puisque de nombreuses étagères encombraient ses murs -, mon père changeait ce qui apparaissait sur son écran. Non pas que nous y portions un intérêt particulier, mais il ne souhaitait pas partager ce qui s'y dévoilait. Même moi, qui était assez féru d'ordinateurs depuis le milieu des années quatre-vingts, son comportement ne m'a jamais véritablement intrigué. J'étais plutôt en froid avec lui, je dois le dire. La cohabitation entre lui et moi, depuis que j'étais revenu vivre avec mes parents, n'avait cessé de se détériorer. Par ailleurs, je possédais mon propre ordinateur personnel sur lequel je travaillais. Il n'y avait aucune raison pour que je me penche sur celui de mon père.

Mais, ce jour-là, j'ai pris sur moi de m'y connecter. Au début, j'ai hésité. Ma mère, intriguée par les mots de son mystérieux interlocuteur, m'y a autorisée. Elle m'a accompagné jusqu'au bureau de mon père lorsque je me suis assis devant son écran et que je l'ai allumé. Heureusement que je m'y connaissais assez dans ce domaine pour le faire fonctionner. J'ai donc pu aller fouiller dans ses fichiers. Heureusement que j'utilisais Internet depuis 1999. J'ai donc pu retrouver les sites sur lesquels mon père allait le plus fréquemment.

Apparemment, mon père passait son temps à écrire. A écrire des nouvelles ou des romans, comme moi je le faisais depuis mon adolescence. Il n'y avait rien de surprenant à cela : mon père a toujours eu une excellente plume. Il mettait un point d'honneur à rédiger de beaux textes lorsque sa hiérarchie lui commandait des notes ou des synthèses, à l'époque où il était employé au ministère de l'intérieur. Il se connectait aussi à des sites de « tchat » afin d'y dialoguer avec des gens issus de tous les milieux et de tous les horizons.

Toutefois, ce qui était assez étrange, c'est que tous ses correspondants étaient masculins. Ce qui l'était encore davantage, c'est que ses nouvelles, bien qu'ayant toujours un arrière-plan historique, se révélaient être des histoires d'amour… « Masculines ». C'est que ses emails étaient inondés de correspondances « affectueuses » avec des hommes de Paris, de Toulouse, ou d'ailleurs. C'était qu'il y avait des contacts avec un éditeur de livres érotiques parisien.

Au début, ma mère et moi avons pensé qu'il s'agissait là d'une nouvelle lubie de mon père, comme il en avait eu tant d'autres auparavant. Peut-être cherchait-il de l'amitié grâce à ces sites. Peut-être partageait-il ses écrits avec tous ces inconnus. Peut-être que cela lui faisait du bien, depuis qu'il était à la retraite, de consacrer son temps à ce genre d'activité et de dialogue. Peut-être se sentait-il seul – il est vrai qu'il ne sortait pratiquement plus de notre propriété depuis qu'il ne travaillait plus -, et que, si ce n'est certains de ses anciens collègues du ministère de l'intérieur, il avait rompu tout contact avec l'extérieur. Nous n'y voyions pas à mal, ni moi, ni ma mère. Intriguant certes, mais rien qui ne puisse venir nous bouleverser.

Une heure plus tard, le téléphone a sonné pour la seconde fois. Et comme prévu, à l'autre bout du fil, c'était ce mystérieux interlocuteur. « Vous avez trouvé quelque chose ? », a-t-il demandé à ma mère. Ma mère lui a décrit le contenu de ce que nous venions d'explorer. Pour elle, il n'y avait rien d'alarmant, a-t-elle renchéri. « C'est que vous avez mal cherché, dans ce cas. », a souligné l'individu.

Comme j'étais à coté de ma mère, et que le combiné se trouvait non loin de l'ordinateur de mon père, j'ai poursuivi l'exploration des entrailles de son computer. Pendant ce temps, l'inconnu disait qu'il avait séjourné chez mes parents durant notre absence. Que mon père l'y avait invité une semaine. Qu'en ce moment même, mon père était effectivement à Paris, mais que, jusqu'au jour précédent, il avait été avec lui en Belgique.

Ma mère et moi n'y comprenions plus rien. Pourquoi mon père se serait-il rendu en Belgique ; il n'y connaissait personne. « Moi, je le connais, a répondu cet individu. Cela fait même plusieurs mois que nous sommes en contact l'un avec l'autre. ».

De fait, en creusant davantage sa correspondance, je me suis rendu compte que beaucoup de mots « tendres » de mon père évoquaient un certain Thierry. Or, il s'agissait du prénom de notre interlocuteur, puisqu'il s'était présenté à ma mère par le prénom « Thierry ». Pour autant, il n'était pas le seul avec lequel mon père échangeait « tendrement ». Il y avait un autre homme à Toulouse, notamment, ainsi qu'un jeune homme à Paris.

De sérieux doutes ont commencé à fusé dans l'esprit de ma mère, et dans le mien. Nous avions beau refuser l'idée qui cheminait en nous, inéluctablement, elle était de plus en plus évidente, hélas. Le coup de massue final a eu lieu quelques instants plus tard. Ma mère, de plus en plus accablée, humiliée, décontenancée, pleurait à chaudes larmes. C'est comme si elle avait été foudroyée sur place, de réaliser ce qui lui arrivait. Pour ma part, un texte à part m'a interrogé. Plus long, différent des autres, je l'ai parcouru rapidement. C'était l'histoire d'un jeune homme sur le point de se marier. Il était homosexuel, amoureux d'un autre jeune homme. Mais, du fait des convenances, du regard de la société sur son état, du jugement de sa famille, du fait que la jeune femme à laquelle il était « contraint » de s'unir était déjà enceinte, il ne pouvait plus reculer. Mais, au dernier moment, alors qu'il était au bas de l'autel avec cette jeune femme, un homme rentrait brusquement à l'intérieur de l'église. Il hurlait « Stop, arrêtez-tout. ». Il se précipitait dans les bras du jeune homme, l'embrassait, lui avouait son amour. Puis, le jeune homme sortait avec lui de l'élise au vu de tous les invités. Et, ensemble, ils vivaient heureux jusqu'à la fin de leurs jours.

