Redman

cedricmoire

Toute dernière nouvelle de mon futur recueil "les gouffres de la terreur"

C'est  dans un petit village du Connecticut( au nombre de cinq cents âmes) que vivait paisiblement Pierre Andman .Ce dernier , médecin de profession , habitait dans une jolie maison au style victorien (légué par ses ancêtres) située à l'orée d'une grande forêt de hêtres relativement éloignée des premières habitations.

Il était connu dans la région comme étant l'un des meilleurs médecins dans ce coin reculé des Etats- unis.Beaucoup pensaient qu'il avait fait de très longues études pour se retrouver finalement dans ce coin perdu mais c'est ce qu'il avait désiré.Il avait toujours voulu pratiquer sa science en dehors de la vie tumultueuse des grandes villes où l'humain passait bien après le matériel. Le rural l'attirait beaucoup plus et ce depuis tout gamin.

Tout alla bien pour lui jusqu'à ce soir de novembre 1991.

...

Ce soir là , la lune de son astre d'argent faisait magnifiquement resplendir le paysage assombri par le voile embrumé d'une nuit  de novembre.

Pierre Andman avait enfin terminé sa tournée du jour dont les consultations n'avaient pas désempli. Pas loin de trente malades ce jour- là avec tous les mêmes symptômes : angines , rhumes, inflammations musculaire , mal de dos...  Éreinté  il n'avait qu'une hâte: rentrer chez lui boire une bonne  bière sous le porche et regarder le ciel en espérant y voir des étoiles.  Cependant, il ne pourrait pas y rester trop longtemps car il faisait froid ce jour- là et même très froid.Facilement cinq degrés en dessous des températures habituelles d'un mois de novembre. Vingt trois heures à sa montre il accéléra la Buick noire ambrée ( qu'il s'était payé il y avait deux semaines de cela.Hé oui les affaires marchaient bien et il ne s'en plaignait pas ) et arriva enfin à la cote menant à sa maison victorienne.Il déboucha enfin sur la grande allée gravillonnée jalonnée de chênes et de hêtres et alla garer sa voiture toute neuve à coté du porche où il comptait boire sa bière .Mais en sortant de la voiture il changea d'avis car un vent glacial s'était mis à souffler et en prenant la clef de sa voiture il se rendit soudain compte que le bout de ses doigts commençait à ressentir les affres impitoyables de cet air venu du nord .Il referma très vite la portière de sa Buick et se dirigea finalement vers la porte d'entrée de sa maison. Il ouvrit précipitamment la porte   et s'engouffra à l'intérieur dans la douce chaleur de son logis. Il se sentait nerveux . En refermant la porte derrière lui il faillit laisser tomber la clef dans l'un des interstices du parquet au sol.Il ressentit alors un soudain frisson glacé lui remonter le long de l'échine. Pressentiment? .Tout se passa très vite ensuite .Juste le temps de fermer complètement à clef et de se diriger vers le fauteuil  du salon pour boire sa bière méritée  que l'on frappa à la porte.Il était désormais presque minuit.A cette heure avancée de la nuit ce ne pouvait être qu'un malade.Du moins c'est ce qu'il pensait.On frappa de nouveau mais cette fois-ci avec plus de conviction. 

"Qui que vous soyez je veux bien vous ouvrir pour vous aider mais dites- moi avant ce qui se passe.Vous êtes malade?"

Une voix d'homme se fit alors entendre .Elle était atténuée comme si elle provenait d'un poste de radio mais le médecin comprit très  vite ce que lui voulait l'inconnu.

"Oui je suis malade.J'aimerais que vous me soigniez .Je suis fatigué .Il faut m'aider.S'il vous plaît ouvrez- moi.Je sais bien qu'il est tard mais je vous en conjure aidez- moi.."

En entendant cette voix plaintive- presque un râle - et sachant qu' au dehors il faisait un froid glacial , pierre Andman ouvrit la porte à l'étranger.Il recula alors car une peur inconnue venait de frapper son subconscient.

