Réveil neuronal

Un matin ordinaire. Je me réveille doucement, après la plus longue nuit de ma semaine, j'avais quelques heures de sommeil à rattraper. Mon emploi du temps avait été bien chargé, des déplacements pro tous les jours, et une fatigue accumulée qui pesait sur moi en cette fin de semaine.

Comme tous les matins, mon réflexe du réveil (semblable à mon réflexe du coucher d'ailleurs) : je regarde mon téléphone et je scrolle les publications que l'algorithme Facebook a décidé de me montrer. Des blagues, des caricatures, des photos, et parmi quelques vidéos, une publication relayée par plusieurs de mes amis dont un a titré : "ce gars mérite qu'on prenne quelques minutes pour l'écouter". C'est ce qui m'a convaincu, sans ça, j'aurai scrollé encore vers le bas.

Il s'agit d'une intervention d'Aurélien Barrau, astrophysicien spécialiste des astroparticules, trous noirs, de la gravité quantique, qui prenait la parole à l'occasion du Climax Festival. Membre du collectif des 200 personnalités qui ont lancé un appel à la suite de la démission de Nicolas Hulot, il prend la parole lors de la conférence intitulée "Quel nouveau contrat social avec le vivant".

Une grande claque.

Mon cerveau s'éveille et s'active dans des milliards de connexions synaptiques.

J'ai l'impression de devenir clairvoyant.

Et puis je remet les pieds sur terre, en me disant que ce mec a les idées bien plus claires que les miennes, et que j'ai failli voir une vidéo d'un chat qui fait des conneries, à la place de le voir lui. Je me serai marrer, et j'aurai filé dans ma douche, dans un matin semblable à mille autres. Et c'est pas si anodin que ça...

Imaginez combien de personne sur Terre ont le même réflexe que moi (en se rappelant juste qu'il y a 3,3 milliards d'utilisateurs de Facebook sur la planète). Imaginez l'impact de l'algorithme qui impose à nos regards tel ou tel contenu, on fonction de son scoring calculé sur des bases secrètes...Si j'étais conspirationniste, j'y verrai ici un terrain très fertile pour théories complotistes. 

Qu'ai je donc retenu de cette intervention de 10 minutes? 

Déjà, que c'est beau la langue française quand on a beaucoup de vocabulaire. Et que la précision des mots utilisés fait beaucoup de bien aux oreilles. Ensuite, qu'il est agréable de se laisser porter par une pensée claire et une pédagogie adaptée. Si vous mixez tout ça avec l'intelligence supposée (qu'on peut prêter légitimement à l'orateur) et l'étendu de sa culture, ça vous met dans les conditions sinequanones d'une acceptation sans opposition de tout ce qu'il nous dit.

Surtout qu'il a raison, malgré le caractère alarmiste de la situation qu'il présente.

En la matière (l'écologie au sens large, l'équilibre du système "planète Terre", le climat et ses évolutions...), il est impératif que les choses changent drastiquement. On ne peut pas continuer ainsi, sinon c'est "le crash du système" assuré.

Ça veut dire quoi concrètement  pour toi qui lit ces lignes ? 

Tu es chanceux, parce que pour toi, ça ne veut rien dire. Tu ne risques pas grand chose. A l'échelle de ta vie, même si tu vis encore 100 ans, les conséquences de nos actes aujourd'hui ne t'impacteront que de manière assez minime. C'est pervers, parce que du coup, tu vas te dire que tu t'en moques. Que c'est donc pas ton problème, donc tu n'as pas à t'en soucier. Forcément, tu as déjà tes problèmes d'aujourd'hui que tu ne règles déjà pas. Alors ceux qui arriveront dans 100 ans ... et puis si c'était aussi sérieux, les décideurs, les pouvoirs politiques, quelqu'un ferait quelque chose, non?

Alors tu vois, c'est marrant, mais j'ai quand même l'impression que certains essaient de faire quelque chose. Et qu'ils sont de plus en plus nombreux. Et qu'ils sont de plus en plus présent dans nos médias ( j'ai vu Harrison Ford intervenir sur le même sujet dans une vidéo cette semaine au sommet mondial pour l'action climatique à San Francisco). On pourrait presque croire que c'est une préoccupation grandissante. 

En fait, c'en est une et il y a urgence. Parce que pour tes enfants, et les miens, ça va être moins sympa que pour toi et moi. Du coup, si on arrête de regarder des vidéos de chats, et qu'on met à profit ce temps pour s'interroger, on gagnera peut être un peu de temps.

