Rentrée scolaire
Olivier Verdy
- Je ne veux plus aller à l'école !!
- Pourquoi ça ?
- Parce que ça ne sert à rien. Je m'ennuie.
- Ah bon ? tu n'as pas des copains là-bas ?
- Ben si mais les profs ne veulent pas qu'on se parle.
- C'est un peu normal, il faut bien qu'ils bossent aussi eux non? Et pourquoi tu t'ennuies ?
- Parce que c'est chiant. On s'en fout de la guerre et tout ça. C'est pour les vieux. En plus, cette conne elle n'arrête pas de nous filer des punitions.
- Ah bon ? à qui ? et quoi ?
- Ben à moi et Cricri. Elle dit qu'on fait le bordel en classe alors elle nous donne des trucs à copier sur l'histoire. On s'en fout. Et puis elle veut nous coller le mercredi. ‘tain on ne pourra pas aller au foot !
- Et vous faites le bordel ?
- Ben non, on discute un peu de temps en temps ou on regarde des trucs sur internet. c'est quand même mieux que de savoir les trucs des vieux.
- Ah. Bon, je vais aller la voir. Ce n'est pas normal surtout si elle veut vous priver de foot. C'est plus important que ces conneries.
G. a décidé, il ira voir la prof d'histoire géo à la sortie du collège mardi. Vu que son fils termine sa journée par ce cours, il n'aura qu'à se mettre devant l'entrée et attendre qu'elle arrive. En discutant un peu, il devrait facilement la faire changer d'avis afin que son fiston ne soit pas privé de foot. Aller au collège, c'est pas mal mais bon, elle doit bien se rendre compte, elle aussi, des priorités d'un adolescent. L'histoire et la géo c'est bon pour ceux qui aiment les livres. Au pire, il suffit de regarder un truc à la télé et le tour est joué. On n'est plus dans l'ancien temps où il fallait qu'on écoute les profs pour qu'ils nous racontent le passé d'abord. Et si elle n'est pas d‘accord, elle n'aura pas le choix ; c'est lui le père après tout.
Mardi. 16 heures. G est devant l'entrée du collège. Les enfants sortent par classes entières. Tous des moutons. G. est vêtu de son jean de travail et d'un tee-shirt un peu sale après une journée transpirante. Pas d'effort vestimentaire. Ce n'est que l'école et une prof, pas le président. Enfin la classe de son fils s'avance dans des cris de plaisir.
- Salut, ça va, bonne journée. ?
- Salut papa, ouais ça va et toi ?
- Dis-moi ta prof d'histoire, elle arrive bientôt ?
- Elle ne devrait pas tarder.
- A quoi elle ressemble. ?
- A une grenouille, des grosses lunettes. Cheveux courts noirs et elle est habillée en vert aujourd'hui. Tu vas voir…
- Ok. On va rire, je sens. Allez, file, je te retrouve à la maison. Ne traine pas trop en chemin.
- A toute papa.
G n'est pas nerveux. Même s'il n'a pas trop l'habitude de parler avec un prof ni de venir au collège, il se sent confiant. Bon, c'est sûr, le truc, c'est que les profs disent exprès des mots que personne d'autre n‘utilise, juste pour se rendre intéressants, et ça, ça le gave. Grave. Au loin, une femme d'une trentaine d'années, jean vert clair, haut vert foncé s'avance, cartable à la main et sac à main sur l'épaule. Des grosses lunettes cerclent ses yeux. Un carré court, cheveux teints en noirs. Un air un peu prof. Mais aussi jeune et branché. G la regarde. Oui, elle a bien une tête de prof d'histoire. S'il lui parle là, devant tout le monde, elle va sans doute prendre ses grands airs et même peut être le jeter en profitant des gens autour. Alors il vaut mieux la suivre jusque vers sa voiture. Ils seront plus tranquilles pour parler. Alors lentement, G se met en marche derrière la prof, essayant de deviner ou elle va et quelle voiture peut être la sienne. En même temps, il ne va pas non plus passer deux heures ici. Il se rapproche et, au détour d'un mur, l'interpelle.
- Madame, madame?
- Oui ? répond la jeune femme en se retournant, surprise.
- Je suis le père de Tom de 4ieme C. Pourquoi vous le privez de foot ?
- Pardon ? ah Tom, c'est un peu plus compliqué que ça ; Si vous voulez, nous pouvons en parler demain au collège.
- Non, je veux qu'on en parle ici. Le gamin est malheureux parce que vous l'empêchez de jouer au foot le mercredi après-midi avec vos conneries.
- Monsieur, si Tom est puni, c'est parce qu'il l'a, à mon sens, mérité. Vous a-t-il dit ce qu'il avait fait ?
- Oui, il m'a dit que dès qu'il parle avec son copain vous leur criez dessus !