Dans l'entrebâillement de la porte se tenait là un homme aux habits trempés , les bottes déchirées , affublé d'un chapeau haut de forme passé. Il semblait venir d'un autre temps.En effet , malgré ses habits en lambeaux, pierre Andman reconnut tout de suite la coupe si particulière d'une redingote du 19e siècle toute rappée par les affres du temps ,aussi rouge qu' un soleil couchant dans l'horizon lointain.Mais ce qui le frappa le plus c'est ses yeux : ils étaient exorbités et malade , le blanc de l'œil étant d'une couleur jaune virant presque au grenat.

La lune avait disparu. Seule une brume extraordinaire recouvrait désormais l'allée et on ne voyait goutte.Le plus étrange c'est que cet homme semblait venir de cette brume.

"Aidez -moi dit l'homme dans un souffle et le médecin eut juste le temps de le retenir alors qu'il tombait dans ses bras.C'est à ce moment précis  qu'il découvrit le visage du malade : il était aussi rouge que sa redingote. On aurait dit qu'il était couvert de plais qui ne cicatriseraient jamais et un pus ensanglanté sortait des pustules qui lui recouvraient une partie de son visage. Son regard croisa celui du médecin et on ne lisait pas seulement de la douleur mais aussi de la tristesse mêlée.

Après un moment , le médecin ayant invité l'homme à s'asseoir dans l'un des fauteuils du salon l'étrange personnage se livra enfin à son interlocuteur .Il lui expliqua qu'il était venu de loin voyageant la nuit , dormant le jour pour ne pas croiser les regards des autres .Il se terrait comme un animal galeux  et s'enfuyait tel un sauvage aliéné quand malgré tout il faisait face à la réalité de sa vie.   

Au bout d'un long moment , après avoir écouté l'inconnu , pierre Andman  se vit dans l'obligation de lui dire la vérité. Malheureusement il ne pourrait rien faire pour lui.

"Mon pauvre ami , lui dit-il , si vous avez fait tout ce chemin jusque chez moi dans ce froid cette nuit en croyant que je pourrais guérir votre mal étrange vous vous êtes malheureusement trompé.Je n'ai jamais vu de ma vie une maladie si particulière.Je suis désolé..."

Un long silence s'ensuivit et l'homme rouge répondit enfin avec une voix empreinte de désarrois total.

"Alors vous non plus vous ne pouvez rien faire pour moi ...Je suis désolé de vous avoir importuné ce soir .Je crois que mon mal est incurable et je vais donc retourner à ma vie dans la fange où je me complais le plus."

Il commençait à se lever se dirigeant vers la porte d'entrée lorsque le médecin l'agrippa au bras en lui disant de se  rassoir .Il ne le laisserait pas partir ainsi dans cette nuit glaciale.Comme on dit la nuit porte conseil et une chambre d'amis l'attendait ce soir.L'homme rouge remercia chaleureusement Andman et se rassit dans le fauteuil du salon.Le médecin lui demanda alors:

"Pour vous soulager et pour que je puisse comprendre votre mal -être voudriez- vous bien me raconter ce qu'il vous est arrivé sans omettre aucun détail.

Alors l'homme écarlate regarda le médecin dans les yeux , acquiesça de la tête , et débuta son histoire incroyable.

...

"Tout commence en 1950.A cette époque je suis ce que l'on appelle un ouvrier modèle et je m'occupe de bien faire mon travail dans l'usine de poterie dans laquelle j'ai été embauché juste après la guerre contre les nazis.Cette usine n'existe plus aujourd'hui mais  elle se trouvait là où désormais votre maison victorienne a été construite."

"Vous insinuez que dessous ma maison se trouve encore des vestiges de cette usine de poterie?"

"Non je ne pense pas car elle a été détruite il y a de cela plus de vingt ans.Mais je voulais vous le dire pour que vous puissiez bien comprendre la suite de mon récit"

"Très bien.Continuez."

