Règle n°2 : On ne se plaint pas de sa future amie.

charlierose

John était incroyablement bien installé dans l'avion et se reposait dans le calme. Le vol qui le mènerait à son université, il y avait toujours rêvé. Et maintenant qu'il y était, il déprimait.

Petit, il avait tellement supplié ses parents pour y aller, qu'ils avaient cédé et avait même payé ses années d'études d'avance. Aussi quand le lycée arriva, il avait commencé à angoisser. Il ne lui restait plus que quelques années en France. Quand il avait voulu partir, il était gros, moche et n'avait franchement pas d'ami. La perspective de partir le faisait rêver. Mais il s'était repris en main, avait perdu ses kilos superflus et maintenant c'était un jeune homme remarquablement classe et beau. Après 3 années de lycée magique, il ne voulait pas quitter ses amis.

Il en avait donc parlé à ses parents mais ils n'avaient rien voulu entendre et avaient acheté le billet d'allée à leur fils. Et depuis ce jour, il était en colère. En colère contre ses parents de ne pas être compréhensif, mais surtout en colère contre lui parce que c'était son choix à l'origine. Impossible de faire autrement, il était maintenant assis en classe supérieure à maugréer contre lui-même. Il avait dû quitter ses amis et avait même rompu avec sa petite copine. Un amour d'adolescent ne durait pas quand l'un partait 9 mois à l'autre bout de la planète.

Il commençait à se calmer quand deux jeunes d'à peu près son âge se faufilèrent dans son compartiment. À voir comment le garçon regardait le corps de la jeune fille, il semblait évident que ce n'était pas juste des amis en quête d'un espace tranquille. Cette interruption raviva sa colère et il ronchonna contre ces jeunes gens qui eux, étaient heureux et avaient sûrement envie de partir aux USA. En plus, c'était complètement déplacé d'envahir son espace et de le souiller ainsi. Faire ça dans un avion - parce que oui, il avait bien entendu des bruits de baisers enflammés – c'était vraiment dégradant pour une si jolie fille. Elle avait l'air d'une fille tout à fait charmante. S'exposer ainsi à un homme dans un avion, c'était l'opposé de l'élégance.

Quand il se réveilla, leur cabine était vide et ils atterrissaient dans moins d'une demi-heure. Après avoir récupéré ses bagages, il prit un taxi pour l'Université de Californie à Los Angeles. Sa vie étudiante commençait, les études et le manque de ses amis avec. Lui qui avait tellement eu hâte des quelques minutes qui le séparait de UCLA, maintenant il avait juste envie de reprendre l'avion dans le sens inverse. Il s'était toujours imaginé attendre un moment avant de poser le pied dans le campus, savourant chaque moment. Mais dès qu'il arriva, il sortit sans même un regard pour son école et n'apprécia rien d'autre que le soleil cuisant.

Sur sa lettre d'admission, il était écrit qu'il devait se rendre à l'accueil dès son arrivée sur le campus, alors c'est tout simplement qu'il se dirigea vers le bâtiment. Il avait tellement fait de recherche, qu'il connaissait déjà l'école – immense soit-elle – dans les moindres détails.

Lorsqu'il arriva, une dizaine de personnes était déjà arrivée. À en croire leur langue, ils étaient tous français. Il remarqua que deux groupes s'étaient formés, l'un féminin et l'autre masculin. Les filles avaient toutes l'aire intimidée et parlaient tout bas. Au contraire, les garçons plutôt confiant, commençaient déjà à repérer quelles filles ils pourraient inviter au bal d'initiation.

Une femme avec un fort accent américain mais qui parlait extrêmement bien français, prit la parole :

Bonjour les français. Je m'appelle Christie. J'espère que votre vol s'est bien passé et que vous êtes prêt pour débuter une année universitaire de folie !

Elle fit rire John, il voyait bien que Christie essayait de paraître cool mais elle n'était pas naturelle. Au moment où elle allait reprendre la parole, la porte s'ouvrit sur une jolie jeune fille. Quand elle leva la tête pour s'excuser du retard, John reconnut la fille de l'avion et cru défaillir. Cette fille était étudiante dans son université. Il devrait la côtoyer alors qu'il savait quel genre de fille elle était. C'était inconcevable. Il lui lança un mauvais regard juste avant de se concentrer de nouveau sur la femme de l'accueil. 

Étant donné le nombre de français qui ont atterri dans notre université cette année, nous avons décidé – enfin plutôt les français résidents ici – de créer une sororité française ! Bien sûr, elle sera mixte – la seule – et vous n'êtes pas obligé d'y entrer. Sachez que c'est une sororité - pour vous les filles - ou fraternité - pour vous les garçons - , créé spécialement pour vous. Alors, venez-vous inscrire ou une chambre universitaire vous sera administrée.Une sororité française mixte ? Moi, j'y vais immédiatement ! se réjouit une fille aux cheveux roux.

Quand il se retourna vers la fille qui venait de parler, il trouva la fille de l'avion. Cela ne l'étonnait même pas. Mais il faut dire que pour une fois il était d'accord avec elle. C'était un privilège d'avoir une fraternité mixte rien que pour les français. Aussi, il s'avança vers l'accueil et y inscrivit son nom.