Ce récit me rappelait quelque chose. J'en ai lu quelques extraits à ma mère. Bien que fragilisée par ce qu'elle apprenait, elle avait gardé un semblant de lucidité. Elle m'a alors dit : « C'est bizarre, tu sais à quoi ce texte me fait penser ? A notre mariage, a ton père et moi. ». « C'est exact. », a insisté le dénommé Thierry. « Mais modifié pour qu'il ressemble à la manière dont votre mari aurait eu envie qu'il se termine. Vous ne vous êtes jamais posé la question de savoir pourquoi, au début de votre mariage, votre mari effectuait tant de virées nocturnes en voiture. Pourquoi il n'aimait pas sortit en compagnie de sa femme et de ses enfants en ville. Pourquoi il ne souhaitait pas que vous ayez accès à ses comptes bancaires. En fait, ce récit évoque le premier amour masculin de votre mari. Celui-ci se prénommait Dominique. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il a souhaité que votre fils ainé – moi -, porte ce prénom. Afin de garder le souvenir de son premier grand amour. Quant à ses virées nocturnes, c'était parce qu'il allait rencontrer des jeunes hommes pour avoir des aventures sexuelles avec eux.

Alors, tout à coup, tout est revenu à la mémoire de ma mère. Les raisons pour lesquelles mon père n'avait aucune inclination pour les choses du sexe. Pourquoi il s'absentait si souvent sans elle. Pourquoi elle n'avait pas accès aux comptes en banques. Pourquoi je portais ce prénom. Pourquoi il dépensait tant en costumes. Tout un tas d'incidents nébuleux qui avaient parsemé l'existence commune de mes parents ressurgissaient. Les pièces du puzzle se mettaient finalement en place. Et ce qui semblait incohérent, énigmatique, farfelu parfois, devenait clair. Pourquoi mon père n'aimait jamais passer les vacances avec nous, quitte à préférer demeurer seul à la maison. La raison était évidente. Pour que, durant ces jours ou ces semaines de liberté, il puisse mener son « autre » existence. Pourquoi, un jour, lors de la pendaison crémaillère de la première demeure qu'ils ont habité en Sarthe, il s'est travesti avec un tel soin ? Aujourd'hui, ce détail s'éclairait sous un nouveau jour. A ce moment-là, tout le monde avait été surpris qu'il se plaise à se grimer en femme, à s'habiller en femme. Personnellement, j'avais été légèrement choqué par cette lubie, même si c'était à l'occasion d'une fête. Je comprenais mieux. Pourquoi il avait eu des périodes dépressives au cours des années soixante-dix, au point de ne plus se raser ou s'habiller durant des jours… Je pourrais énumérer des détails de cet ordre à l'infini, la réalité ne serait pas, pour autant, modifiée.

En ce qui me concerne, le plus humiliant, le plus blessant, ce qui m'a le plus heurté, c'est que mon père ait eu l'audace de me prénommer comme son premier amour masculin. Je me suis senti sali.

Je suis quelqu'un d'ouvert, de tolérant, de compréhensif. Enfin, je l'espère, et je fais tout pour avoir en permanence cet état d'esprit. Mais là, c'était plus que je ne pouvais en supporter. Tout comme ma mère, j'ai été blessé au plus profond de mon cœur et de mon âme. Je comprenais aussi pourquoi mon père m'avait si longtemps rabaissé, m'avait mésestimé, avait vu en moi quelqu'un qui, malgré tous ses efforts, ne lui arriverait jamais à la cheville. Pourquoi il considérait mes centres d'intérêts, mes passions, mes rêves, mes espoirs, comme dénués de sens. Pourquoi, même si nous étions tous deux passionnés par des sujets équivalents – histoire, littérature, cinéma, figurines… -, il considérait toujours que je n'étais pas à la hauteur. Certes, mon handicap, et sa déception d'avoir un fils handicapé, a dû jouer son rôle. Il m'en a fait part un jour. Il avait exercé son autorité afin de me soumettre, s'intéressait à d'autres enfants qu'il pensait plus doués ou plus riches de promesses, devant moi parfois.

En fait, ai-je réalisé à ce moment-là, ce n'est pas de moi qu'il avait honte. C'était de lui. Il était homosexuel depuis toujours. Il avait dû s'en cacher depuis son adolescence. Il avait dû se conformer aux préceptes de la société de son temps, pour laquelle l'homosexualité était une tare, une maladie, presque. Il avait dû se marier afin de faire « comme tout le monde », pour « être dans les normes ». Il avait dû se marier avec ma mère parce que celle-ci était déjà enceinte de moi au moment de leur union officielle. J'étais arrivé peu de temps après, avec une tache de naissance et un handicap, pourvu de faiblesses et de d'incapacités. Je lui renvoyais dès lors l'image de son échec, de cette vie à laquelle il ne pouvait prétendre. Et il avait reporté sa colère, son ressentiment, son dédain, sa tristesse, ses blessures, sur moi. Je les avais inconsciemment portées sur mes épaules tout le long de mon enfance, de mon adolescence, et de la première décennie de ma vie d'adulte. J'avais souffert, pleuré, été humilié, rabaissé, été terrorisé par ce père qui en imposait. Lui qui était sur son piédestal, il se considérait toujours comme le plus intelligent, le plus cultivé, le plus intéressant, le plus…. Toujours le plus. Je m'étais démené durant des années afin que, malgré mes incapacités, il soit fier de moi ; rien n'avait jamais suffi.

Mais en fait, je réalisais que ce n'était pas à moi qu'il en voulait réellement. Je n'étais que l'élément le plus visible de son échec. Moi, l'enfant différent des autres, le renvoyait à sa propre différence. Mes souffrances, mes blessures, le renvoyaient à ses propres souffrances, à ses propres blessures. Et, puisqu'il ne pouvait pas s'en prendre à lui-même, c'était sur moi qu'il avait déchargé sa vindicte, sa peur, ses angoisses, ses incompréhensions, son sentiment de défaite et d'injustice. Et moi, j'avais tout pris sur moi, en moi, sans être capable de me défendre, de réagir, face à ce poids qui l'accablait, et dont il m'accablait.

