Ras la cape

zoetantot

à partir de visuel

Chemise à carreaux et chapeau vissé sur la tête, Bernardo est adossé au coin de la rue. Le vent souffle à travers la ville en ramenant avec lui la poussière et le sable du désert. Au loin un chien aboie et le son des charrettes qui quittent la ville, décroit. Bernardo tient le mur peint en rouge, bleu et blanc. A ses pieds un chien tacheté mordille un os trouvé dans la cuisine du boui-boui d’à côté. L’atmosphère est pesante, Bernardo s’ennuie. Aujourd’hui Zorro est en grève et lui tient le mur couvert de couleurs et de publicité. L’impérialisme capitaliste s’affiche partout, même sur le mur de l’hacienda de Zorro.

Soudain le canidé tacheté se carapate. Puis Pedro passe dans la rue. Il est habillé de son poncho gris et d’une casquette bleue, couleur impérialiste évidement. « T’as pas vu G-H-I-S-L-A-I-N-E ? » signe t’il à Bernardo. « C’est qui, ça Ghislaine ? » répond du tac au tac Bernardo. 

-Mon chien, il est peint de taches, rajoute Pedro.

Bernardo pense au chien qui est partit d’un seul coup et à la façon qu’il avait eu d’humer l’air juste avant l’arrivée de Pedro. Bernardo en est sûr. Ghislaine a fui Pedro. Peut-être que Ghislaine a ses raisons de fuir. Bernardo ne dirait rien à Pedro, pas même sous la torture d’un verre de soda bien frais au nom trop bien connu, qui soigne les nausées et nettoie le pendentif en argent de Mme Zorro. Non, Bernardo ne se soumettra pas à l’hégémonie de l’oncle Sam ou Tom ou John ou Pedro, quelque soit son nom.

-Non, je n’ai pas vu Ghislaine le chien, répond il fier de résister

-Tourterelle, répond Pedro qui repart dans la rue en regardant Bernardo suspicieusement. Mais Bernardo ne faillira pas. Il résistera. Bernardo se voit déjà en haut du drapeau. El Che Bernardo. De toute façon c’est tout ce qu’il mérite ce Pedro, il ne sait même pas signer correctement.

Tout à coup Zorro-Diego apparaît dans la rue en face de lui. Incognito avec son poncho rouge et noir, il fulmine. Non mais quelle injure, me payer 3 pesos de l’heure alors que je saute sur un cheval, galope, monte sur les toits, me bat à l’épée, cours après les méchants à longueur de journée et en plus n’avoir pour assistant qu’un caractériel et sourd-muet. Zorro-Diego marche vers la maison des justiciers et des super-héros pour préparer la manif avec Batman et Superman. Il a déjà des idées de slogan  pour les banderoles et les pancartes « Ras la cape ! » ou bien «Les collants neufs c’est bien, les pesos et les dollars c’est mieux ». En plus Tornado est en panne aujourd’hui. La mouche tsé-tsé l’a piqué. Et quelqu’un lui a volé son velib.

Bernardo regarde Zorro-Diego s’en allait vers la maison des justiciers en collant. Crétin pense t- il en haussant des épaules, va chercher ton collant neuf, va. J’en ai marre de rafistoler l’ancien.

Tout à coup, il voit quelqu’un passer à vélib. Ce n’est pas Batman ?? Elle est où sa batmobile ? Il ne fait pas le malin maintenant sur son vélib. D’ailleurs, ce velib il ne serait pas à Zorro par hasard ? Je reconnais la rustine en forme de chapeau noir qu’il a fallut que je colle sur le pneu avant. Quelle canaille ce Batman, trop radin pour s’en louer un. Pourtant il paraît qu’il est riche à millions de pesos. Encore un super héro qui se la joue.

Tiens voilà Ghislaine qui revient. Mais au fait, quelle heure est il ? Peut être que le bureau de tabac sera ouvert maintenant. Je vais pouvoir acheter le nouveau Pif Gadget.

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