Road to 21

abysses

Une dérive sans intérêt

J'ai pris l'habitude, au moins une fois par an, d'écrire un assez long texte visant à me décrire auprès d'inconnus. J'ai pu remarquer ça assez récemment, et il s'avère que je m'amuse beaucoup de la naïveté que j'avais en relisant ceux d'il y a déjà quelques années. Alors pourquoi ne pas continuer ? 

Inutile de préciser mon prénom, j'ai 20 ans pendant encore quelques semaines. Si j'étais bloqué dans une vision erronée dans mes précédentes dérives quasi-autobiographiques, il s'avère qu'aujourd'hui j'ai plus l'impression d'être perdu qu'autre chose.

Je me lève dans un peu moins de 3h30, pour entamer une longue journée de travail. N'allez pas croire que je sois salarié ou autre, je suis étudiant dans ce merveilleux domaine qu'est le droit. Après une première année catastrophique s'étant soldée par une réussite de justesse, j'ai finalement pris goût à la liberté universitaire tout en réalisant qu'il était temps pour moi de me mettre à travailler.

J'ai plus ou moins toujours été bon élève, je me classais dans les meilleurs de ma classe sans réelle peine. Reconnu enfant à haut potentiel rapidement, j'ai préféré me reposer sur mes facilités. Il me suffisait d'écouter en cours pour décrocher un 17 sans prendre la peine d'ouvrir un cahier pour réviser. J'aurais sans doute pu continuer encore un moment si j'avais été, comme je le désirais à la base, en langues ou en psychologie. En revanche, le droit et ses articles m'ont vite fait comprendre qu'il était temps de me mettre à travailler.

J'ai au final adhéré rapidement au droit que j'estimais assez stimulant intellectuellement pour me motiver à travailler et mes années suivantes ont été assez marquées par cette notion de stimulis intellectuel. J'ai validé ma licence en droit privé avec 12 de moyenne, ce qui dans la merveilleuse université qu'est Lyon 3 ne m'accorde aucune mention, la première démarrant à 13. J'aurais sans doute pu faire mieux, mais tout mon parcours témoigne de cette ambivalence dans mon travail. Si la matière me plaît, j'excelle sans vraiment forcer. Si la matière ne m'intéresse pas, c'est même pas la peine de me le demander. Si la majorité de mes amis ont eu des notes à peu près similaires partout, j'ai eu la même moyenne qu'eux en oscillant entre 4/20 dans certaines matières et 19/20 dans d'autres. 

Il m'est arrivé, au cours de ces études, de me découvrir des passions pour certains domaines. Il m'est aussi arrivé de découvrir que j'étais bon alors que la matière en question me rebutait. Allez faire comprendre à vos professeurs qu'avec la meilleure moyenne en contrôle continu et en partiel de toute la promotion en droit pénal et en procédure pénale, vous envisagez de vous spécialiser en civil malgré leurs lettres de recommandation pour un Master 1 ultra-sélectif. Drôle de coïncidence d'ailleurs, le Master 1 que j'ai choisi s'intitule Droit Privé Judiciaire, et en plus de ne pas être sélectif il forme des profils généralistes. J'ai donc retrouvé le droit pénal et j'y excelle à nouveau, serait-ce un coup du destin ?

En dehors de mes études, j'existe aussi. Je viens d'une famille assez simple qu'on pourrait situer dans le bas de la classe moyenne ou dans le haut du prolétariat selon le point de vue. Si à une époque nous avons connu les huissiers et leurs lettres incessantes chez ma mère et les hivers jurassiens dans une grande maison peu isolée où il faisait 8 degrés au réveil chez mon père faute d'avoir les moyens de payer le chauffage, je n'ai néanmoins pas la sensation d'avoir manqué de quelque chose. 

Je n'ai jamais été très matérialiste, ce qui peut expliquer cette sensation. J'ai toujours mangé à ma faim, et même si je n'ai jamais eu de téléphone dernier cri, d'ordinateur surpuissant ou de vêtements à 100€ pièce, ça ne m'a ainsi dire jamais intéressé. Je reconnais ceci dit que j'aurais sans doute trouvé une forte utilité à un ordinateur assez puissant pour faire tourner certains jeux vidéos, bien que j'aie vite perdu à l'université la manie de jouer jusqu'à des heures improbables.

Je pense également pouvoir prétendre au titre d'artiste. Je crée depuis presque toujours. Déjà petit, j'imaginais des histoires avec mes différents jouets et dessinais des cartes menant à un trésor dans le jardin avant de découvrir l'écriture assez jeune. Si, au début, je n'écrivais que quand l'invention était exigée par le professeur, j'ai tout de suite accroché à la poésie et l'ai pratiquée jusqu'à mes 15 ans avant de m'essayer au rap. Et, même si ça peut vous paraître totalement en contradiction avec le profil que j'ai précédemment dressé, j'ai accroché.

