Rallumer les étoiles

velvet

à voir dans le noir je préférerais qu'on m'allume une lumière

Les bruits sortant de la radio s'écrasent contre mon oreille et compressent ma poitrine en gueulant des mauvaises nouvelles. J'inspire. J'expire. Ensuite je grogne, un bruit animal qui vous sort tout droit des entrailles, je me lève et appuie de toutes mes forces sur le petit bouton rouge.

Le son se meurt et je soupire. Je regarde par la fenêtre. Il fait nuit, il fait noir, des gouttes de pluies giflent la glace comme des larmes de ciel gelées. Je me gratte la joue, mon cœur accélère. 

Pieds nus, je cavale le long des escaliers, j'ouvre la porte d'entrée dans un fracas délicat et avance jusqu'au milieu de la route. Ma chemise de nuit vieille et blanche se teinte de transparence et je bascule ma tête dans la nuque pour lever mes yeux au ciel. Les étoiles sont masquées par des nuages cruels.

Je ferme les yeux. Le tissu de la robe s'accroche contre mes courbes inexistantes et mes pensées divaguent. Je sens que ma voisine louche par la fenêtre. Je m'en contre fiche.

Je pense à la vie, je pense à la mort, à ce qu'il y a après, à ce que je vais manger demain, à l'ivresse poétique, à l'idéalisation du corps féminin, à ma bouteille de vodka rose qui m'attend sur le rebord du buffet noirci, à mon lavabo plein de peinture, à l'amitié, à l'amour, à l'attente et à la perte. Et puis je pense aux étoiles, éteintes derrière les nuages, cachées, enfouies, perdues dans l'univers infini qui nous englobent tous.

Elles me font de la peine, ces petites paillettes de nuit, qu'on oublie si vite et qui s'éteignent sans un bruit. Elles sont nombreuses mais je me dis qu'elles doivent être seules. Je relève les paupières, j'ai de la pluie pleins les cils. 

Elles sont toujours voilées par le noir et le gris et mon cœur devient lourd tandis que mon corps frissonne. 

Je m'entoure de mes bras et continue à fixer le noir. Rien ne se fait en haut.

Finalement, je rentre, attristée, fatiguée, c'est stupide, je pense, c'est stupide. La bouteille rose me regarde, je l'observe et puis je l'attrape, je la verse et je la bois. Ma caboche bascule dans un univers parallèle, je ris, je pleurs, je gueule, je saute, je tourne en rond, je ris, je me fais mal, bim boum, putain, un verre se brise, ma tête se cogne, mon corps bascule, des larmes roulent, la pluie s'arrête, je m'écrase au sol; les yeux comme des ballons gonflables et la tête comme une pastèque pétée, ça s'éteint quelques temps dans mon cerveau.

Lorsque je reviens à moi, mes yeux rougis se portent vers le ciel. Il fait nuit et il fait noir, mais une étoile s'est allumée, et malgré ma douleur crânienne, je souris.

Rallumez les étoiles, je pense, pour rallumer la vie.  

Signaler ce texte