Rennaissance

Griotte

a toi sale gnome, apprend donc qui je suis.

C'est un chemin long et sinueux dont je n'ai jamais entrevu l’extrémité. Lorsque enfant je m'y aventurais, j'avais toujours au creux de mon cœur, ce long frisson de dégoût et ces tremblements nauséabondes qui remontaient de mon ventre jusqu'à ma gorge.

C'était une forêt sale et sombre comme celle des contes pour enfant. Y avait il au bout du sentier, un château ? Je ne le sais.  Depuis ma tour d'ivoire je l'observais parfois, ce bout de sentier boueux qui naissait à la limite de mon village. Un bois comme les autres, où l'on allait se promener le dimanche. J'en avais vu d'autre. A Verdun notamment avant le déménagement. Là bas encore ils me faisaient peur. 

 Cependant sans le savoir, à force d'observer ce long sentier triste d'écailles fauves et rouges, j'en fis un ami et un allié. Combien de fois suis-je allée m'y réfugier, un livre sous le bras ?  Les Hêtres, de part et d'autre du chemin joignaient les oblongues mains, formant ainsi un pacte étranges qui me protégeait de la pluie et de la folie humaine. Les bouleaux, droits et fiers, projetaient sur mon trône de mousses éphémères  des ombres et des jeux de lumières.  J'y rencontrais parfois une vieille dame qui soutenait longtemps mon faible regard noisette dans l'attente d'un salut. 

Je ramassais les feuilles et apprenais leurs noms. A la triste saison il en restait parfois,  sur les étroites branches grises. Elle y pendait comme des mains.

Ce fut là, à l'ombre sylvestre, que je m'ouvris à l'art. Je me  mis à peindre, photographier et louer cette forêt dont j'avais découvert la beauté. J'en oubliais presque la maladie qui déchirait mon sang. A la vue de ce spectacle centenaire, mon monde et mes problèmes semblaient si petits, si inutiles. Le vent lourd qui remonte de la terre me redonna confiance en moi et peu à peu je m'ouvrais aux Hommes.

J'en fit venir dans cette forêt. Mon frère s'y attarda quelques instants, avant de rejoindre sa compagne. Il  y a des beautés que les adultes ne peuvent comprendre. J' y amena une cousine alors qu'elle quittait sa ville, mais la mondaine ne se hasarda pas sur le glissant tapis de feuilles, ma pauvre Ali si tu avais seulement vu au travers de la laideur de ses bois.

Il me semble désormais que la plus grande solitude est bien plus enviable que la morne hypocrisie.  Dans les rayons du soleil qui, quelques fois perçaient le manteau d'arbres et de buisson, j'ai puisé ma force et ma volonté. Dans le reflet des flaques de rosée, j'ai appris à connaître l'âme humaine et ses tourments. Sur l'écorce froide des chênes j'ai gravé mon nom. Mes craintes ses ont prises dans les ronces alors je courais. Petit à petit je sens ma timidité m'abandonner. 

Je ne sais ce qui restera de moi à la sortie de cette forêt hideuse qu'est la vie, peut être rien, mais je sais que du petit roseau je deviendrais grand chêne.


Je jour là, il me suffira de souffler pour que tu ne sois plus rien, qu'un simple tas de poussière grise.


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