Rêve mécaturel

laurinarium

Laurinarium, A,S,M,R. A lire comme mon chuchotement au creux de ton oreille de motard somnolent.

Il y a l'odeur du cuir. Le ronronnement vibratoire du moteur. Tu les as senties aussi ? Ce sont comme des ondes venues du bas de ton corps et de tes mains, qui viendraient te remplir le cerveau, te permettre de ne plus penser. Il fait encore nuit. Les pins alentours semblent avoir attendu toute la journée pour se libérer de leur senteur juste maintenant. Chaque inspiration te gorge de nature et de liberté. Dans ta vision périphérique, les courtes bandes blanches qui courent par intermittence battent un tempo silencieux. 

C'est l'été.

Bientôt le jour reviendra, réchauffant l'atmosphère. Mais pour le moment, un frisson de plaisir te parcourt les épaules au contact de cette fraicheur, attisée par ta vitesse.  Je ne sais pas où tu vas. 

Les conditions sont idéales. Tu portes ton nouveau blouson, qui te va si bien. Les coques sont parfaitement placées, la dorsale te donne cette sensation de légère carapace, protectrice et rassurante.  Tu es en phase avec ta moto, la précision au bout de tes doigts. Chaque accélération semble te rapprocher de ton cheval d'acier, tu fais corps avec lui. Ton phare projette sur le bitume quelques reflets, il paraît presque tendre sous sa lumière.

Sur cette deux voies, le monde est vide. C'est une heure pour les voyageurs de passage, les cavaliers à la recherche d'aventure nocturne hors du commun. Il est trop tôt pour la routine.

Loin derrière, les lumières d'une voiture se confondent en un seul petit point.  La route, ligne droite jusqu'ici, serpente sur la gauche, toi tu colles à la trajectoire avec souplesse. J'adore ce moment précis, cette sensation. Tu rétrogrades pour retrouver de la réactivité dans la côte, et le vrombissement familier du moteur qui hausse le ton te parle comme une amie. 

Le jour arrive, mais sur ce chemin il paraît que tu étires le moment pour prolonger un peu cet unique instant, où la lumière précède étonnamment le soleil. 

Tu as découvert l'endroit mouvant. Cet espace qui ne peut pas être une destination, que l'on ne peut que parcourir.  Sur ta belle mécanique, tu viens de trouver ce qu'est ton paradis, parfois meilleur que le point de chute, le chemin.

De toute évidence, tu roules vers l'ouest. Dans ton rétroviseur, les ténèbres se font chasser minute après minute. Qu'est ce que c'est beau. Ce rose qui vient colorer le dessin des nuages est incroyable, on dirait qu'il s'enflamme. La route rejoint l'horizon, et la pente se dévoile à toi. Une légère pointe d'adrénaline se diffuse dans ton organisme, tes mains se resserrent un peu plus sur les poignées, tu poses plus lourdement tes pieds sur les cales et resserre les cuisses.

C'est parti.

Ton moteur se repose, le relais est pris par la gravité qui, silencieusement te pousse toujours plus vite. La fraicheur, l'odeur de pin, la souplesse, faire corps, tout se fait ressentir intensément. Tu joueras de ce coup de pouce de la nature sur le prochain kilomètre encore.

Une pause, rien qu'une, pour fermer les yeux quelques minutes et reprendre le chemin ensuite. Tu te retrouves alors sur cette aire verdoyante et silencieuse, isolée par les arbres.

Tu coupes ton moteur et le temps semble ralenti. L'air paraît opaque une fois le vent disparu et la fraicheur remplacée par la tiédeur d'un jour d'été naissant.

Tu es presque en apesanteur.

Tu te délestes de ton équipement. Ton casque, tes gants. A quelque mètres, un carré d'herbe moelleux t'appelle. Tu t'allonges. Maintenant que tu es à l'horizontale, tu admires le dessin mouvant des feuillages découpant le ciel, jouant avec les quelques étoiles persistantes. Une grande respiration, tu fermes les yeux, tes mains posées sur ton ventre.

Tu savoures le bonheur.  

  • Ravie que tu te sois reconnu dans ces sensations !

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    laurinarium

  • Je suis motard, ce que tu décris si bien, je l’ai ressenti. Ces instants magiques d’un trajet, puis la fatigue vient, la route est longue et s’étire, tu veux arriver, tu en a marre, tu n’apprécies plus, tu t’es lassé. Enfin l’arrivée, tu te poses, tu te reposes et une seule envie te reviens, celle de repartir, de rouler de nouveau de revivre enfin ! :o]

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

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