"Dans cette entreprise nous faisions donc des poteries mais leurs couleurs étaient bien différentes des traditionnelles.En effet , celles que nous fabriquions étaient de couleur rouge écarlate.C'était le patron ,un vieux grincheux à la bedaine aussi large que sa connerie , qui voulait ça et nous les ouvriers on ne pipait mots sans poser de questions de peur d'être licencié sur- le- champs."

"Je comprends très bien .L'après- guerre fut difficile pour tout le monde.L'âge d'or était passé et il était difficile de trouver du travail décent."

"Oui et c'est bien pour ça que je faisais mon travail correctement .Un jour , alors que je me dirigeais vers la cantine de l'usine , j'entendis en passant à proximité du bureau du patron des propos troublants .J'aimerais ne pas les avoir entendu ce jour- là.Peut -être ma vie  aurait été différente  .Si je me rappelle bien voilà ce que disait le "gros lard" surement au téléphone ( car je n'entendais pas son interlocuteur) : mais non de Dieu! , la malédiction du fantôme rouge est elle véridique? et existe-t-il ce soi- disant fantôme?.Cela m'avait paru tellement étrange que j'ai fait ma petite enquête après coup.La curiosité d'un homme peut parfois se révéler être le jouet des ténèbres et j'en fis les frais.Mais revenons à mon enquête.La première chose que j'ai faite c'est d'aller fouiner dans les archives de l'usine et là à ma grande surprise j'ai découvert un article très intéressant mais également inquiétant aussi."

"Était-il question de ce fameux fantôme rouge?"

"Oui en effet , j'y viens.L'article du Time post datant du début du siècle de l'âge d'or parlait d'un ouvrier qui , depuis peu embauché par l'usine de poterie avait trouvé la mort en échappant l'une de ces fameuses poteries écarlates .L'autopsie pratiquée sur le pauvre homme avait conclu à un étrange diagnostic.L'homme était mort dans d'affreuse souffrance , surement dû à un poison qui s'était échappé de la poterie brisée .Il en était couvert et tout son corps était devenue rouge écarlate.Plus loin dans l'article était stipulé le nom d'un autre ouvrier , un certain Arthur Long , qui parlait de ce que cette mort était due au fantôme rouge et à son âme corrompue qui s'insinuait tel un poison.Après avoir lu l'article ma curiosité fut plus grande que ma raison et je voulais pas en rester là.Il fallait que je sache la vérité ."

"Alors qu'avez- vous fait?. En avez- vous parlez à vos collègues?"

"Non , rien de tout ça mais peut-être aurais- je dû.J'étais comme un héros antique qui combat à lui seul ses propres démons dans l'enfer qui est le sien.Je ne voulais pas renoncer mais je ne voulais surtout pas bâcler mon enquête en allant trop vite en besogne.Ainsi , au bout de six mois de recherche intensive et de nombreuses nuits blanche , j'avais enfin trouvé ce que je cherchais.Un ouvrier m' avait parlé ( même si j'avais bien senti en lui une peur qui le rongeait depuis longtemps).Il m'indiqua un lieu : je devais aller voir du côté du sous-sol de l'usine.Ce que je fis."

"Palpitant.Continuez."

"Je ne crois pas que ce soit le mot que j'emploierais concernant la suite de mon aventure.Mais malgré l'angoisse qui me tenaillait , je descendis les marches de fer de l'escalier menant au sous-sol.Le froid m'envahit comme si des mains glacées me touchaient .Puis ce sentiment glacial s'apaisa lorsque j'atteignis enfin mon but.En bas du sous-sol , dans cet endroit lugubre couvert de toiles d'araignées   dont les rats en avaient fait leur tanière , un être étrange m'attendait ."

"Le fantôme rouge? . Vous l'aviez trouvé ? . Que s'est-il passé ensuite?"