Un autre aspect, également, qui l'avait empêché, durant toutes ces années, d'évoluer, et de choisir sa propre destinée, même si celle-ci n'aurait pas plu au plus grand nombre, c'était sa famille. Je l'ai déjà évoqué, sa mère notamment, considérait mon père comme un véritable demi-dieu. Depuis qu'il était enfant, celle-ci, ainsi que toutes les autres femmes – les sœurs de ma grand-mère paternelle -, voyaient en lui la « huitième merveille du monde ». Il était le plus beau, le plus intelligent, le plus cultivé, le plus intéressant, etc. Je ne cesserais de le répéter, parce que je crois que tout ceci est à la base de tout ce qui a suivi. Il avait un emploi prestigieux au ministère de l'intérieur. Il y côtoyait parfois des ministres. Il avait une belle maison. Il avait réussi sa vie, que cela soit sa vie professionnelle ou personnelle. Alors que ses parents et lui avait débarqué d'Algérie en 1962, obligés de recommencer une nouvelle vie. Mon père avait alors dix-huit ans à cette époque, et il y avait quitté une vie facile, aisée, favorisée. Ses parents étaient fiers qu'il ait pu se faire une place dans ce monde d'après.

Comment aurait-il pu les décevoir, les meurtrir, en leur avouant son homosexualité. Je crois qu'il était conscient de tout le mal que sa différence leur aurait infligé. Il a donc choisi une autre solution, bien plus dévastatrice à longue échéance. Et c'est ma mère, ma sœur et moi qui en avons fait les frais. Il est en outre curieux de souligner que ce n'est que peu de temps après le décès de mon grand-père paternel que les événements que je relate aujourd'hui se sont produits.

« Pourquoi me révélez-vous tout cela aujourd'hui ? » a questionné ma mère au fameux Thierry. Et ce dernier d'expliquer : « Cela fait un bon moment que je suis l'amant de votre mari. » Durant votre absence en Franche-Comté, il m'a invité chez vous. Ensuite, nous sommes descendus sur Toulouse, nous avons fait une virée sur Paris. ». Puis, nous nous sommes quittés en nous promettant de nous revoir très vite. Ce qui a été le cas puisque son séjour à Paris dont il vous a parlé, était en fait le prétexte pour me rejoindre chez moi. Mais votre mari m'a abandonné hier en disant qu'il mettait un terme à notre relation.  C'est pour cela que je tenais à vous informer de la réalité de faits que vous ne soupçonniez pas. En représailles, en quelque sorte. ».

Ma mère, malgré le choc, a tout de même interrogé : « Et où est-il en ce moment, que fait-il ? ». Et ce Thierry de lui apprendre l'ultime rebondissement – à cette date – de l'affaire : « Il est, cette fois, bien à Paris. Cela fait un certain temps qu'il communique avec un adolescent d'environ quatorze ans, sur un tchat homosexuel. Celui-ci habite Paris. Votre mari avait prévu de se rendre à Paris afin de dédicacer son plus récent livre qu'il a fait éditer. Vous en avez une copie sur son ordinateur. » Je l'avais effectivement découverte. « Il souhaitait profiter de cette opportunité pour rencontrer cet adolescent pour lequel il a un certain attachement. Au point que ce jeune homme appelle votre mari « Papa ».

Plus tard, ma mère et moi avons, de fait, mis au jour des exemplaires d'écrits publiés de mon père. Comme je l'ai exprimé plus haut, il s'agissait de textes ayant un fond historique, décrivant l'amour interdit de deux homosexuels à l'époque où ils vivaient. Nous avons aussi appris que les livres de mon père ne se trouvaient pas partout. Ils étaient exclusivement vendus dans des boutiques spécialisées ; ou, parmi les homosexuels, ils avaient un maigre succès. Quelques milliers d'exemplaires vendus ; ce qui est honorable et lui a rapporté quelques milliers d'euros. Ce n'était pas, pour autant, un best-seller, loin de là.

Cette révélation a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Non seulement, mon père était homosexuel, et depuis toujours. Le mariage entre mes parents n'était qu'une mascarade, ma venue au monde un accident qu'il n'avait pas véritablement désiré. Notre vie de famille n'était basée que sur le mensonge et sur une vie parallèle dont elle ne savait rien. Mon père avait manipulé ma mère depuis toujours. Il avait reporté sur moi toutes ses souffrances et toutes ses blessures. La crise ayant eu lieu à partir de 1987 reposait en grande partie parce que mon père n'avait jamais assumé ce qu'il était réellement. L'aventure de ma mère, même si elle était choquante, blessante, n'était rien, comparé à l'attitude que mon père avait eu envers elle durant toutes les années soixante-dix, et qui l'avait poussée dans les bras d'un autre homme.

Et que dire de ce soupçon de détournement de mineur qui venait couronner le tout. C'était un acte grave, non seulement vis-à-vis de nous, mais également et surtout, aux yeux de la loi. A l'instant où ma mère parlait avec ce Thierry, mon père était peut-être en train d'avoir des relations sexuelles avec un mineur de moins de quinze ans. Or, pour avoir fréquenté les milieux judiciaires et policiers durant l'ensemble de la carrière de mon père, ma mère et moi savions à quel cela pouvait être grave.

J'ai téléphoné à une amie de mes parents qu'ils fréquentaient régulièrement à cette époque-là. Elle est aussitôt venue. Nous avons couché ma mère, en lui donnant des calmants et des somnifères pour qu'elle se repose un peu. Je lui ai expliqué la situation. Nous avons réfléchi sur l'attitude à adopter. Quand ma mère, au bout de quelques heures, s'est réveillée, à nous trois, nous avons tenu conseil. Et nous sommes tous parvenus à la conclusion qu'en de telles circonstances, il était évidemment plus sage de prévenir la gendarmerie. Les faits concernant cet adolescent étaient trop graves ; nous ne pouvions pas les taire. On aurait pu nous taxer de non-assistance à personne en danger, et complicité d'enlèvement et d'abus sexuel, si les soupçons s'avéraient exacts.