Première idée marquante qui met les choses en perspective dans l'intervention de Monsieur Barrau, c'est qu'aussi loin que remonte la présence de l'homme sur Terre, à chaque fois qu'il s'est établi quelque part, cela s'est fait au détriment de son environnement (pillage des ressources, disparition d'espèces...) Nos comportements d'aujourd'hui ne sont que le reflet de l'héritage de notre condition humaine. Donc inutile de nous flageller en disant que l'humanité est devenu débile. Pour faire simple elle l'a toujours été, sauf qu'on était moins nombreux. On fait forcément moins de dégâts à 10 qu'à 10 000.

Deuxième idée marquante, il faut que nos comportements changent radicalement, et que les pouvoirs politiques en place prennent des décisions fortes, impactantes, coercitives et surtout impopulaires. Par exemple, si demain on passe le paquet de clopes à 100€, je suis certain que cela fera enfin baisser la consommation très fortement. Et on entendra évidemment les gens crier au scandale parce que c'est vraiment beaucoup trop cher. Sauf qu'aujourd'hui, il coûte combien à la société ton cancer et celui de ton entourage parce que tu fumes? Les décisions qui doivent être prises doivent faire mal car elles doivent faire avancer les choses contre nos intérêts individuels.

Troisième idée marquante, si on ne change pas les choses, les réfugiés climatiques qui posent tant de problème à l'Europe en ce moment, seront plusieurs millions d'ici 30 ans. Autrement dit, en raisonnant comme aujourd'hui ( juste un petit rappel de l'Aquarius avec 100 migrants qui ne trouvent aucun port pour débarquer, ou à la situation en Hongrie...), c'est à la guerre qu'il faudra se préparer. Nos enfants connaîtront un état de guerre parce que nous ne sommes pas capables d'être responsable à l'échelle de la planète aujourd'hui.

J'ai quand même un point de désaccord avec M Barrau. Je pense à ceux qui trient leur déchets tous les jours, qui pensent à acheter une voiture hybride, qui prennent un vélo de temps en temps pour aller au travail, et qui ont toujours un sac en tissus pour aller faire leurs courses. Ils font les marchés, achètent local, se fournissent en AMAP, et utilisent les applis "zéro gachis". Bravo pour ces gestes. Dans une certaine mesure, cela a un impact. Et si on parlait maintenant de la Chine qui pollue 3 fois plus que l'Europe toute entière, les US deux fois plus, l'Inde... Si on parlait de la pollution engendré par les avions et les bateaux de frêt, ou des entreprises Chevron Texaco, ou EXXONmobil... On peut tous prendre notre vélo, même avec des machines à vapeur (au charbon) à la place, on n'approcherait pas ces valeurs. 

Les décisions qui doivent être prises sont plus importantes que celles la. Et elles doivent modifier nos façons de fonctionner de façon plus profonde. Et à une échelle bien différente.

Apple propose ses Iphone à 1400€. Mais donner 10 balles aux resto du cœur c'est pas imaginable. Mpabbé gagne 1,5 millions d'€ par mois, normal on l'adore, mais que Macron gagne 15000€ c'est beaucoup trop n'est ce pas? Donner 0.5€ au SDF dans le métro c'est pas acceptable, mais envoyer 3 SMS à 3€ pour sauver notre candidat préféré dans la maison des secrets c'est logique aussi. Nos échelles de valeurs sont débiles. On ne peut pas appeler à la responsabilité individuelle. Vivement les allocs de rentrée scolaire, on va pouvoir changer de TV...

Les décisions qui doivent être prises, doivent l'être dans le respect de l'intérêt collectif à l'échelle mondial, au détriment de certaines de nos libertés individuelles. Et quand certains vont pleurer de la diminution de ces libertés, on leur répondra qu'il n'existe pas dans l'histoire de l'humanité une période où ces libertés ont été plus grandes qu'aujourd'hui. L'accès aux formations, aux informations, aux technologies, aux médias, au progrès dans tous les domaines, à la liberté de pensée, d'agir, de rencontre, de vivre n'a jamais été plus grand qu'aujourd'hui. Et qu'il faudrait être sacrément égoïste pour continuer de dire que l'avenir ne nous concerne pas et que les problèmes auxquelles on va confronter nos enfants ne nous préoccupent pas. Nos choix, aujourd'hui déterminent si nous serons "les héros de demain, ou au contraire les lâches qui n'ont pas voulu agir quand il fallait le faire".

Qu'on interdise les voitures. L'utilisation des énergies fossiles. Le plastique. Les tomates qui font le tour du monde avant d'arriver dans mon assiette. La télévision. Les frontières.

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