- Laissez-moi brièvement vous expliquer alors. Tom et Christophe n'arrêtent pas de perturber le bon fonctionnement de la classe. Ils chahutent constamment et font preuve d'insolence à mon égard. De plus, ils se moquent de leurs camarades, systématiquement. Je les ai prévenu plusieurs fois.
- Ce n'est pas ce qu'il m'a dit. Après, s'ils s'ennuient en classe, faudrait peut-être que vous vous remettiez en cause non? c'est votre faute si le cours est chiant pas la leur, vous ne croyez pas ?
- Monsieur, je peux comprendre que certaines parties du cours sont plus difficiles à appréhender que d ‘autres mais soyez assuré que je fais tout pour que ce soit le plus attrayant possible. Et d'ailleurs, seuls ces deux éléments le perturbent.
- Mouais, les autres ne doivent pas oser. Après, ils se moquent gentiment, ce sont des gamins. C'est vrai que dans la classe ils n'ont pas de chance aussi. Y'en a un qui est tout gros, faut bien le bouger un peu et puis les deux chinetoques, apparemment c'est trop drôle quand ils parlent. Alors bon, vous comprenez quoi, ce n'est pas trop la faute de mon fils tout ça.
- Il se trouve que le respect des camarades et des enseignants, que le respect en général d'ailleurs fait partie intégrante de l'éducation et que si, certains enfants ont plus de mal à l'assimiler, il nous faut prendre les dispositions nécessaires.
- Et c'est quoi vos dispositions ?
- Justement, pendant les retenues, ils doivent étudier et résumer un ensemble de documents sur le respect, le droit à la différence et la tolérance. Je pense que cela ne peut faire que du bien.
- Bon, ça on verra. Tant que ça ne l'empêche pas de faire son foot.
- De plus, savoir qu'il rate son sport préféré par sa faute ne peut que le motiver à être plus sage afin de ne plus être puni, vous ne croyez pas ?
- Si. Évidemment, je préfère aussi qu'il soit plus sage. Bon je lui dirai alors. Au pire, il fera le devoir la semaine. Il a compris je pense.
- Monsieur, je suis désolée de ne pas avoir être suffisamment claire sur ce point. Tom est puni mercredi. Il sera en retenue.
- Vous vous foutez de ma gueule ? je viens de vous expliquer et vous ne comprenez rien? Et je vous rappelle que c'est moi son père et que donc je décide. Pas vous.
- Monsieur, je crains que cette discussion ne nous mène nulle part ce soir. Je vous ai fait part de mon point de vue. Si vous désirez poursuivre, je vous suggère de prendre un rendez-vous au collège, nous pourrons vous recevoir rapidement.
- Eh tu crois que tu vas ou là? le collège je m'en tape. Je décide pour mon fils. Point c'est tout. Et toi tu vas m'écouter. Pas de punition. Si les cours sont si nuls, faut peut-être regarder du côté des profs et arrêter de tout mettre sur le dos des élèves. Après si vous prenez des niaquoués et des gros lards dans les classes, ne vous étonnez pas que les autres enfants rigolent. Et je ne le redirai pas. Y'a pas de retenue ni de punitions et vous arrêter de faire chier mon fils dès qu'il parle. Il a le droit de dire des choses aussi. Vous lui en voulez parce qu'il sait déjà plus de choses que vous ? mal baisée. Rien qu'à regarder vos lunettes on sait que vous n'avez pas de mec. Et peut-être même que vous préférez les chattes. Sale gouine et on accepte ça dans les écoles ? Ah ben elle est belle la France. Putain, je ne sais même pas comment je fais pour te parler sale pute. Je comprends que Tom se foute de ta gueule. T'es tellement nulle et moche que personne ne veut de toi. Alors tu te venges sur les enfants qui sont mieux que toi ; ça me dégoute.
Blam. Une grande claque projette la jeune professeur contre sa portière. Une seconde venant de l'autre côté lui remet la tête à peu près droite.
- Et là on fait plus sa maligne hein connasse ? c'est ça que tu aimerais faire à mon fils ? Sale conne !
S'en suit une vague déferlante de gifles et de coups de poings qui envoient la femme au sol, mains recroquevillées sur son visage, bras serrés contre sa poitrine. G frappe maintenant avec les pieds, dans le ventre, les jambes, la tête.
- Tu dis plus rien, avec ton gros cul .Je t'entends plus là. Ah elle ferme bien sa gueule la prof de merde ! plus rien à raconter. Pauvre tache. T'as plus intérêt à punir mon fils ou je reviens te voir et je te mets une raclée; t'as compris ?
- …
- Dis-le, t'as compris ?
- ….
De la bouche violacée coule un petit filet de sang. G réajuste son pantalon, et, paisiblement, se dirige vers le Four Stars, l'heure de l'apéritif approchant.