Les gendarmes n'ont pas tardé à arriver chez nous. Je n'ai jamais été impressionné ou apeuré par les membres des forces de l'ordre. J'en ai croisé assez souvent du fait de l'emploi de mon père, pour savoir que ce sont des gens comme tout le monde. Ilo n'y a que ceux qui ont quelque chose à se reprocher qui les craignent.

Aussitôt, ils ont réquisitionné l'ordinateur de mon père, ainsi que quelques-unes de ses affaires personnelles. Ils nous ont demandé, à ma mère, à notre amie, ainsi qu'à moi, de les accompagner au poste. Ils nous ont rassurés en nous disant que nous n'avions rien à nous reprocher, que nous avions eu la bonne attitude en les prévenant. Ils souhaitaient juste nous questionner afin de sonder plus profondément la personnalité de mon père, et de cerner ses possibles faits et gestes de ces derniers jours.

Jusqu'à ce jour, je n'avais jamais passé une nuit au sein d'un poste de gendarmerie. Et j'espère ne plus jamais être confronté à ce genre de situation. C'est fatiguant, c'est humiliant, quand on est innocent de quoi que ce soit. C'est long. Heureusement que les officiers de gendarmerie ont été gentils avec nous. Ils ont fait en sorte que nous soyons détendus, apaisés. Ils nous ont interrogés, mais assez succinctement en fait. Ils se sont surtout intéressés à l'ordinateur de mon père. Je les ai même aidés à le sonder. Je les ai renseignés sur tel ou tel fichier que j'y avais découvert. Ils ont décortiqué les comptes en banque que mon père dissimulait depuis toujours à ma mère. Et là, quelle a été notre surprise d'apprendre que mon père avait ouvert une multitude de crédits à la consommation depuis des années.

Durant les jours et les semaines qui ont suivi, ma mère et moi avons longuement étudié ces crédits : d'où ils venaient, depuis quand ils avaient été ouvert, la somme qui les constituaient, à quoi ils avaient servi. Au fur et à mesure de nos investigations, nous avons mis au jour qu'il y avait des années, voire, deux décennies, que certains d'entre eux avaient été prescrits. Pour quelques-uns, ma mère était au courant puisqu'elle avait signé ces prêts conjointement avec mon père. Ils avaient été consentis pour de gros achats – voiture, meubles particulièrement imposants et chers, financement de travaux des demeures que nous avons habités. Mais, comme ma mère n'avait jamais eu accès au suivi de leurs remboursements, elle avait été persuadé que ceux-ci avaient été clôturés. Elle en avait été d'autant plus convaincue que, lorsqu'elle interrogeait mon père à ce sujet, il la rassurait. Il lui disait qu'elle n'avait pas de soucis à se faire.

Une fois ou deux pourtant, il y avait eu des alertes. Un huissier s'était présenté chez mes parents peu après que mes parents aient acheté leur première maison en Sarthe. C'est ma mère qui l'avait reçue, puisque mon père travaillait encore en région parisienne. A cette époque, il faisait l'aller-retour entre la Sarthe et Paris chaque jour. Et il n'était pas présent lorsque celui-ci a sonné à la porte. C'est alors que ma mère avait appris que mon père n'avait pas payé une facture de téléphone en temps et en heure. Pour preuve, leur ligne avait été coupée durant quelques jours. Lorsque mon père était rentré le soir, ma mère s'en était prise à mon père. Elle lui avait sommé de régler la facture au plus tôt. Mon père s'était exécuté, et tout était très rapidement rentré dans l'ordre. Et mon père lui avait promis que ce genre d'incident ne se reproduirait plus.  

Quant aux crédits les plus nombreux et les plus importants, seul mon père les avait signés. Et quand il avait été nécessaire que ce soit les deux membres du couples qui y apposent leur paraphe, mon père avait adroitement imité la signature de ma mère afin qu'ils validé. A la fin des années quatre-vingt-dix, alors que mon grand-père paternel vivait avec eux – à la suite du décès de l'épouse de ce dernier -, mon père avait obtenu la procuration de mon grand-père paternel. Il avait vendu l'appartement que ces derniers avaient acheté après leur débarquement d'Algérie, et où ils avaient habité depuis. Et il avait contracté des prèts en son nom afin de disposer de davantage de revenus. Le pire, je crois, c'est qu'après le décès de mon grand-père paternel, mon père avait dissimulé sa mort auprès des autorités compétentes durant un an. Et ce, uniquement pour continuer à percevoir la pension dont il était titulaire.

Nous avons donc compris que, depuis toujours, mon père vivait largement au-dessus de ses moyens. La dette globale s'élevait à près de 300 000 euros. A quoi avait servi tout cet argent pendant toutes ces années. Ou avait disparu l'argent de la vente de l'appartement de mes grands-parents paternels. Pourquoi ces crédits s'accumulaient sans qu'ils n'aient jamais été remboursés et clôturés. Pourquoi mon père avait-il imité la signature de ma mère afin d'en contracter de nouveaux, alors qu'il savait pertinemment que ceci était un délit. Autant de questions auxquelles mon père n'a jamais répondu. 

Les gendarmes, de leur côté, n'ont rien trouvé de particulièrement répréhensible quant aux relations de mon père sur Internet. Les mails de mon père à cet adolescent étaient certes légèrement tendancieux. Mais rien de gravissime en soi. Ils avaient contacté leurs collègues parisiens pour qu'ils enquêtent aussi sur ce jeune homme. Il a été avéré que le soir où mon père était à Paris, ils ne s'étaient pas rencontrés. Ils n'avaient eu aucune relation l'un avec l'autre, ni avant, ni après. Ce qui était un moindre mal. Par contre, d'après ce que j'en ai su, il semble que ce jeune homme a eu droit à de sévères réprimandes de la part de ses parents, et que son ordinateur lui ait été confisqué pour longtemps. Je pense que c'était justifié : on ne laisse pas un gamin de cet âge surfer sur Internet, et entrer en contact avec des hommes plus vieux que lui sur un site homosexuel. Cette fois, l'aventure s'était bien terminée pour lui. Mais Dieu sait qu'Internet est un univers dans lequel on peut trouver le meilleur, comme le pire. Les actualités nous le rappellent assez souvent.  