Voilà aujourd'hui plus de 6 ans que je pratique cet art, au point où j'ai enregistré un premier album avec mon groupe cet été. Originaires de Liège, j'ai rejoint mes amis une semaine en Juin pour une première session d'enregistrements après avoir écrit une multitude de textes au préalable, puis ils sont venus une semaine en France pour enregistrer à nouveau d'autres textes. Anecdote amusante, je travaillais à ce moment là en grande distribution (j'avais commencé un récit sur ce site, il faudrait peut-être que je le termine) et il m'est arrivé tout au long de cette semaine de finir des enregistrements à 2/3h du matin tout en sachant que je devais être à mon poste à 5h30.

Certains blâmeront mon manque de conscience professionnelle, d'autres comprendront aisément qu'entre créer artistiquement avec des amis et mettre des boîtes de conserves en rayon sous les ordres d'un manager tyrannique, le choix est relativement simple à faire.

Concernant cet album, nous avons essayé de sortir des grandes lignes pour trouver notre propre style. Cela se traduit notamment par le fait qu'aucun morceau ne ressemble aux autres tant dans la musicalité que dans le thème, la façon de l'aborder textuellement ou encore d'interpréter le texte. Il y a de tout, des sonorités jazzy, des ambiances très monotones et ternes, des morceaux que je qualifierai de solennels, des textes engagés, tout est présent. Je pense d'ailleurs que je continuerai cette approche artistique sur l'album que j'écris actuellement, je ressens le besoin de trouver mon style et rien ne me paraît mieux que de m'essayer à tous les styles qui existent pour me faire une idée de ce que je veux faire.

Pour rebondir sur mon travail cet été en grande distribution, j'ai toujours travaillé l'été dès que j'en ai eu l'occasion. Mes parents n'étant pas particulièrement préparés sur le plan financier quant au fait que je poursuive mes études, j'ai pris la décision de participer aux frais que ces dernières engendrent. J'ai donc découvert les joies de la grande distribution l'été dernier, et j'ai apprécié les horaires chaotiques et les rushs de la restauration les étés précédents. C'est grâce à des jobs du genre que j'ai toujours pu retrouver la motivation de poursuivre mes études et que j'ai réalisé que j'avais la chance d'avoir les capacités pour en faire.

Certains parleront de chance d'avoir les moyens d'en faire, je rétorquerai à ces derniers que, si je n'ai pas travaillé en parallèle de mes années universitaires par choix de privilégier mes notes, il est tout à fait possible d'allier les deux. Actuellement domicilié sur Lyon, je mange pour 20€ par semaine et mon loyer, mes charges et mes autres factures sont couverts par la somme des aides au logement et de la bourse. Pire encore, j'arrive à faire des économies chaque semaine.

Je mène donc une petite vie rangée qui me mènera sans doute à une carrière de magistrat, d'avocat ou d'universitaire, avec le statut social qui va avec et un salaire qui créera des envieux. Je travaille studieusement bien que je n'aille plus en cours depuis quelques semaines par volonté de gagner du temps. Cela me prend 1h20 pour lire, comprendre, approfondir et ficher un cours de 3h. Et cela me prend 40 minutes pour faire le trajet de chez moi à l'université. Faites le calcul, en restant chez moi je gagne 3h que je décompose librement entre travail et détente. Et je peux fumer, écouter de la musique ou même manger en travaillant sans avoir à me faire mal au dos sur un banc d'amphithéâtre qui grince en écoutant un quarantenaire imbu de sa personnalité exposer son point de vue doctrinal sur un sujet que j'aurais sans doute oublié une fois les partiels passés.

Et ce temps passé seul me permet de me découvrir, et je me rends compte que je suis perdu.

Je pourrais vous décrire ces longues périodes de vide amoureux, mais vous savez plus ou moins tous à quoi je fais référence. Je n'ai d'ailleurs pas la prétention de parler de vide amoureux puisqu'à l'heure où je vous parle j'ai le d'avoir plusieurs femmes de mon âge qui m'envoient régulièrement des photos d'elles dénudées en me demandant de les retrouver chez elles. J'ai même distribué une quasi-dizaine de râteaux depuis ma récente rupture il y a cinq mois, et j'entrevois le début d'une relation sérieuse (donc plus de photos de ces demoiselles ni d'ébats sans lendemain) avec une femme qui me plaît beaucoup.

Mais malgré tout ça, j'ai l'impression qu'il manque quelque chose à ma vie, peut-être est-ce un besoin d'évasion, de surprise, de profond ? J'ai cherché la réponse et je ne sais moi même pas ce que je veux. J'ai trop souvent côtoyé des artistes pour me retrouver bloqué dans une vie rangée à base de paperasse. J'ai trop souvent compris la nécessité d'étudier et d'avoir cette vie rangée pour m'adonner pleinement à la création artistique. 

Je me rends compte, du haut de ma vingtaine d'années, qu'il manque de la hauteur à ma vie. Je n'ai moi même pas trouvé de réponse, alors je vous le demande à vous.

A votre avis, est-ce que je suis heureux ?





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