Après plusieurs minutes où tous les français devaient apprendre à se connaître, John avait fait la connaissance de deux garçons et avait appris que la fameuse fille s'appelait Rose, ce qui le fit très rire. Rose était pour lui un prénom superficiel qui lui allait très bien. Après un moment, Christie reprit la parole :

Nous avons administré des chambres mixtes aléatoirement. J'espère que vous les respecterez et que votre colocataire deviendra votre nouveau meilleur ami ! Venez voir votre numéro de chambre et installez-vous. Les cours ne commencent que dans deux jours, alors profitez-en !

John se dirigea vers l'affiche et il entendit Rose dire :

Qui est John ? J'espère que c'est un beau mec ! En tout cas, il va partager ma chambre.

Il l'entendit rigoler. John pria pour qu'il y ait un autre John mais il perdu tout espoir quand il vit son nom à côté d'une Rose Book. Complètement à bout de nerf, il rejoignit sa chambre pour s'y installer.

*


Alors qu'il rangeait toutes ses affaires dans son armoire, la porte s'ouvrit sur Rose :

Hey, camarade ! Je t'ai cherché partout, te voilà enfin. Enchantée, je m'appelle… Rose. Je sais, la coupa-t-il. Après avoir quitté ses amis et sa famille, il avait passé un long et épuisant voyage, et maintenant il devait partager sa chambre avec une fille snob et superficielle, il ne pouvait garder son calme.Oh, on s'est renseigné sur moi à ce que je vois, la taquina-t-elle avec un demi-sourire. Alors, toi c'est John, hein ? On va devenir de grand ami !

Même s'il savait qu'elle rigolait, il ne put résister à l'envie de lui faire perdre toute envie d'être ami avec lui :

 Non, pas vraiment. Je n'ai pas envie de partager ma chambre avec toi, ni d'être ami avec le genre de fille que tu es.

John vit le visage de Rose se décomposer et pendant un instant, il la trouva relativement innocente et se demanda s'il ne l'avait pas jugé trop vite. Mais l'expression de son visage ne dura que quelques secondes et comme si elle avait mis un masque, son visage se transforma.

Pardon ? s'étonna Rose qui était tout de même encore sous le choc. C'est comme ça qu'on accueille une fille et surtout sa future colocataire ? Tu veux vraiment qu'on parte sur de mauvaises bases avant même de se connaitre ? C'est pathétique.

Pendant qu'elle parlait, sa voix partit dans les aiguës, elle ne maîtrisait plus la situation. Ses cheveux s'agitaient dans tous les sens, lui donnant un air de mannequin pour cheveux. John chercha ses mots, ne sachant quoi répondre. Certes, elle avait raison. C'était complètement idiot de l'attaquer alors qu'ils ne se connaissaient pas. Mais il l'avait reconnu, et il ne voulait en aucun cas devenir ami avec elle. Il fallait qu'elle le comprenne. Aussi, décida-t-il de lui dire la vérité :

Oui, tu m'as bien entendu. Le genre de fille qui traine un inconnu en première classe d'un avion pour pouvoir coucher avec lui. Ce genre de fille, tu vois, ne m'intéresse vraiment pas.

John n'avait jamais vu un visage se désagréger de cette façon. Les yeux de Rose s'agrandirent, sa bouche s'entrouvrit, ses yeux trahissant la recherche d'une chose à dire, mais elle referma la bouche, impuissante. John sentit qu'elle hésitait, puis elle se décida à poser ses bagages et à tourner les talons. John se sentit coupable de l'avoir ainsi mis mal à l'aise. Peut-être qu'elle connaissait le garçon, ou peut-être que c'était un geste impulsif qu'elle n'avait pu contrôler. Rose était peut-être incroyablement gentille et il avait réduit toutes les chances d'être ami avec elle à cause de sa mauvaise humeur. John se prenait trop la tête et sa culpabilité grandissait. Mais avant qu'il puisse faire quoi que soit, elle revint sur ses pas et glaça le sang de John :

Si ça vient à se savoir, si tu fais une seule allusion à ce que tu as vu, je fais de ta vie américaine un enfer. Et crois-moi, tu auras vite envie de retourner en France quand j'aurai détruit toutes tes amitiés, séduit tous tes potes et fait capoter toutes tes histoires d'amour. D'où je viens, j'ai l'habitude des gens comme toi et je sais comment les calmer. N'y pense même pas.

Sur ce, elle tourna les talons, sûre d'elle. John resta un moment pétrifié. Il ne s'était pas trompé sur son compte, Rose était indéniablement une garce. Il n'avait pas peur d'elle mais au lieu de dire quoi que soit, il allait garder son petit secret, apparemment important pour elle. De cette manière, il pourra le ressortir dans un moment plus opportun. Toute cette histoire ne l'avait pas miné mais plutôt excité. Il avait un nouveau défi qui étayait un peu son voyage en Amérique. Réduire cette petite Rose en miette. Mais il le savait, pour cela, il lui faudra être subtil et attendre le moment propice.

Sa vie étudiante commençait à être intéressante et il en oublia presque sa tristesse.

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