Pour ma part, j'ai été relativement choqué que cet adolescent donne le titre de « papa » à mon père. Comme si mon père avait effacé de sa mémoire ses véritables enfants, et moi en particulier. Encore une blessure qu'il m'a infligée, et qui m'a meurtri jusque dans les profondeurs de mon âme et de mon cœur. Comme il avait su s'y employer au cours des décennies précédentes ; mettant à profit mon extrême sensibilité et mes émotions exacerbées par les épreuves auxquelles j'avais dû faire face.    

En tout état de cause, mon père a eu beaucoup de chance. Il n'a pas été inquiété par la gendarmerie, à la suite de la saisie de son ordinateur. Quant à ma mère, cette amie de mes parents, et moi, notre séjour dans les locaux de la police, même s'il n'a pas été des plus agréables, n'a pas été désagréable non plus. Les fonctionnaires de l'autorité de l'Etat ont été gentils avec nous. Ils ont su nous détendre, faire en sorte que cette longue nuit se déroule au mieux. Ils nous ont régulièrement offert du café, nous ont rassurés. En fait, c'était surtout ma mère, notre amie, et moi, qui nous nous interrogions. Nous craignions de découvrir des éléments encore plus terribles que ceux auxquels nous avions été confrontés toute la journée. Nous avions peur de découvrir des aspects encore plus noirs vis-à-vis de mon père.

Mais cela n'a pas été le cas. De fait, le matin, peu après l'aube, les gendarmes nous ont autorisés à rentrer chez nous. Evidemment, ils ont gardé l'ordinateur afin d'approfondir leurs recherches. Mais, selon eux, il était peu probable qu'ils y trouvent davantage que jusqu'alors. Et cette intuition s'est vite confirmée au bout de plusieurs jours. Judiciairement, l'affaire a été close.

Mon père, lui, ne s'est plus manifesté à nous durant une semaine à peu près. Je crois qu'il était terrorisé à l'idée de se confronter à ma mère. Après la découverte de sa véritable nature depuis qu'il était marié à ma mère, tout s'était écroulé pour lui. Et il avait certainement honte d'avoir été démasqué. Son orgueil avait été mis à mal. Sa fierté de pied-noir, de demi-dieu vivant, avait été ébranlée. Il savait que nul ne le regarderait plus jamais de la même manière. Lui qui avait toujours fait montre d'une supériorité et d'une autorité naturelle, tout était fini.

Que dire des jours qui ont suivis, sinon que la vie a tournés au ralenti. Heureusement, ma mère a été en permanence entourée ; par les amis que mes parents avaient à l'époque ; par sa famille, que ce soit ses propres parents, ou nous, ses enfants. Chacun a fait son maximum afin de la ménager, de l'entourer, d'être présent pour elle en toutes circonstances. Il a été évident que le choc et la surprise a été terrible, pour tous ceux et toutes celles qui connaissaient mon père depuis des années. La seule qui n'a été que moyennement surprise, c'est ma grand-mère maternelle. Elle nous a avoué que cet état ne l'étonnait pas outre mesure. Car il y avait longtemps qu'elle avait remarqué des petits détails dans la personnalité et le comportement de mon père, qui lui avaient mis la puce à l'oreille. Pour ma part, avec le recul, je comprenais mieux la raison pour laquelle mon père avait refusé de suivre une thérapie familiale afin d'apaiser le conflit qui m'opposait à lui depuis des années. C'est aux alentours de 1997, alors que j'habitais Laval, que j'avais suggéré cette idée, dans le but de pouvoir faire entendre ma voix face à un père dominateur, écrasant, qui m'humiliait et me rabaissait souvent. J'en souffrais alors. Et il avait été accepté par chacun d'y participer. Seul mon père avait trainé des pieds pour entamer cette démarche. Il ne s'y était rendu qu'en deux occasions. Mais comme je lui y avais dit des choses qu'il ne voulait pas entendre concernant son comportement envers moi, il avait tout arrêté. Je me souviens qu'il avait alors expliqué : « Dominique, avec ta thérapie, tu es en train de faire remonter des choses que j'ai enfouies en moi depuis longtemps. J'ai l'impression d'être un accusé devant un peloton d'exécution. Je refuse cela. Si c'est pour être bousculé en permanence, ce n'est pas pour cela que je suis là. ».

Evidemment, je n'avais pas saisi le sens de ses propos à l'époque. Comment aurai-je pu deviner que ces questionnements que je lui infligeais. Comme pour les pièces précédentes du puzzle constituant notre vie de famille depuis ses origines, celle-ci également se mettait en place et avait, finalement, son explication. 

Ainsi, c'est au bout d'une semaine à peu près, que mon père a fini par téléphoner à ma mère. Il était penaud. On avait l'impression de parler à un petit enfant pris en faute, qui est malheureux d'être puni, mais non d'avoir fauté. Car mon père n'a jamais eu de remords ou de regrets quant à sa manière d'être. Il ne s'est jamais remis en cause. Il n'a jamais réfléchi aux conséquences de ses actes ou de ses paroles sur les autres. Le principal, c'est que lui ai ce qu'il veuille. Il a promis à ma mère qu'il avait compris la leçon. Il lui a promis qu'il l'aimait. Que c'était avec elle qu'il désirait vivre, et qu'il ne devait pas lui tenir rigueur des événements récents. Qu'il s'était fourvoyé, et que tout allait rentrer dans l'ordre. Il lui a supplié, presque, de pouvoir revenir à la maison et de pouvoir reprendre une vie commune avec elle. Beaucoup des amis qui entouraient ma mère à ce moment-là, n'y croyaient pas. Ils ont prévenu celle-ci que, si elle acceptait son retour, ses vieux démons le reprendraient tôt ou tard. Ma sœur et mes grands-parents maternels étaient incapables de lui pardonner tout ce qui venait de se passer. Ils ne parvenaient pas à dépasser leurs rancœurs à son encontre. Ce que je peux admettre. Pour ma part, je ne savais plus où j'en étais. J'étais partagé entre le désir de voir ma mère heureuse et libérée du fardeau qui pesait sur ses épaules depuis le début de tout ceci. En même temps, j'en voulais énormément à mon père de lui avoir fait subir tous ces outrages depuis le début de leur mariage. Je souffrais de tous les mensonges sur lesquels celui-ci reposait. Comme je souffrais du fait que je porte le prénom de son premier amour masculin. Ce dernier détail m'est, depuis, toujours resté en travers de la gorge.