"Oui je l'avais trouvé.Après des mois et des mois d'enquête j'avais enfin ma récompense.Je le voyais comme je vous vois en ce moment.Ce n'était pas un homme bien sûr .Plutôt une silhouette rouge écarlate qui accomplissait une étrange danse aérienne .Une véritable entité oubliée dans ces bas-fonds qui ne pourrait jamais trouver le repos à cause du maléfice.Ce vieux fantôme me parla et m'expliqua que pour qu'il soit délivré de la malédiction un être devait le payer de son sang..."

"Un meurtre vous voulez dire?...Il vous a demandé de tuer quelqu'un pour lui?.Incroyable..Qu'avez -vous fait?."

"A votre avis ?. Il fallait que je tue de mes propres mains (car seule une main humaine pouvait le faire) le directeur de l'usine qui n'était autre que le bouc émissaire d'un temps trépassé.Il m'octroya un délai de réflexion .J'étais   au pied du mur sachant que le vide se trouvait au- delà de ce mur.Je savais très bien que si je ne faisais pas ce qu'il me demandait c'est moi qui serais tué par un tier ou pire , je deviendrais le pantin du fantôme écarlate.Au bout de deux jours je lui promis que j'accomplirais la besogne demandée.J'avais organisé mon crime , planifié le meurtre sous toutes les coutures et tout se déroula comme je l'avais prévu.Alors que la journée d'usine était presque terminé et profitant d'un moment d' inattention de l'un de mes collègues je me cachais dans les toilettes et attendis que tout le monde soit parti.Je savais que mon chef restait, lui , dans son bureau après les heures d'ouverture et c'est là que j'accomplis mon forfait.J'égorgeai mon directeur par surprise alors qu'il était en train de lire un magazine cochon en fumant un cigare.Du sang aussi noir que   la nuit venue éclaboussa le vieux bureau.Le meurtre accompli  je me précipitais au sous-sol pour en avertir le fantôme .La malédiction devait être levée désormais .Malheureusement pour moi je compris très vite que je m'étais fait duper.Au sous-sol plus de trace du fantôme mais à sa place , inscrit  en lettres de sang sur le sol ,un court texte mais le plus explicite possible : tout est fini.Le sang a coulé .Désormais je suis libéré et toi tu en es prisonnier.Je m'étais fait avoir par l'entité et désormais j'étais devenu un fantôme rouge moi aussi et je portais la marque de la malédiction.Comprenez- vous maintenant pourquoi je suis comme cela mon cher?" 

Le médecin avait écouté avec attention la pauvre histoire de cet homme dupé par le mal.Des heures s'écoulèrent.Ils finirent par sympathiser , parlèrent beaucoup de tout et de rien , rirent autour d'un bon feu de cheminée.Rien ne laissait supposer que quelque chose arriverait.

Le médecin s'ayant retourné pour aller chercher des collations à sa cuisine , l'homme rouge eut alors un rictus sadique au coin des lèvres et commença à applaudir avec fracas comme si un spectacle venait de prendre fin.

"En fin! Vous vous êtes enfin retourné. Vous en avez mis du temps mon cher. Ah! Ah! A!. Vous m'avez fait confiance.Vous n'auriez pas dû. Désormais je vais être libéré de ma prison."

Les dernières paroles que le médecin entendis furent : "maintenant je suis libéré et toi tu en es prisonnier."

...      

Plus personne dans le village ne vit depuis cette fameuse nuit de novembre le médecin de quartier et jamais personne ne comprit ce qui s'était réellement passé.

La maison au style victorien fut scellée pour l'enquête.Puis quand l'enquête fut achevée donnant à un non lieu , elle fut détruite.

En dessous de celle-ci on découvrit dans la terre , profondément enfoui , une poterie écarlate et une inscription gravée de runes. Une traduction fut menée par un expert en langue runique et il aboutit à ces conclusions.L'inscription était une signature et portait le sceau d'un ancien Djinn (un génie du mal des temps anciens) se nommant le Redman ou dans la langue commune le fantôme rouge.

La malédiction continuait....


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