Je suis persuadé, intimement convaincu, que chacun a le droit à la vie sexuelle et amoureuse qui lui est appropriée. Que ce soit aujourd'hui comme hier, j'ai toujours défendu ceux et celles qui sortaient des normes – peut-être parce que, tout comme eux, moi aussi je ne possède pas une existence « normale ». L'homosexualité, comme le handicap, ou d'autres sortes de choses qui sortent plus ou moins des limites de la société bien-pensante, socialement honorable ou tolérable, ont toujours été sujets de moqueries, de rejets, de solitude, de souffrance, de défiance. J'en ai subi les conséquences à de nombreuses reprises tout le long de mon existence. Je suis donc bien placé pour défendre les personnes qui portent cette différence comme une infamie et une source de malheur et de disgrâce. Ce que je n'accepte pas, par contre, c'est le mensonge ; c'est que l'on cache la vérité de son état à ceux et celles qui vous aiment et que vous aimez. Ce que je n'aime pas, c'est lorsqu'on rejette la faute sur les autres, qu'on les utilise afin de se valoriser soi-même, afin de briller à leurs dépens. J'aurai accepté et compris l'homosexualité de mon père. Ce que je n'ai pas compris, ce qui m'a fait souffrir, ce sont ses mensonges, même si j'imagine les raisons qui l'ont poussé à se comporter ainsi. Sauf qu'il a reporté son mal-être sur moi. Cela a été plus que je ne pouvais en supporter.

Ma mère a finalement accepté le retour de mon père au domicile conjugal. Elle a tourné la page. Et ils ont repris une vie commune brinquebalante. Evidemment, s'était créé un gouffre entre mon père et ma mère, que rien ne viendrait plus jamais combler. Les dégâts étaient trop importants cette fois, comparés à l'épisode s'étant déroulé entre 1987 et 1988 ; ils étaient irréparables. Malgré tout, pendant un temps, la paix est revenue dans la maisonnée. Mieux encore, il y avait des années que je n'avais pas vu mes parents aussi proches l'un de l'autre. Et j'ai cru que nous pourrions repartir sur de bonnes bases après tout cela ; et malgré la souffrance personnelle qui me rongeait l'âme et le cœur.

Hélas, cette éclaircie n'a duré que deux mois environs. Je me souviendrai toute ma vie de l'ultime rebondissement relatif à cette période. Ce soir-là, mes parents avaient invité à diner leurs amis les plus proches de l'époque. Il s'agissait de ceux dont la femme nous avait accompagnés, ma mère et moi, à la gendarmerie après la perquisition de l'ordinateur de mon père. Nous étions en train de bavarder et de manger dans la cuisine de la demeure de mes parents. Quand, soudain, le téléphone a sonné. C'est mon père qui a décroché. Et là, oh surprise. C'était ce fameux Thierry qui était à l'autre bout du fil. Mon père s'est éloigné de nous avec le combiné portable. Ma mère a jeté un regard noir en direction de mon père. Leurs amis se sont soudainement sentis mal à l'aise. « Je croyais que ton mari n'entretenait plus de lien avec ce Thierry », a fait l'un des convives. « Je le croyais aussi. », a répondu ma mère, le visage décomposé. « Il m'avait promis que toute cette histoire était terminée. », a-t-elle poursuivi. « C'était une des conditions pour que j'accepte de lui pardonner. ».

La conversation entre ce Thierry et mon père s'est éternisée un bon moment. Lorsqu'il a fini par raccrocher et qu'il a repris sa place à table, ma mère l'a questionnée. Elle n'a pas été gênée par la présence de leurs amis puisque, de toute façon, ceux-ci étaient au courant de tout. Mieux encore, c'était principalement eux qui avaient été présents à nos côtés durant toutes ces turbulences familiales. « Qu'est-ce qu'il voulait ? », l'a-t-elle interrogé brutalement. « Je pensais que tu avais rompu tout lien avec ce Thierry. ».

Et là, l'horrible vérité a, de nouveau éclaté. Il nous a expliqué qu'en fait, Thierry avait rétabli le contact avec mon père depuis peu. Ce Thierry était toujours amoureux de mon père. Il souffrait, il lui manquait. Il ne pouvait pas se passer de lui.

Cette fois, pour ma mère, le dernier lien qu'elle avait essayé tant bien que mal de rétablir, tous les efforts auxquels elle avait consenti afin de surmonter cette crise, étaient définitivement anéantis. Elle lui a dit : « C'est lui ou moi. C'est cette existence ou ta famille. ». Mon père a alors tergiversé au cours des jours suivants. A un moment, il souhaitait réparer les dégâts avec ma mère. Le lendemain, son attirance pour Thierry était plus forte que tout le reste. Il jonglait sans cesse avec les nerfs de chacun d'entre nous. Ma mère pleurait souvent. Elle était de nouveau perdue, bouleversée, blessée, humiliée. Ma sœur, elle, vivait sa vie et s'occupait de son club hippique, mais se tenait informée de l'évolution des événements. Les amis de mes parents tentaient de résonner mon père, de lui donner des conseils afin de réparer le mal qu'il réinstallait en chacun de nous. Mes grands-parents maternels, pour leur part, ne voulaient plus avoir à faire à mon père en aucune manière. Pour eux, la solution était toute simple : ma mère devait divorcer de mon père.

Cette situation a duré plusieurs jours. Plus le temps s'est écoulé, plus la tension a gravi des échelons. Plus celle-ci a pris des proportions démesurées. C'est à ce moment-là, qu'enfin, après des décennies de mésestimation de moi, de sentiment d'infériorité à l'encontre de mon père, de rabaissement systématique de sa part, de fragilité émotionnelle et de sensibilité exacerbée qu'il avait utilisée à son gré à mes dépens, j'ai réussi à lui dire ce que j'avais sur le cœur. Je lui ai dit ce que je ressentais des années de mensonges qu'il nous avait fait subir. Je lui ai dit qu'il ne me faisait plus peur, et que ce n'était pas parce qu'il croyait avoir toujours raison, que c'était le cas. La preuve, avec sa véritable personnalité, alors qu'il nous avait fait croire qu'il était qu'un d'autre pendant tout ce temps. Que je n'avais rien contre les homosexuels – qu'il avait le droit à la sexualité qui lui convenait -, mais qu'il m'avait fait souffrir toutes ces années en me faisant porter sur épaules son mal être. Que je souffrais qu'il ait choisi pour moi le prénom « Dominique » en souvenir de son premier amour masculin. Que j'avais parcouru ses romans, et que je pensais qu'il méritait mieux que ses proses homosexuelles à deux sous sur fond historique. Qu'il était intelligent, cultivé, et que s'il souhaitait écrire des livres, il valait mieux qu'il consacre son énergie à des histoires plus intéressantes.   

Nous en sommes presque venus aux mains. Mais, pour la première fois de ma vie, je n'ai pas baissé les yeux. Je ne me suis pas soumis à ce qu'il pensait ou désirait de moi. Et je crois que, de tout, c'est cela qu'il n'a pas accepté de ma part. Pour la première fois, j'avais osé le défier ouvertement, je ne m'étais pas plié à sa volonté, à son autorité paternelle. Je lui ai dit qu'il ne m'impressionnait plus, et que même s'il me frappait, cela ne modifierait pas mon état d'esprit. Quand je pense qu'un jour, bien des années auparavant, il m'avait affirmé d'un ton moqueur : « De toute manière, ce seront mes enfants qui s'occuperont de moi jusqu'à la fin de mes jours. Ce sont eux qui régleront mes dettes, mes problèmes, qui me soutiendront financièrement, quand je serai vieux. ». Ce jour-là, je lui ai dit que ce n'est pas sur moi qu'il devait compter pour cela.

C'est étrange, et les lecteurs et lectrices qui parcourent ces paragraphes ne vont peut-être pas me croire. Mais, tout au fond de moi, au sein des retranchements les plus intimes de ma personne, viscéralement ancré en moi, je ne sais pas pourquoi, j'ai toujours su que mon père finirait ses jours seuls. Qu'il finirait abandonné de tous ceux et celles qui l'aimaient, pratiquement à la rue. C'est, hélas, ce qui est advenu il y a maintenant deux ans.

Car, évidemment, ma mère s'est rangée à l'avis de ses parents. Elle à bientôt demandé le divorce. Mon père, toujours aussi sûr de lui, était persuadé qu'elle n'irait jamais au bout de sa démarche. Il était convaincu qu'elle n'était – que nous n'étions – rien sans lui. Qu'il saurait trouver les arguments pour la faire changer d'avis. Qu'elle serait perdue, sans ressources. Il lui a dit que, de toute la manière de ses dettes lui revenaient, si elle désirait divorcer – ce qui était vrai comme nous l'avons appris par la suite. Et que, rien que cela la dissuaderait de se défaire de lui.

Sauf que, cette fois-ci, ma mère ne s'est laissé, ni intimider, ni attendrir. Il a beau eu lui promettre monts et merveilles, que tout allait définitivement rentrer dans l'ordre. Qu'il en avait fini avec ses bêtises. Qu'il avait fermement rompu avec Thierry. Qu'il l'aimait. Que c'était avec elle qu'il désirait terminer sa vie. Ma mère n'y croyait plus. En fait, aucun de nous n'y croyait plus. Mon père a donc déménagé. Le jour où il a quitté le domicile familial définitivement, qui aurait pu imaginer que c'était la dernière fois que je le voyais. Tout au fond de moi, comme je l'ai déjà spécifié, pourtant, c'est ce que je ressentais viscéralement. Mais beaucoup des gens qui nous entouraient supposaient qu'avec le temps, les rancœurs et les blessures diminueraient d'intensité. Et qu'au bout de quelques mois, il essayerait de se rapprocher de nouveau de moi.   

Cela n'a pas été le cas. Il a déménagé pour la Belgique. Il semble qu'il ait, un temps, vécu avec ce fameux Thierry. Ensuite, une fois que son histoire s'est terminée avec celui-ci, il a logé à Toulouse ; avec qui, comment, pourquoi ? Je ne sais pas. Il faut bien avouer que son parcours, à partir de cette date, a été assez chaotique. Et les informations que nous parvenions à récupérer à son sujet, étaient incohérentes et contradictoires. Ce n'est qu'au bout de deux ans environs, alors que, pour moi, la vie avait changé du tout au tout, et que j'avais émigré à Valognes, qu'il s'est installé à Sablé sur Sarthe. C'est la ville de taille moyenne la plus proche du village où se situe la maison de ma mère. Je suis sûr, et ma mère aussi, qu'il avait dès lors le secret espoir de convaincre ma mère de le faire revenir dans sa vie. Ce qui s'est avéré vain.

En effet, dans les premiers temps de son arrivée à Sablé, mon père et ma mère ont entretenus des relations distantes, mais cordiales. Il est allé rendre visite à ma sœur à une ou deux reprises ; et en particulier juste après la naissance de ses deux enfants. Mais mon père était ainsi fait que, lorsque quelque chose était terminé, il tournait définitivement la page. Les événements l'avaient mis à terre, il avait perdu sa superbe. Son aura de suffisance, de prestige, d'orgueil, s'était éteinte. Il n'a jamais pris de mes nouvelles. Moi, j'en demandais de temps en temps à ma mère, quand elle le croisait fugitivement ; notamment lorsqu'ils avaient des documents en commun à régler. Mais, pour lui, désormais, je n'existais plus. J'avais disparu de sa vie. Pire, c'est comme si, pour lui, je n'avais jamais existé.

Puis, au bout d'un certain temps, les relations relativement cordiales entre mon père se sont dégradées. Et cette fois, il n'y a plus eu de retour en arrière possible. Le divorce a été totalement et pleinement consommé. C'est le terme qui convient, puisqu'il restait leur séparation à régler. Et mon père a tenu à faire payer une partie des dettes qu'il avait contractées par cette dernière. Des expertises graphologiques ont confirmé, il est vrai, que mon père avait falsifié les papiers rattachés aux emprunts qu'il avait. Une bonne douzaine au total, pour une somme de 300 000 euros ou davantage, je le rappelle. Sachant qu'étant mariés sous le régime de la communauté, chacun détenait une part de la propriété dans laquelle ils avaient habité ensemble. Or, ma mère désirait la garder afin de pouvoir y demeurer jusqu'à la fin de ses jours. Mon père, de son coté, désirait la vendre afin d'en récupérer les fruits, et ainsi éponger une partie de ses dettes. Par la même occasion, il voulait faire payer au prix fort la décision de ma mère de divorcer de lui.

Cela a été un véritable affrontement qui s'est prolongé pendant près d'un an. Par avocats interposés, ils se sont déchirés à propos du règlement de ses prêts. Mon père tenait à tout prix à vendre la maison ; mais sans que la totalité du revenu ne soit utilisé pour le remboursement de ses emprunts. Ma mère, pour sa part, ne voulait pas être codébitrice de ceux-ci, puisqu'elle n'avait pas été tenue au courant de leur existence, et qu'elle n'en n'avait signé qu'une faible part. Elle était d'accord pour contribuer au paiement de ceux qu'elle avait signé ; pas les autres. Et la tension, à partir de ce moment-là, n'a cessé de monter. Et ma mère a entièrement coupé tout lien avec mon père. Et  cette fois, il s'est retrouvé véritablement seul. Tout le monde, jusqu'à ses plus fidèles amis, avaient pris le parti de ma mère, et s'étaient détournés de lui. Comme je l'avais pressenti, il a fini seul et abandonné.

Une solution a finalement été trouvée. Mes grands-parents maternels avaient, comme je l'ai déjà spécifié ailleurs, mis de nombreuses ressources monétaires de côté tout le long de leur carrière. Ils détenaient de gros revenus, y compris depuis qu'ils étaient à la retraite. Ils ont offert à ma mère de racheter pour elle la part de la maison familiale détenue par mon père. Ma mère n'a pas eu d'autre choix que d'accepter leur proposition. L'affaire a été rapidement réglée, cette fois-ci. Une clause exigeait que cet argent serve au remboursement des prêts contractés par mon père. Ce qui a été partiellement effectué. Mais, une fois de plus, je ne sais comment, mon père s'est débrouillé pour qu'une partie de cette somme ne soit pas allouée à cet effet. Je ne sais pas à quoi il lui a servi. Puisque des mois durant après le divorce de mes parents, ma mère – mais aussi ma sœur – a reçu des lettres de relance de ces organismes emprunteurs. Et, comme mon père avait fait en sorte de disparaitre sans leur laisser d'adresse, c'était sur ma mère – et ma sœur – qu'ils se tournaient pour recouvrer les montants dus. Quant à moi, du fait de mon handicap, j'étais protégé de leurs virulences. Pour une fois que mon handicap me bénéficiaient, je n'en m'en étais pas plaint. Toutefois, j'étais outré par l'attitude de mon père, et profondément malheureux des retombées de ces dettes sur ma mère et ma sœur.

Tout ceci s'est terminé au tribunal. Ma mère a payé la part qu'elle devait, et pas davantage. En outre, mon père devait surseoir à une pension alimentaire lui permettant de vivre décemment. Lui, a été contraint de régler l'ensemble des dettes qui étaient de son fait. En fin de compte, malgré les divers méandres que cette Odyssée a prise, nous en sommes tous – sauf mon père – sortis relativement indemnes. Certes, psychologiquement et affectivement, nous avons payé un prix extrêmement élevé. Mais, familialement, les liens entre ma mère se sont soudés bien plus qu'ils ne l'étaient auparavant. Et nous avons construit un équilibre que nous n'avions jamais connu jusque-là. Il n'est pas parfait, ce serait audacieux de l'exprimer ainsi. Ma mère et moi avons parfois des prises de becs et des dissensions, des divergences d'opinions plutôt virulentes. Mais nous nous accordons sur l'essentiel, et une fois que nous avons mis ce que nous avons à nous dire sur la table, nous tournons la page, et nos liens se rééquilibrent. La sérénité et l'envie de partager se réinstallent. Jamais nous n'avons été plus heureux au sein de notre famille, que depuis que mon père a disparu de notre existence.

Un dernier détail à ajouter : à la mort de mon père, il y a deux ans, celui-ci avait encore un grand nombre de dettes diverses et variées, et de prêts à la consommation en cours. Ma sœur et moi, qui sommes ses seuls héritiers, avons refusé son legs. Il était déficitaire, et si nous l'avions accepté, nous aurions dû régler l'ensemble des emprunts qu'il laissait derrière lui. Moi, j'y aurai échappé, du fait de mon handicap qui me protégeait de tous ces tracas. Mais ma sœur, qui est en possession d'un club hippique dont la valeur est assez importante, aurait eu d'énormes soucis. Dans notre malheur, nous avons eu de la chance donc. Car nous avons pu, malgré le refus de cet héritage, récupérer un certain nombre de biens qui nous tenaient particulièrement à cœur. Pour ma part, j'ai accédé à des livres des prestigieuses éditions « Jean de Bonnot ». Il s'agissait de l'ensemble des œuvres de Victor Hugo. J'y porte un grand attachement, car c'est par ces livres que je me suis plongé, notamment, dans « Notre-Dame de Paris » et « Les Misérables », qui m'ont enthousiasmé. J'ai aussi récupéré toutes les biographies historiques que mon père avait accumulées au fil des décennies. Pour un passionné d'histoire comme moi, il était hors de question que ces collections ne soient dilapidées ou dispersées aux quatre vents.

Mieux encore, mon père avait pris une assurance-vie. A son décès, du fait que celle-ci se trouvait en dehors de la succession officielle, ma sœur et moi avons pu en bénéficier. Et nous avons, chacun, obtenu environ 17 000 euros. Qui aurait cru que mon père, par sa mort, nous aiderait financièrement ; alors qu'il s'était toujours réjouit de s'imaginer que son décès entrainerait des ennuis financiers et administratifs, qui se transformeraient pour nous en épreuves à long terme pour longtemps. Comme quoi, la vie réserve parfois des retournements de situation pour le moins alambiqués et surprenants.

Signaler ce texte